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| every time i close my eyes, it's like a dark paradise ♦ matthias ddc | |
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| Sujet: every time i close my eyes, it's like a dark paradise ♦ matthias ddc Lun 5 Mar - 23:11 | |
| elmas&matthias ϟ La vie est faite de choix : Oui ou non. Continuer ou abandonner. Se relever ou rester à terre. Certains choix comptent plus que d’autres : aimer ou haïr. Être un héros ou un lâche. Se battre ou se rendre. Vivre ou mourir. Je vais le répéter une dernière fois, pour ceux qui en douteraient encore... La vie est faite de choix. Vivre ou mourir, le choix le plus important, mais la décision nous appartient rarement. grey's anatomy Presque minuit, je n'arrivais toujours pas à trouver sommeil. J'avais pourtant fait le nécessaire pour pouvoir enfin passer une nuit tranquille : de quoi me dépenser la journée, éviter toute boisson à base de caféine et même me coucher assez tôt. Pas très excitante ma vie étudiante dirons-nous, mais certains soirs, on a tout simplement envie de s'allonger et de ne rien faire. Le plafond blanc de ma chambre n'avait plus aucun secret pour moi à présent, résultat des longues heures passées à le contempler. Timéo étant sorti, je pouvais donc psychoter toute la nuit sans déranger personne. La plupart du temps, je me contrôler, passant des cauchemars les plus bruyants à de simples paroles dites dans mon sommeil. Même si les crises de panique n'étaient pas tout à fait gérées, je me débrouillais assez bien. C'était comme mon grand challenge quand j'ai décidé d'emménager avec lui : chasser mes démons, ou du moins, me montrer plus discrète. Les quelques minutes d'assoupissement me donnaient droit à des rêves franchement pas joyeux. Souvent, je me retrouvais en Russie, de nouveau dans le corps d'une enfant, à me réveiller dans cette maison où l'on m'a retenue prisonnière trop longtemps. Chaque réveil était donc accompagné d'un sursaut ou d'un cri que je tentais d'étouffer au maximum. Après toutes ces années revoir sans cesse les mêmes souvenirs, les mêmes scènes d'horreurs se répéter encore et encore dans mon esprit comme un disque rayé ne m'avait pas suffit à surmonter ce mal-être. Même si je m'en étais sortie, avec la grande chance que j'avais, mes pensées se tournaient vers ceux qui n'avaient rien pu faire, des enfants inconnus devenus ensuite des amis que j'avais lâchement abandonné. Pourquoi donc ? Pour me sauver moi-même. Lorsqu'on a treize ans, même avec toute la bonne volonté du monde, on ne peut pas aider tout le monde. Et dans ma situation, soit je saisissais ma chance, soit je restais parmi eux. N'importe qui à ma place aurait fait la même chose, j'en suis certaine. Et malgré cela, la culpabilité me rongeait. J'imaginais ce qu'ils vivaient, quel genre d'Enfer ils devaient encore supporter et leur souffrance. Leur souffrance qui longtemps fut la mienne aussi. J'attrapais mon iPod posé sur le chevet et apportais les écouteurs à mes oreilles. Quelque chose de bien fort, du bon vieux rock par exemple, m'aiderait certainement à masquer les pleurs d'enfants qui hantaient mes nuits. Le son monté au maximum, j'espérais encore pouvoir dormir ne serait-ce qu'une demi-heure. Mais partie ainsi, je devrais faire face à une nouvelle nuit blanche, ou du moins, une nuit de deux heures maximum. En fermant les yeux, un flot d'images me passa devant les yeux, comme si les pires instants de ma vie avançaient en marche rapide. Puis un arrêt net. Me voilà maintenant sur un lit recouverte d'une couverture à la blancheur terne. Quelques tâches de sang par-ci par-là, je reconnaissais l'hôpital où on m'avait arraché mon bien. Encore une fois, je relevais ma chemise de nuit pour voir apparaître une horrible cicatrice toute fraîche encore parcourir le côté droit du ventre. Vision d'horreur qui se termine brutalement lorsqu'une voix familière – à l'époque – m'exposa les faits. J'avais horriblement mal, et la douleur ne faisait qu'empirer de secondes en secondes. Avec la paume de ma main, j'exerçais une pressions sur l'origine du mal, en espérant que ma chaleur corporelle me soulagerait. Mais bien sûr, ce n'est pas avec ce genre de méthode qu'on se sent mieux. Mon ventre me démangeait, et au risque de faire éclater les sutures, je pris le risque de frotter un peu plus fort, allant jusqu'à faire passer le bout de mes ongles légèrement. Sentant mes doigts glisser, du sang coulait légèrement, et rapportant ma main devant mes yeux, un hurlement venant du fond de la pièce me sortit de mon rêve. Minuit et trois minutes. Génial. Relevant le haut de mon pyjama, je venais de constater que ma cicatrice était un peu plus rouge que d'habitude, en passant de la pommade, ma peau serait déjà moins irritée. D'autant plus que ces derniers jours, mes insomnies se font de plus en plus fréquentes. La fusillade de Berkeley n'avait laissé personne indifférent et de lointains souvenirs refirent surface soudainement. J'en venais même à croire que le malheur me pourchassait. Que partout où j'irais, il y aurait des catastrophes. Le temps d'attente étant devenu insoutenable, je pris mes affaires, direction l'université.
