Je vais te le faire bouffer
ton tréfle à quatre feuilles!
Tu vas voir si ca porte chance!

La laisser ? La laisser où ? Quand ? Comment ? De quoi parlait-elle ? En fronçant les sourcils, j’essaie de me souvenir de ce dont elle parle. En vain. « Tu… mais tu parles de quoi, merde ! » J’en arrivais à la conclusion qu’elle avait vraiment besoin de repos pour avoir autant d’imagination et de haine renfermée. Ou alors, mais l’option ne me paraissait pas envisageable pour la bonne raison que personne n’était au courant, si ce n’était mon père, Tacha elle-même et … Kirby ! Oui, c’était forcément ça ! « Tu…tu me reproches d’être parti avec Tacha, c’est ça ? C’est pour ça que tu dis que je t’ai laissé ? » soupirai-je avec enfin l’impression d’y voir plus clair. L’égoïsme d’Aengus sur le moment n’avait égal que le mien lorsque j’avais pris la fuite avec la jeune russe. « Performance ? » Etrange comme choix de mots. Sûrement qu’elle voulait dire que j’étais trop stupide pour pouvoir m’enfuir avec la personne que je chérissais sans me retrouver dans un lit d’hôpital au passage. Oui c’était sûrement ce qu’elle voulait dire par là. « J’ai pas choisi tu sais… c’était pas prémédité, c’est arrivé parce que je devais faire quelque chose, c’est tout. » ruminai-je sans me douter un seul instant du quiproquo qu’allait déclencher mon intervention. « Ok, ok, ça va, j’suis désolé, t’es contente ? Tu vas pas me reprocher ça toute ta vie, non ! C’est du passé, faut avancer maintenant ! De toutes façons, ça risque pas de se reproduire. » annonçai-je pour finir. Bah oui, Tacha avait pris le large...

Fiche (c) Espe

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Parti avec Tacha… Ses yeux s’écarquillèrent sous la surprise. Son cœur battait si vite que des fourmillements envahissaient le bout de ses doigts. Il y avait une autre fille !! Mais la suite fut bien pire, poussant deux mains sur sa bouche, réprimant un hoquet d’horreur. Il devait faire quelque chose ! Alors il l’avait jeté par-dessus bord parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire.

« P…parce qu’il fallait faire quelque chose. » Répéta t elle d’une voix tremblante de haine. « Du passé… »

Pour lui peut être ! Son passé n’existait plus, ou presque. A chaque fois que ses yeux se fermaient, des visions morbides lui revenaient en tête, toutes demeuraient différentes les unes des autres. Impossible de savoir si l’une était réelle ou non. Des cauchemars éveillés… Le diagnostique des médecins la laissait indifférente. Stress post traumatique ou non, sa vie continuait. Ravalant un sanglot, elle grimaça de douleur en posant sa main sur son bas ventre. La respiration saccadée menaçait de s’éteindre poussant la blonde à tous les efforts du monde pour un peu de maitrise.

« Et ta Tacha tu l’as aussi laissé comme ca ? C’est une habitude chez toi de prendre les gens puis de les balancer quand t’as plus besoin avec pour seule excuse qu’il fallait faire quelque chose ? La prochaine fois que tu la croiseras tu lui diras quoi ? Que t’es désolé? Qu’on ne va pas te reprocher ca toute ta vie ? Tu penses que tu peux bousiller la vie des gens et revenir comme si de rien n’était ? Je sais très bien que tu vas recommencer. Une fois que v… »

Une nouvelle grimace de douleur l’interrompit. Pliée en deux, elle tendit la main vers le premier arbre. Son pas tituba maladroitement dans la neige. Arrivée à destination, son bras encercla l’un des troncs pour se soutenir. Mine de rien, la distance entre elle et le scooter s’amenuisait. La ruse serait son salut ! Pourvu que les points n’aient pas sauté. Son chirurgien lui avait pourtant dit de ne pas forcer. Evidemment, en bonne tête de nœud, la blonde n’avait rien écouté. Sans plus attendre une réservation avait été faite à son nom pour le Spring Break, direction le Canada ! Good bye Californie pour dix jours de folie ! Enfin, son séjour de rêve se changeait en cauchemar et douleur ensanglantée.

