Si quelque chose avait toujours fasciné Isaac c'était les arts. Sa plus grande passion artistique était incontestablement la littérature mais cela ne l'empêchait pas de divaguer dans d'autres domaines qu'il trouvait tout aussi intéressants, certes cet intérêt presque "passionnel" qu'il avait pour les lettres n'était pas le même, mais la diversité était quelque chose qu'il appréciait et cultivait avec plaisir. Depuis qu'il avec cinq ans, il jouait du piano à merveille, cela tout ses proches le lui disait. A l'époque, quand ils vivaient en Russie, le petit garçon donnait de jolies représentations pour ses parents, certes moins élaborées que celles qu'il était capable de donner aujourd'hui, mais on lui avait immédiatement découvert ce talent ancré en lui pour les instruments. Récemment il aurait aimé se mettre à la guitare, instrument qu'il avait autrefois pratiqué un peu, mais sa voix n'était pas désagréable non plus. Après la musique et la littérature, ainsi qu'un peu de théâtre occasionnellement il s'était dirigé vers un autre chemin, celui du dessin. Pour Isaac cet art sur papier était un véritable passe-temps agréable auquel il s'adonnait assidûment. Son style était très réaliste, il voulait saisir chaque parcelles d'émotions qui pouvaient se loger dans les personnes qui posaient pour lui. Il avait donc souvent représenté des personnes qu'ils apercevaient dans les couloirs du lycée, son cahier sur les genoux, crayon gris et estampe en main. Mais une jeune femme, particulièrement jolie avait un jour attirée son attention. Il s'était senti attiré par cette belle demoiselle qu'il avait crayonnée à plusieurs reprises sur ses portraits sans qu'elle le sache. Après plusieurs représentations réussies de la blondinette, il s'était décidé à lui demander de poser pour lui. Le courant qui passait entre eux n'avait pas vraiment les airs d'amour, c'était juste une attirance irrépressible que le jeune homme n'arrivait pas à refouler. A sa grande surprise la jeune femme avait aimablement acceptée et elle avait posé pour lui plusieurs fois. Ces séances artistiques passées en la compagnie de la demoiselle prénommée Caroline étaient un véritable plaisir et un très bon exercice pour Isaac. Pour l'étudiante cela ne semblait pas non plus être un moment très désagréable et maintenant le jeune homme s'apprêtait à lui demander une nouvelle fois de poser pour lui. A cette heure de fin de matinée, la plupart des étudiants avaient fini leurs cours de la matinée et étaient partis manger dans le gigantesque réfectoire, ce qui n'était pas le cas du bel écrivain qui n'avait pas envie de se nourrir, bien plus préoccuper par son envie incessante de dessiner Caroline.

C'est sur la route de la cafétéria où il était persuadé de pouvoir la trouver qu'il la vit dans le couloir, quelques mètres les séparant seulement. Bien qu'il se sente particulièrement lié avec sa muse, elle restait tout de même une étudiante parmi tant d'autres et l'handicapé ne changeait pas son mode de fonctionnement, pas même une minuscule alternative : masque de froideur, nonchalance et un air distrait, le tout couvert par des phrases courtes aux airs totalement désintéressés. Mais il lui semblait que son beau modèle avait comprit son petit jeu et savait qu'il n'était pas foncièrement froid et inexpressif mais qu'il s'en donnait juste l'air. Il se décida alors à accoster la jeune femme, essayant de paraître le plus discret possible. Ses doigts caressèrent un instant le caoutchouc des pneus de son fauteuil et il donna quelques vigoureux mouvements vers l'avant pour rouler jusqu'à elle. « Salut, Caroline. » il ne se résolvait toujours pas à l'appeler par un diminutif, il préférait l'appeler par son prénom entier plutôt que par le commun "Caro" que tout le monde devait employer avec elle. Et puis ce n'était pas vraiment le genre de la maison de surnommer les personnes. Même sa meilleure amie, Maisy, avait toujours le droit à son nom complet plutôt qu'à un quelconque pseudonyme. Sa voix ne laissait échapper aucune expression agréable, mais ses lèvres le trahissaient amèrement, un petit sourire s'était malencontreusement dessiné contre son gré dessus. Il se racla la gorge afin de s'éclaircir la voix et se passa une main dans les cheveux, légèrement inquiet vis-à-vis de la réaction de la belle. Allait-elle l'envoyer balader car il la dérangeait juste avant sa pause déjeuner ? « Hum, en fait j'ai très envie de dessiner et je me demandais si tu accepterais de poser une nouvelle fois pour moi. » fit-il, ses graves mélodieuses trahissant une légère anxiété quant à la réponse de Caroline. Après tout, elle n'avait pas que ça à faire de pauser pour un pauvre gars rejeté que tout le monde considérait comme une ermite alors qu'elle devait sans doute aller manger et qu'elle avait sans doute des amies qui l'attendaient avec impatience. « J'ai trouvé une salle vide au bout du couloir de droite. » ajouta-t-il, pensant la convaincre avec ce maigre argument. Il toussota une nouvelle fois avant de relever les yeux vers elle. « Mais sinon c'est pas grave, hein. Tu dois peut-être aller manger, ou aller en cours, ou... j'sais pas. Enfin t'as peut-être des trucs à faire, si c'est le cas je comprendrais t'inquiètes. » fit-il. Ses paroles ne s'accordaient pas avec sa mine froide et dure.