Les rues de San Francisco étaient toujours animées, quelle que soit l'heure. Dans l'un des ses nombreux bars devaient probablement se trouver des amis, qui profitaient leur vie sans vraiment se soucier des autres. Que savent-ils de la vie après tout ? On se rend compte de sa valeur qu'après un événement tragique, comme la fusillade par exemple. Pour moi, ce n'était qu'un autre événement qui montrait à quel point la vie était courte, et qu'il fallait faire bon usage de chaque minute. C'était d'ailleurs pour cette raison que j'allais rendre visite à mon ami Matthias Dupont De Calendre, connu via la confrérie. Tous les deux avons des problèmes concernant notre sommeil et je m'étais déjà rendue chez lui en pleine nuit et lui également pour discuter, tout simplement. Si le temps est d'une lenteur incroyable, autant le passer avec une personne qui vous comprend. Qui elle aussi a vécu des choses marquantes, voir même plus qui sait. Je ne savais pas encore tout de Matthias, mais il était clair qu'il n'avait pas vécu que des jours bons. On se découvre progressivement, et j'aime assez cette idée, de ne pas précipiter les choses. En fermant la portière de ma voiture, je m'adossais contre elle quelques secondes, levant la tête au ciel et poussant un long soupir. J'espérais juste qu'il ne dormait pas. Dans le cas inverse, je lui aurais gâché ses quelques heures précieuses de sommeil, que l'on comptait largement sur une seule main, pour ne pas dire quelques doigts seulement. La sécurité étant renforcée dans l'enceinte de l'établissement, un agent de sécurité prit le temps de vérifier mon identité pendant des minutes qui me parurent des heures. La nuit, déjà assez énervée à la perspective de ne pas fermer l’œil, la patience n'était pas mon fort. Devant la porte de mon ami iota, je toquais trois fois puis attendait qu'il vienne m'ouvrir la porte. Au bout de quelques minutes seulement, le voilà face à moi. Arborant un large sourire et assez gênée également, je lui adressais un petit « Salut. » suivit d'une phrase des plus classiques : « Je ne te dérange pas j'espère. » |
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| Sujet: Re: every time i close my eyes, it's like a dark paradise ♦ matthias ddc Mer 7 Mar - 17:45 | |
| « Tout va bien, je t’assure. » Murmurais-je, penché au dessus d’une dissertation que je devais rendre la semaine prochaine. Rien de bien difficile ; j’avais simplement du mal à me remettre au travail. J’avais vécu déconnecté de toutes les réalités possibles pendant trois ans, et la vie que je menais aujourd’hui me semblait bien futile. Me lever, prendre un petit déj’, aller en cours, prendre un repas rapide à la cafétéria, retourner en cours, rentrer dans ma chambre chez les Iota, passer la soirée à bosser. Je me retrouvais propulsé dans une vie d’étudiant normal ; une vie que je ne connaissais pas, et que je n’avais jamais envisagé. Avant de partir en Irak, j’avais été bon élève ; bac