« Ca doit être une sacrée ordure elle-aussi pour être partie comme ca. » Grogna Aengus entre les dents.

Peut être que la peur avait poussé cette fille à ne pas intervenir. Mais elle était accompagnée de Benedikt, lui-même juste dans le mouvement parce qu’il le fallait, elle aurait pu dire quelque chose, appeler les secours, la rejoindre à l’hôpital…Mais pas la laisser seule. De la haine, de la haine pure dégoulinait entre ses lèvres. Un sentiment qu’Aengus découvrait et qui la consommait de douleur.

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Je vais te le faire bouffer
ton tréfle à quatre feuilles!
Tu vas voir si ca porte chance!

Pourquoi est-ce que j’ai toujours l’impression que nous ne sommes jamais sur la même longueur d’ondes depuis ces quelques semaines ? C’est même à se demander parfois si on vient du même monde. Elle semblait horrifiée. Mais en quoi mon histoire était si extraordinaire ? En quoi la concernait-elle au juste ? C’est à n’y rien comprendre. « Et ta Tacha tu l’as aussi laissé comme ca ? C’est une habitude chez toi de prendre les gens puis de les balancer quand t’as plus besoin avec pour seule excuse qu’il fallait faire quelque chose ? La prochaine fois que tu la croiseras tu lui diras quoi ? Que t’es désolé? Qu’on ne va pas te reprocher ca toute ta vie ? Tu penses que tu peux bousiller la vie des gens et revenir comme si de rien n’était ? Je sais très bien que tu vas recommencer. Une fois que v… » Comment ça comment ? Que veut-elle dire par là ? A l’entendre, on pourrait croire que je suis coupable dans cette histoire. Mais coupable de quoi ? D’être tombé malade ? De m’être enfui avec la femme que j’aimais ? « C’est elle qui m’a laissé. » l’interrompis-je brusquement en fronçant les sourcils. Et baisse d’un ton s’il te plait, tu seras gentille. « Je … quoi ? » Je plisse le nez. Je ne sais même pas quoi répondre à ça. Elle délire ou quoi ? « On risque pas d’se revoir. Elle est partie j’t’ai dit. Très loin d’ici. Et non, pour Tacha, je regrette rien. On a fait c’qui fallait. Elle aurait pas dû s’en aller, parce que j’suis sûr que j’aurai trouvé une solution pour notre problème …mais c’est fini tout ça. Le passé c’est le passé, j’ai tourné la page. » Tu parles. Je pense nuit et jour à la russe mais à part ça, tout va bien. « Bousiller la vie des gens ? Quels gens ? Tu parles de quoi ? Je l’ai pas obligé à me suivre ok ? Elle est venue parce qu’elle savait qu’elle avait pas le choix, que je l’aurai pas laissé tomber de toutes façons. » grognai-je à nouveau, sans comprendre que le sens de chacun de mes mots était tout autre pour Aengus. « Ca doit être une sacrée ordure elle-aussi pour être partie comme ca. » « Tu la connais pas, alors ferme-la ! » Mon grondement fut plus fort cette fois-ci. Pourquoi est-ce que je défendais Tacha ? Parce que j’ai horreur qu’on dise du mal des gens que j’appréciais. Même si à l’heure actuelle, j’en voulais effectivement cette dernière d’être partie sans un au revoir ou une explication. « Ca va ? T’es toute pâle … tu vas pas gerber au moins ? » Inquiet de la santé d’Aengus qui tenait cet arbre comme un matelot perdu en mer tiendrait son radeau de fortune, je m’approche, toujours sur mes gardes jusqu’à n’être plus qu’à quelques centimètres. Ma main se posa sur son épaule, comme pour apaiser une colère que je trouvais personnellement illégitime. « Tu peux m’expliquer en quoi mon histoire avec Tacha te concerne d’ailleurs ? Et comment tu l’as su ? C’est mon père qui te l’a raconté ? Ou Kirby ? »

