Toutes les étapes ne sont pas forcément faciles à passer, facile à vivre mais c’est bien grâce à elles qu’on se relève, qu’on devient plus fort et c’est finalement la seule chose qui compte. C’est cependant bien difficile lorsque l’on travaille une période dure de se rendre compte qu’elle va passer, qu’on en sortira grandit et plus solide face à l’avenir. Lorsque j’ai eu à abandonner ma petite fille, mon petit bout que j’ai aimé en un regard après l’avoir porté pendant neuf mois dans mon ventre, parce que je ne me sentais pas capable de l’élever correctement et que je ne souhaitais que le meilleur pour elle, je suis passée par cette étape. J’ai eu beaucoup de mal à me relever de cela mais changer d’air, de pays et retrouver la complicité avec mon père m’a énormément aidé. En revanche, cela n’a rien effacé. Et oui, encore aujourd’hui, quatre ans après cet abandon à contre cœur, je pense au petit bout auquel j’ai donné la vie alors que j’allais passer mon bac en France tous les jours et tous les jours je me dis qu’elle pourrait grandir à mes côtés… C’est bien ce que je me dis mais ce n’est pas la réalité et c’est douloureux. Je peux donc complètement comprendre la douleur de mon amie Zola. Sa douleur est différente, différente dans le sens où elle ne concerne pas la même personne car nos histoires ne sont pas les mêmes mais la douleur est la même : la perte d’un être cher dans n’importe quelle raison. Je m’entends très bien avec Zola qui a le même âge que moi et avec qui j’ai passé mes premières années de médecine mais je ne pense pas que la demoiselle aurait pu me confier ce qui lui arrivait si je n’avais pas été là ce soir là où tout a basculé pour elle, lorsque nous avons reçu son petit ami à l’hôpital et qu’il y ait décédé. Cela n’a pas été facile de voir ma camarade et amie s’effondrer mais j’ai au moins pu être là pour la soutenir et c’est encore ce que je fais aujourd’hui. J’aime l’aider, j’aime la voir reprendre goût à la vie petit à petit et j’aime la voir progresser parce que oui, un jour, elle a vocation à être cette personne qui sauvera des vies et qui en laissera partir d’autres parce qu’elle ne peut rien faire de plus. Pendant un moment, après cette perte, j’avais bien cru que mon amie avait tout lâché mais après un moment de moins bien elle s’était reprise, elle avait redoublé et elle tentait de s’accrocher, puis même si elle, elle ne tenait pas tant que cela à s’accrocher, je mettais tout en œuvre pour qu’elle le fasse en l’aidant notamment en cours. J’avais aussi le loisir de partager des moments à l’hôpital et ce soir c’était le cas puisque nous étions toutes les deux en garde avec un docteur avec lequel nous travaillions souvent. Comme l’hôpital était assez calme, le médecin nous avait collé les tâches ingrates à faire. J’avais rapidement terminé les miennes de mon côté, je m’en étais débarrassée plus que j’avais pris de plaisir à le faire, ce qui m’avait permis d’aller voir Zola pour savoir où elle en était et savoir si elle avait besoin d’aide. Alors que j’entrais dans le bureau, j’étais plus que surprise de voir mon amie la tête dans les nuages et la pile de dossiers non traités toujours aussi grande à côté d’elle. Je savais bien qu’il n’y avait pas d’urgence car après cela nous n’aurions qu’à dormir un peu pour que la nuit passe plus vite tout en restant en alerte, mais tout de même, je me devais de ne pas faillir et de la motiver car ce n’était pas très sérieux, mais aussi parce que je m’interdisais d’aller dormir toute seule pendant qu’elle, elle restait là à travailler ! « Hey Zo ! Tu me fais quoi là ? T’avances pas bien vite ! Pas le goût ce soir ? » Je savais que mon amie avait des petits coups de mou, c’était tout à fait normal surtout qu’elle travaillait tous les jours là où elle avait perdu son petit copain mais je préférais ne pas la laisser seule avec cela, je préférais qu’elle me parle si quelque chose n’allait pas car comme cela, elle pouvait se mettre au boulot après avec le cœur un peu moins lourd et surtout l’esprit libéré au moins pour l’espace d’un instant.