scientifique obtenu avec la mention principale. Et puis j’avais tourné le dos aux études, préférant m’engager dans quelque chose qui avait un réel sens. Pour moi, ça avait aussi été un moyen de fuir ma vie. Je ne me remettais pas du décès de mon petit frère, survenu l’année de mes dix-sept ans. Je me sentais coupable, affreusement coupable ; d’ailleurs, il en était de même pour Thaïs et Nattéo. J’ai secoué la tête, préférant chasser de mon esprit ces obscures pensées. Je n’avais pas besoin de penser à ça. J’ai légèrement soupiré, avant de me lever. Je suis allé me poster face à la fenêtre de ma chambre, mes yeux scrutant l’obscurité grandissante qui s’étalait sur le parc de l’université. A l’autre bout du fil, ma mère, qui semblait partie dans un long monologue. Je me souvenais encore très bien de la matinée où je lui avais annoncé que j’allais rentrer dans les prochains jours. Elle avait purement et simplement fondu en larmes, tout comme elle l’avait fait lorsque je lui avais annoncé mon départ. Elle avait juré tout ce qu’elle savait, prié tous les saints qu’elle connaissait, et attendu mon retour avec une impatience non dissimulée. Elle était partie en voyage, pour ses affaires, et je n’avais donc pas eu l’occasion de la recroiser depuis que j’avais frôlé le sol américain. J’ai été soudainement ramené à la réalité, alors qu’elle me parlait de Thaïs. « Oui, elle va bien aussi. Je crois. Tu ferais mieux de l’appeler… » Je n’osais pas lui avouer que je n’avais pas encore tenté de reparler à ma sœur. Nous étions dans la même université, dans les mêmes bâtiments, et je la fuyais comme la peste. J’avais bien conscience d’être lâche, mais je ne savais pas comment m’y prendre. Il faudrait pourtant qu’un jour ou l’autre, je parvienne à faire face à mon destin. Je ne pouvais pas éviter éternellement ma sœur, Thaïs, celle qui m’était si chère. J’ai soupiré lourdement alors que ma mère me demandait si j’étais allé la voir. Non Maman, toujours pas. Mais parce que je n’avais pas envie de lui répondre, et encore moins de lui expliquer le pourquoi du comment je restais à l’écart, j’ai préféré parader. « J’ai une dissertation à finir pour demain, et je n’ai que peu avancé. Je dois te laisser. » Sans même attendre un mot de sa part, j’ai raccroché. Ma mère allait probablement fulminer, râler, trépigner pour le manque de savoir vivre dont je savais faire preuve, lorsqu’il s’agissait de contourner un point épineux. Néanmoins, tout ce que je voulais, c’était que l’on arrête de me poser des questions, que l’on arrête de me renvoyer mes fautes en pleine figure. Je voulais simplement qu’on me foute la paix. Je ferai les choses à ma manière, lorsque je serai prêt à les faire. En gros, pas maintenant. D’un geste brusque, j’ai balancé mon portable sur mon lit, puis je suis retourné m’asseoir à mon bureau. Il était seulement vingt et une heure, j’avais encore du temps à tuer avant que l’idée de me coucher ne m’effleure l’esprit.