Fiche (c) Espe

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La douleur au creux de son ventre n’était rien à comparer de celle au fond de sa poitrine. Chaque mot qu’il prononçait heurtait son cœur dans une violence effroyable. Des coups de poings auraient été plus faciles à encaisser. Ses paroles… Un serpent au venin glacé. Il s’enroulait autour d’elle, piégeant son corps dans un immobilisme forcé. Les crochets dans sa gorge puisaient autant ses forces que ses résistances psychologiques. L’assenant de répliques toutes faites, ou surfaite, Benedikt piétinait sa belle colère pour mieux la toucher en plein cœur.

Son corps à la mer. Son sang sur le bateau. Il n’y avait rien à regretter. Sa mort. Son corps mutilé. C’était ce qu’il fallait faire. Aucun remord dans son regard, aucune compassion, aucune hésitation. Il avait tourné la page si vite. Avait elle tord de se fâcher ? Avait elle mérité tout ca ? Peut être que c’était de sa faute finalement. Tout s’emmêlait dans son esprit. Est-ce qu’elle avait été le problème ? Les choses s’organisaient dans le mauvais sens pensa t elle. C’était elle, le monstre. Cette révélation expliquait tout. Tout devenait limpide à présent. Un rire nerveux agita un instant ses épaules en sentant le contact de la main de Benedikt contre son corps. Sa cadence ne fit qu’augmenter lorsqu’il prononça le nom de Kirby. Sa meilleure amie aussi ? Quelle idiote faisait elle ! Tant de gens avaient souffert à cause d’elle, juste parce qu’elle n’avait pas su reconnaitre ses tords. Après tout, qu’est ce que ca pouvait faire cette histoire avec Tacha, Kirby et elle ne savait qui ? Elle aurait due être morte. Au fond, une part d’elle s’était en allée. Plus jamais sa vie ne serait la même. Etait ce un problème?

Comme animée par une toute nouvelle force intérieure, la vérité, elle se redressa lentement pour poser un regard doux sur Benedikt. Adieu colère ! Un sourire tendre s’empara de sa bouille tandis qu’elle déposait sa main sur le bras du garçon. Cette façon de le repousser avec délicatesse surprendrait plus d’un homme.

« Tu as raison. Je n’aurais pas dû crier. Tu devrais soigner tes yeux. »

Passer à autre chose avait été son conseil. Alors, aussi surprenant que pouvait le sembler la situation, Aengus suivait l’idée. Elle tournait la page, du moins, le pensait-elle. Ses forces l'avaient abandonnée. La reddition comblerait tous les vides, solutionnerait tout ses ennuis. A quoi bon se battre? Pour souffrir plus encore?

Probablement qu’elle devrait consulter aussi. Les yeux de Benedikt ne semblaient pas être l’unique problème. Son jean se tâchait toujours de sang et le froid se saisissait d'elle. Son pantalon était trempé après tout. Doucement, elle leva les mains vers le visage de Benedikt, comme pour prendre la mesure des dégâts qu’elle avait pu engendrer. C’était ce qu’elle aurait voulu oui. Mais voilà, une geste, un mouvement, un bruit et Aengus sursauta. La panique revînt aussitôt hanter son regard. Attrapant les épaules du jeune homme, Aengus ne comprit pas réellement la suite. Un vague souvenir lui revînt en tête, un combat de rue, des paris, sa pomme à l’affiche et une fille à terre. Attendez ? Elle faisait des combats de rue ? Pourquoi tentait elle de mettre Benedikt à terre au juste ?

