❝cry me a river❞

La philosophie que j'ai toujours prôné est reste fidèle à toi-même si tu veux que l'on te reste fidèle. Une attitude digne d'un bipolaire n'est donc pas celle à adopter sauf en cas de nécessité extrême. Malheureusement, et depuis peu, je me suis rendue compte qu'il fallait que je m'adapte assez rapidement à ce nouveau style de vie. Cela allait faire depuis le début de l'année que j'étais ici, et j'avais réussi à m'intégrer au sein de ma confrérie, de me faire des amis à l'université de Berkeley. Quant au Spring Break, il m'avait fait prendre conscience que je n'étais pas que cette jeune blonde innocente mais qu'un féroce animal se tapissait en moi afin de se préparer à une attaque. Jamais je n'ai voulu devenir une de ces écarteuses de miches dont la bouche accueille autant de sexes qu'elle débite des bêtises aussi flagrantes que le rouge à lèvres vulgaire que cette même bouche revête. Jamais je ne deviendrai une de ces filles même si mon entourage me poussait à me libérer, à embrasser ce désir de voler et de profiter de cette jeunesse qui n'est éternelle que pour les grands enfants. J'étais intégrée, il fallait que je fasse encore des efforts jusqu'à ce que je me sente totalement à l'aise. C'était un besoin, une nécessité. Et mon frère le savait pertinemment. Monsieur conseils était de retour. lors, tu viens voir ou pas ? Allez, fais pas ta sucrée... Je le regardai en écarquillant les yeux, manquant de faire tomber les livres que je rangeais soigneusement dans mon casier. Ma sucrée ? Ne me dis surtout pas que tu es sérieux quand tu me dis ça ?! Mais tu sais bien ce que je veux dire. Allez, il y a un match, c'est le moment de gagner des points, de ne pas t'enfermer dans tes livres. Ce n'est pas en assistant à un match que tu vas finir comme ses groupies qui bavent devant un corps musclé. Je roulai des yeux avant de soupirer légèrement en l'air à m'en décoiffer la mèche rebelle qui s'était déposée sur mon front. Je ne veux pas y aller seule... Je vais me sentir mal à l'aise, et tu sais très bien que ce n'est vraiment pas mon truc. Je marquais une courte pause, fermant mon casier avant de faire face à mon frère qui se montrait aussi têtu que d'habitude. Et je ne bave que devant un intellect un minimum évolué mais la plupart des joueurs ont un cerveau triplement inférieur à la taille du ballon avec lequel ils jouent. Mon sarcasme habituel ne lui faisait absolument plus rien. Depuis que nous avions repris contact réellement lorsque j'avais décidé de le rejoindre à l'université de Berkeley, je m'étais rendue compte que ne plus le côtoyer tous les jours lui avait fait oublié à quel point je pouvais ne pas avoir ma langue dans ma poche en sa présence. Le temps, nous l'avions rattrapé et même plus vite que je ne l'aurai imaginé. Ecoute, tu veux bien sortir de tes livres pour une fois et devenir une étudiante américaine impliquée ? Alors assiste au moins à ce match, okay ? Il avait raison ce sale vaurien. Okay, okay, mais je retiens que tu m'en dois une alors. Il me sourit doucement avant de me baiser la joue et de s'en aller rapidement dans l'autre direction, surement afin de retrouver sa belle. Le match allait commencer, il fallait que j'y aille (...) Le soleil était au rendez-vous en ce bel après-midi. La plupart des supporteurs avaient sorti leurs lunettes de soleil, les filles s'étaient habillées avec moins de tissu que d'habitude et tous avaient les yeux rivés sur les joueurs. Levant un cil tout en prenant place à côté d'inconnues qui semblaient m'accueillir agréablement comme si nous faisions parti d'une même secte, je scrutais l'attitude des champions et compris bien aisément pourquoi certaines poules gloussaient comme des dindes. Des hommes musclés -mais pas trop- qui courent, qui enlèvent leur tee-shirt, dévoilant une musculature naturelle et travaillée. Le naturel sauvage rend les filles toutes chaudes, et je devais bien être la seule qui transpirait à cause du soleil. Heureusement, je me fondais dans la masse avec ma mince robe aux motifs rappelant l'Afrique qui épousait à ma peau sans la froisser. Au bout de quelques minutes, il était temps aux "mannequins" de reprendre des forces pour la suite, et déjà des filles se rapprochaient pour encourager leur "idole". Ce spectacle amusant me parut le moment rêvé pour souffler à mon tour. Plus de rires d'enfants ou de remarques sur le corps des joueurs, je pouvais finalement me contenter des rayons du soleil qui caressait ma peau comme on fait un massage. Les mâles se dispersaient, il y avait du mouvement. Une ombre, semblant se rapprocher de l'endroit où je me trouvais, attira mon attention. Me redressant doucement, je fixai la personne qui s'avançait vers moi. Un doux corps digne d'une poupée ken, un mélange de sueur et d'eau qui coule sur le corps comme dans une publicité. En face de moi se dressait un mannequin à l'allure sauvage qui faisait se retourner quelques filles aux alentours. Les pauvres ne savaient même pas qui reluquer tant les hommes étaient bâti comme des sportifs qu'ils étaient. Je restais assise, ouvrant grands les yeux en comprenant qui était en face de moi. Quelle agréable surprise de vous voir ici, mademoiselle… Il me vouvoie maintenant ? Et en plus, il se la joue homme viril des cavernes tout en s'adressant à moi comme des bourgeois ? Le décalage entre le discours et la réalité me fit sourire de suite, ce que je ne voulais pas qu'il prenne pour un sourire de courtoisie ou de séduction. Il était beau, certes, mais le charme qu'il dégageait ne m'empoisonnait nullement. Je ne suis pas là pour toi, ni pour ton corps non plus... Je suis uniquement là pour profiter du match, pas pour me battre contre toi. Monsieur ne se laisse pas faire, il a un tempérament qui, lui, m'intrigue beaucoup et est séduisant. Après tout, lorsqu'un homme, même si sa réputation est mauvaise concernant les femmes, s'intéresse à vous au point de frôler le harcèlement tout en le fusionnant avec une once de romantisme, il est difficile de dire que sa détermination ne vous touche nullement. Ezra semblait être perdu entre le chemin du connard qui essaie de battre le record du monde de nanas avec lequel un homme a pu coucher en une vie, et le prince charmant qui veut surprendre sa belle. Autant dire que le personnage avait de quoi me rendre curieuse. Mais cela ne veut pas dire que je t'accompagnerai aux vestiaires pour que tu puisses me montrer ce que tu vaux au corps à corps. Depuis que j'étais arrivée à Berkeley, je m'étais fait plus féline lorsque je rencontrais des problèmes. Ezra était un obstacle de taille mais le contourner était bien trop simple, surtout que le jeu que nous avions mis en place nous plaisait à tous les deux. Je ne voulais céder, il voulait me faire tomber. Et même si il avait de quoi faire chavirer un coeur, une femme a toujours l'emploi des mots pour exciter un homme sans avoir à le toucher. La provocation est un art que je commençais à comprendre, à manier grâce à Leo, mon aide précieuse dans cette quête pour ma propre libération. Peut-être allais-je craquer mais je ne voulais pas y penser. Ma morale fut ma religion, et Ezra symbolisait le démon.

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