Je me suis brusquement redressé. Assis dans mon lit, j’ai cherché à tâtons la moindre chose qui pourrait m’aider à me défendre. Puis j’ai soupiré de soulagement, en voyant l’endroit où j’étais. Je n’étais plus à l’étranger, je n’étais plus avec les autres soldats ; on ne me réveillait plus au beau milieu de la nuit pour parer à une éventuelle attaque. Ici, sur le sol Américain, dans l’université de Berkeley, je n’avais rien à craindre. J’étais sain et sauf. J’ai froncé les sourcils, me demandant quel était ce petit bruit régulier qui m’avait réveillé. Mais je fus vite ramené à la réalité ; quelqu’un frappait à ma porte. J’ai froncé les sourcils en voyant l’heure ; minuit. Personne ne me dérangeait jamais à une telle heure. D’ailleurs, personne ne me dérangeait tout court. J’étais Matthias Dupont de Calendre, l’étrange, le mystérieux, l’asocial, celui qui avait survécu à son engagement. J’étais l’ancien soldat incompris, que l’on regardait avec des yeux ronds comme des billes, que l’on pensait complètement idiot. Les gens pouvaient bien dire et penser ce qu’ils voulaient ; personne ne pouvait comprendre. J’ai enfilé mon jean, qui trainait au pied de mon lit. Puis, d’un pas un peu hésitant, redoutant ce que j’allais trouver derrière la porte (ou qui j’allais trouver), j’ai été ouvrir. « Elmas. » Dis-je en passant une main sur mon front, après avoir soupiré de soulagement. Mes épaules se relâchèrent ; à la vue de ce visage familier, j’étais nettement moins méfiant, nettement moins tendu. Parce que je savais que je pouvais lui faire confiance. Nous n’avions pas eu les mêmes histoires, ni les mêmes blessures, et pourtant, j’avais l’impression qu’elle me comprenait mieux que personne. Nous avions été rapprochés suite à une rencontre dans le bâtiment de notre confrérie, et nous n’avions pas tardé à nous découvrir des atomes crochus. « Non, non, vas-y, entre. » Dis-je en m’écartant pour la laisser entrer. J’ai refermé la porte derrière elle. J’ai été m’asseoir sur mon lit, m’adossant contre le mur, avant de lui faire signe de venir me rejoindre. « Dis-moi tout. » Murmurais-je d’une voix compatissante. Elmas n’était pas là par hasard, je le savais très bien. Si elle était face à moi, c’est parce qu’elle avait besoin de parler, de soulager sa conscience. « Qu’est-ce qui t’amène par ici, à une heure si tardive ? » Question purement rhétorique ; j’étais un peu prêt sur des paroles qui allaient suivre. Mais j’écoutais avec plaisir tout ce qu’elle voudrait bien me révéler ; elle avait besoin d’un confident, tout comme j’avais besoin d’une confidente. Disponible à toute heure, par tous les temps. Quelqu’un sur qui on pouvait compter, quoiqu’il arrive. Nous avions tous les deux besoin de stabilité, et par chance, cette relation fusionnelle nous permettait de maintenir un minimum d’équilibré dans nos vies déjà si perturbées, si chamboulées par les épreuves.
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| Sujet: Re: every time i close my eyes, it's like a dark paradise ♦ matthias ddc Mer 14 Mar - 22:39 | |
| elmas&matthias ϟ La vie est faite de choix : Oui ou non. Continuer ou abandonner. Se relever ou rester à terre. Certains choix comptent plus que d’autres : aimer ou haïr. Être un héros ou un lâche. Se battre ou se rendre. Vivre ou mourir. Je vais le répéter une dernière fois, pour ceux qui en douteraient encore... La vie est faite de choix. Vivre ou mourir, le choix le plus important, mais la décision nous appartient rarement. grey's anatomy Ces derniers temps, je n'aimais pas trop me promener seule, surtout en plein milieu de la nuit. Je ne savais pas exactement si tout le monde était dans mon cas. Les événements récents n'ont fait qu'aggraver ma psychose. Je pensais pourtant m'être débarrassée de mes démons en venant aux Etats-Unis mais ce n'était pas vraiment le cas. Quoiqu'il arrivera, où que je serai, jamais je n'arriverais à soulager ce mal-être. Même si mes séances chez le psychologue depuis plusieurs années maintenant m'avaient largement aidée à aller mieux, un simple événement, parfois même un bruit complètement anodin pouvaient me faire perdre la tête. Mais ce n'était pas tout. Encore faut-il réussir à cacher cela aux autres. Chose qui dès le départ je le savais ne s'annoncerait pas facile. Avançant