Impossible d’embrayer pour la suite, perturbée dans son mouvement, la blonde échoua. Au lieu d’une jolie prise, elle bascula avec Benedikt dans la descente. Un stupide instinct la poussa à entourer le corps du garçon pour lui éviter de se faire mal à la tête au moment de la rencontre avec le sol. La descente fut longue avant d’atterrir dans un arbre… cette fois, ce ne fut pas elle qui amorti l’ensemble mais bel et bien Benedikt. Pour sa part, l’inconscience l’avait rejointe au premier contact avec la neige. Que Benedikt en profite. Ca ne durerait pas longtemps.

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Je vais te le faire bouffer
ton tréfle à quatre feuilles!
Tu vas voir si ca porte chance!

Tout à coup, sans prévenir, Aengus posa sa main sur mon bras. Ce que je pris d’abord pour une énième tentative de me tuer à petits feux ne s’avérait être en fait, qu’une sincère et douce caresse effleurant ma peau. Raison pour laquelle, naturellement, je reculai vivement en fronçant les sourcils. Elle qui n’avait cessé de repousser mes attentions depuis tout à l’heure, pourquoi se montrait-elle soudain aussi calme, aussi ‘gentille’ ? C’était un piège forcément. Mais je ne tomberai pas dans le panneau. « Tu m’prends pour un imbécile ? » lui grognai-je avec méfiance en me demandant ce qu’elle avait actuellement en tête. Si elle m’envoyait une autre gorgée de ce liquide piquant dans les yeux, j’vous jure que je l’assomme ! Au bout de compte, à force de chercher à droite et à gauche, en haut et en bas pour essayer de distinguer dans la neige avec quel nouvel outil elle avait décidé de me donner la mort, je remarquai enfin la tâche rougeâtre qui commençait à maculer son jean. L’eau n’était pas de cette couleur, que je sache ? « Tu… t'es blessée ? » Toutes mes bonnes résolutions, la raison qui m’avait poussé à me tenir à distance, venaient de s’évanouir. Un bond suffit à me rendre à ses côtés pour panser cette plaie invisible. « Pourquoi tu m’as rien dit, bordel ? » Non, je n’étais pas énervé. Juste… ébranlé. Pourquoi était-elle aussi lunatique ? Ca m’échappe. Elle devait mourir de froid. Autant que de souffrir si sa blessure était sérieuse. Elle le devait au vu de la surface de cette tâche. Bizarre. Je ne l’avais pas vu tombé, tout à l’heure. A moins que ce ne soit avant que nous nous retrouvions. Oui, mais quand ? Je n’eus pas le temps d’y réfléchir davantage qu’une main, deux en fait, s’emparèrent de mes épaules, tandis que le cri d’une branche sur laquelle je venais de poser le pied résonnait à nos deux oreilles. Ce qui dût l’effrayer, ce qui me surprit d’abord. Jusqu’à ce que le froid nous engourdisse. Je me sentis tomber en arrière, projeter. J’aurai voulu stopper ma chute, la sienne aussi, mais il était trop tard. Un arbre qui passait par là nous barra la route. Un grognement rauque de douleur s’échappa de ma gorge tandis que je jetai un dernier regard sur la pauvre petite chose étendue à mes pieds. « Bam…Aengus ? » Je tentai de me relever. Mon dos me faisait un mal de chien. « Ae…Aengus…allez, lève-toi. » Plus facile à dire qu’à faire. J’avais moi-même du mal à coordonner mes mouvements. Je ferme les yeux le temps de quelques secondes. La douleur ne s’en va pas. « Aengus, merde !! » Mais pourquoi ne se relève t-elle pas ? La tâche de tout à l’heure a sali la neige. Je comprends enfin ce pour quoi elle ne peut pas m’entendre. « Pizdec ! » Et comme à chaque fois qu’un élan de colère me prend au tripes, je me mets à jurer dans ma langue natale.

Un bruit de moteurs. Des voix que je reconnaitrais encore milles. Une langue familière. J’essaie à nouveau de m’éloigner de cet arbre. Impossible. Mes jambes refusent de me porter. Avant de sombrer, je les vois qui se rapprochent. Le temps d’un soupir, et je rejoins à mon tour le domaine de Morphée …

Fiche (c) Espe

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