d'un pas rapide dans la cour de l'Université, je ne préférais pas m'attarder longtemps, ne sait-on jamais. Au fur et à mesure de ma marche je revoyais des morceaux de scènes se dérouler de nouveau sous mes yeux. Des hurlements, des coups de feu et du sang. Beaucoup trop de sang. Secouant la tête pour m'ôter ces idées noires , je savais que dans quelques minutes seulement j'irais mieux. Matthias représentait pour moi une personne digne de confiance. Même si nous ne nous étions pas encore révélés grand chose sur nos passés respectifs, je me sentais en sécurité avec lui. Pas besoin de se précipiter, nous avancions à notre rythme, ce qui changeait de d'habitude. La plupart de mes amis n'auraient jamais eu la patience nécessaire pour que je me dévoile à eux. Les moments de blancs étaient généralement assez pénibles, mais pas avec lui. Je voyais tout d'une manière différente finalement. Je dirais même que les quelques heures passées en sa présence étaient beaucoup plus efficaces qu'une succession de séances interminables à discuter avec un inconnu. Contrairement au psychologue, Matthias avait vécu des choses similaires aux miennes, assez lourdes à porter pour qu'il ait envie d'en parler. L'aspect relationnel changeait absolument tout, c'était un ami, un très bon même. Devant la maison de la confrérie, j'avançais dans le couloir en faisant le moins de bruit possible. Un bon nombre d'étudiants devaient être de sortie, ce n'était pas une raison de réveiller les quelques personnes tenant à leur sommeil. En parlant de sommeil, je me rendis vite compte de mon erreur lorsque je n'aperçus aucune lumière transparaître de sous la porte du iota. Même si je ne voulais pas le déranger à une heure si tardive, quelque chose me poussait à aller jusqu'au bout. Après tout, j'étais là maintenant, et malheureusement il allait devoir me supporter pendant plusieurs heures, sauf si l'un de nous tombait dans les bras de Morphée plus vite que prévu. Frappant trois fois à la porte comme à mon habitude, j’attendais qu'il vienne m'ouvrir. « Elmas. » Son visage se transforma en l'espace d'une seule seconde. En même temps, qui pouvait venir lui rendre visite à cette heure-là ? Il avait toutes ses raisons de croire que cela ne présageait rien de bon. « Et oui, ce n'est que moi ! » Ma phrase accompagnée d'un petit sourire, j'espérais détendre l'atmosphère. Nous étions tous sur nos gardes ces derniers temps, et j'étais persuadée que même les plus solides d'entre nous sur le plan psychologique en avait pris un sacré coup. Ce sont des choses qui ne laissent pas indifférentes. Impossible. « Non, non, vas-y, entre. » me dit-il en s'écartant pour ensuite refermer la porte. Plantée au milieu de sa chambre, je ne savais pas vraiment quoi faire entre rester debout ou me trouver un endroit où m'asseoir. Heureusement, celui-ci m'invita à le rejoindre sur son lit. M'adossant à mon tour contre le mur. « Dis-moi tout. Qu’est-ce qui t’amène par ici, à une heure si tardive ? » Poussant un léger soupire, je pris ma mèche de cheveux pour la mettre derrière l'oreille. C'était un réflexe qu'il m'arrivait souvent de faire lorsque je me retrouvais face à des situations embarrassantes ou bien compliquées. Cette fois-ci, il s'agissait plus du second point. Et je savais à quel point ça allait être difficile. « D'ailleurs, je m'excuse de venir si tard, au départ ce n'était pas mon intention de te réveiller, mais j'avais vraiment besoin de te voir tu comprends ? » Marquant un court arrêt, j'avais quitté ses yeux pour tourner mon regard vers le reste de la pièce. Encore aujourd'hui, je n'arrivais pas à en parler ouvertement, je ressentais chaque fois ce mal-aise. Et même s'il m'était déjà arrivé de raconter mes histoires à quelques personnes, je ne m'y faisais jamais. J'enviais vraiment toutes ces personnes qui coulaient des jours heureux à la vie si parfaite. « Oh, comme d'habitude. C'est en rapport avec ce que j'ai vécu en Russie. Je me dis que je suis ici, en parfaite sécurité, ou presque, alors que là-bas des enfants continuent à disparaître chaque jour, passés pour morts alors qu'en réalité ils n'espèrent qu'une chose : que l'on se batte pour les retrouver. Mais après tout, quand on annonce à des parents, du moins si ceux-si sont toujours vivants, que leur enfant s'en est allé, comment avoir un semblant de vie normale ? C'est tout simplement impossible. Je n'arrive pas à accepter le fait que toute cette machination continue d'exister et que moi, je suis vivante, alors qu'en réalité je n'aurais probablement pas survécu longtemps encore à ce rythme de vie. Et les événements récents n'ont fait qu'aggraver ma situation déjà assez déprimante. » Je ne cessais de me poser les mêmes questions. Et après ? Que se serait-il passé si …? Comme on le dit, avec des si on referait le monde. Dans le fond, je m'en veux énormément de ne pas avoir aidé mes camarades. Même si les chances de réussite de mon plan étaient quasi-nulles avec une ou deux personnes en plus, j'aurais peut-être pu essayer ? Mais dans le feu de l'action, tout ce genre choses on n'y pense pas. Malgré nous, nous faisons preuve d'égoïsme. Exactement ce que je faisais en ce moment même. « Désolée Matthias, c'est assez égoïste de ma part de te déranger sous prétexte que je ne vais pas bien. Sache que je te suis très reconnaissante. Et bien sûr, n'hésite pas si toi aussi tu as besoin de soulager ta conscience. Je ferais peut-être mieux de te laisser dormir, tu m'as l'air bien fatigué. » |
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| Sujet: Re: every time i close my eyes, it's like a dark paradise ♦ matthias ddc Mar 20 Mar - 20:02 | |
| Attablé à mon bureau, penché sur un devoir que j’avais déjà presque fini, j’ai soupiré. J’avais espéré que cette maudite dissertation me prendrait plus de temps, mais finalement, non. Mon plan s’était clairement dessiné, et la rédaction était déjà bien engagée. Merde, moi qui comptais sur les études pour me distraire, me faire penser à autre chose, et m’occuper, ça commençait mal. Si d’ici quelques semaines, le rythme ne s’était pas intensifié, j’allais devoir engager un nouveau cursus scolaire, en parallèle de celui que je suivais actuellement. La criminologie c’était bien, suivre en plus des études sur la psychologie, c’était mieux. Aussi étrange que cela puisse paraître aux yeux des autres étudiants, je percevais les études comme une ultime chance pour m’en sortir. Pour beaucoup, il s’agissait d’une corvée, d’une étape cruciale – plus ou moins longue – pour mener sa vie à bien. Dans mon cas, c’était une étape incontournable, celle qui me permettrait de renouer avec une vie normale. En venant à Berkeley, je comptais à la fois veiller sur ma sœur jumelle, Thaïs, et oublier mon passé de soldat. Depuis trois ans, j’avais été enfermé dans ma petite bulle, loin des gens que j’avais connu. J’avais laissé mon passé familial de côté, j’avais mis ma vie entre parenthèses. Puisque je ne pouvais pas me sauver moi-même, autant que j’aille sauver les autres. Mais aujourd’hui, voilà que j’effectuais un retour fracassant parmi mes pairs, alors que je ne l’avais pas choisi. Mon supérieur hiérarchique m’avait clairement fait comprendre que je ne pouvais plus rester en Irak, que j’étais en train de dérailler complètement. J’avais refusé d’obéir à un ordre, que je trouvais trop injuste. J’avais désobéi. Mon obéissance s’était effritée, au cours du temps. Et lorsque l’on est dans les rangs de l’armée, on ne désobéit pas. On ne désobéit pas, parce qu’on ne met pas simplement sa vie en danger, on met toutes celles des autres soldats. J’avais désobéi, et je savais que j’allais subir une sanction. La mienne n’avait pas tardé à s’appliquer ; j’avais été convoqué dans un bureau, et on m’avait expliqué que j’étais trop faible psychologiquement, trop désemparé, trop fatigué pour mener ma mission à bien. J’ai soupiré, balançant d’un geste rageur mon stylo sur mon bureau. Je détestais ma situation. Je me détestais. Je ne voulais pas être ici, dans cette université à la con, faire mes devoirs. J’avais dépassé tout ça ; aller en cours, faire la fête, toutes ses activités me passaient complètement au dessus. J’avais approximativement le même âge que les autres étudiants et pourtant, j’avais l’impression d’avoir vingt ans de plus. Sans doute parce que j’ai vu, j’ai assisté, j’ai commis des choses qu’ils ne soupçonnent même pas. Chacun ses blessures, chacun ses fardeaux. Abandonnant mes activités scolaires, je suis allé me coucher. Avec un peu de chance, je dormirais plus de cinq heures cette nuit.
Ou pas, en fait. Réveillé en sursaut par un bruit sec, j’avais retrouvé mes anciens réflexes de militaire. Être le plus rapide possible, chercher la première arme qui nous tombait sous la main pour riposter, et aller droit à l’affront. Mais je n’étais plus en Irak ; j’étais simplement à Berkeley, dans ma chambre, chez les Iota. Personne n’allait venir me chercher, je ne risquais rien. J’ai jeté un coup d’œil sur mon réveil ; minuit. Mouais, ce n’était pas exceptionnel, mais au moins, j’avais dormi deux heures d’affilée. Une vraie victoire, en ce qui me concernait. Je me suis relevé, allant ouvrir à la personne qui avait osé perturber mon sommeil. Elmas. J’ai soupiré de soulagement, rassuré de voir que ce n’était qu’elle. « Une chance pour moi. » Assurais-je, répondant amicalement à son sourire. Nous nous étions rencontrés, un peu par hasard, par le biais de notre confrérie. Tous deux Iota, nos histoires pourtant si différentes nous avaient rapproché. Elle était mal, j’étais mal, nos passés influaient toujours sur nos présents ; forcément, nos deux âmes en peine avaient fini par se trouver. Je me suis décalé pour la laisser passer. Avant de refermer la porte derrière Elmas, j’ai jeté un coup d’œil dans le couloir. Il n’y avait personne, comme je m’en étais douté, et pourtant, je me sentais obligé d’effectuer cette vérification. Simple réflexe de mec paranoïaque, à mon avis. Je suis allé me rassoir sur mon lit, avant d’inviter Elmas à me rejoindre. Elle vint se poster à mes côtés, et je l’ai encouragée à me parler. « Ce n’est pas grave, vraiment. » Dis-je en esquissant un vague sourire. Je souhaitais rassurer l’autre rouge quant à son comportement. Quelques semaines plus tôt, je lui avais assuré qu’elle pouvait venir dès qu’elle en ressentait le besoin. Peu importe l’heure, peu importe la raison. « Malheureusement, oui. Je comprends. » Ajoutais-je en haussant les épaules. Malheureusement, parce que je me sentais complètement impuissant. J’aurais aimé l’aider, en faire plus, mais j’en étais complètement incapable. Je vivais la même situation qu’elle, et je savais ô combien, parfois, j’avais cruellement besoin de parler et de me confier. « C’est ça qui est horrible. C’est de savoir. De savoir exactement ce qu’il se passe, et pourtant, de ne rien pouvoir faire. » Lâchais-je après un court instant de silence. Sur ce point, nous partagions la même opinion. Ici, aux Etats-Unis, de retour dans mon petit monde doré, je me sentais impuissant et honteux. Impuissant parce que j’avais l’impression d’avoir abandonné les autres sur le terrain, honteux dans la mesure où je savais tout ce qu’il se passait, mais je ne faisais rien. Comme la plupart des gens, j’attendais que ça passe, et que tout rentre dans l’ordre. « Mais tu ne peux rien faire, si ce n’est alerter les gens de la situation. La masse n’est pas consciente des horreurs qui se déroulent sous ses yeux. Et si jamais on soupçonne quelque chose, on préfère faire l’autruche. Parce que c’est tellement plus facile… » Murmurais-je, haussement les épaules. « Tu parles de la fusillade ? » Demandais-je, voulant vérifier qu’Elmas me parlait bien de cet événement là. J’étais arrivé quelques jours seulement après le drame. J’avais eu l’impression de débarquer au milieu du chaos. « Je te dis qu’il n’y a aucun problème. » Réaffirmais-je en souriant. Je savais pertinemment qu’elle en ferait tout autant pour moi. J’ai eu un petit rire désabusé, franchement dépité par sa remarque. « A vrai dire, je ne dors pas beaucoup. » Avouais-je en passant une main dans mes cheveux.
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| Sujet: Re: every time i close my eyes, it's like a dark paradise ♦ matthias ddc Lun 26 Mar - 23:25 | |
| elmas&matthias ϟ La vie est faite de choix : Oui ou non. Continuer ou abandonner. Se relever ou rester à terre. Certains choix comptent plus que d’autres : aimer ou haïr. Être un héros ou un lâche. Se battre ou se rendre. Vivre ou mourir. Je vais le répéter une dernière fois, pour ceux qui en douteraient encore... La vie est faite de choix. Vivre ou mourir, le choix le plus important, mais la décision nous appartient rarement. grey's anatomy Alors que je m'imposais dans la chambre du iota, celui-ci m'assura que je ne le dérangeais pas. C'était mon problème majeur, j'avais toujours peur de venir au mauvais moment. Dans des moments comme ceux-là, on aime se retrouver avec une personne de confiance. Mais Matthias représentait beaucoup plus que cela. Il était différent de toutes les personnes à qui j'aurais pu me confier. Il ne cherchait pas absolument à savoir mes antécédents et surtout, le point essentiel, il avait vécu des choses peut-être semblables aux miennes. Du moins sur le plan psychologique, on se retrouvait dans le même état. Nous avions tous les deux besoin d'une personne joignable à n'importe quel moment, n'importe où. Un silence s'installa. Plongée dans mes pensées, Matthias reprit la parole. « C’est ça qui est horrible. C’est de savoir. De savoir exactement ce qu’il se passe, et pourtant, de ne rien pouvoir faire. » C'était probablement la pire chose. Ce n'est pas tout d'avoir survécu à des événements affreux. Notre entourage nous voit d'un œil différent, comme si nous étions soudainement devenus plus importants, plus étonnants, un peu surhumains. Dans toute cette histoire, le regard qu'ils nous portent devient affreusement pesant. En leur présence, nous avons subitement envie de nous lever et de hurler. Hurler pour leur montrer que nous sommes comme eux. Qu'en réalité ce que la vie nous avait offert, cette sorte de seconde chance n'en était peut-être pas une. C'est un peu l'enfer après l'enfer. Après, la vie reprit son cours, et beaucoup ne savaient pas ce que nous avions vécu. Il faut réussir à se comporter normalement. Montrer à certains que nous allons mieux et ne pas se faire remarquer par d'autres. « Mais tu ne peux rien faire, si ce n’est alerter les gens de la situation. La masse n’est pas consciente des horreurs qui se déroulent sous ses yeux. Et si jamais on soupçonne quelque chose, on préfère faire l’autruche. Parce que c’est tellement plus facile… » En effet... J'avais eu la fâcheuse habitude d'éviter toutes sortes de questions embarrassantes par divers moyens. Ce n'était pas forcément agréable pour notre interlocuteur mais celui-ci se devait de faire quelques efforts également. « Et encore, même en les alertant ça ne mène à rien... » En réalité, je n'avais jamais vraiment essayé de faire part de mon expérience. Surtout avec ma famille adoptive. J'avais seulement envie de tout enterrer et d'effacer mes souvenirs. Dans mon cas, c'était impossible de rayer une partie de sa vie aussi importante. Presque la moitié de mon existence avait été difficile, alors revenir à la normale fut un choc. Nous garderons des plaies de ce passé troublant très longtemps. Des traces ineffaçables. Et pourtant il fallait aller de l'avant. En nous retrouvant à Berkeley maintenant, nous pouvons nous dire que la reconstruction était réussite. Les apparences sont tellement trompeuses. Rien ne changera. Nous resterons à jamais torturés. C'était une chose à accepter. « Tu parles de la fusillade ? » La fusillade... Encore un événement sombre à rajouter à la liste. A croire que je portais malheur. Parti comme cela, j'allais littéralement devenir folle. Quand nous sommes amenés à revivre certains faits, même s'ils ne sont pas identiques, les mêmes sentiments refont surface. « Plus ou moins... J'ai l'impression que tout se répète encore et encore. C'était déjà le cas dans mon esprit, mais alors revivre ce genre d'émotions de nouveau c'est tellement … » Je perdais mes mots tellement la situation était difficile à décrire pour moi. Et j'essayais tant bien que mal de me retenir de fondre en larmes. A quoi cela aurait servi ? De toutes façons ce n'étaient pas quelques larmes qui allaient changer l'histoire, alors autant ne pas s'attarder là-dessus. « J'ai abandonné tellement d'enfants à cette époque. J'aurais peut-être pu aider deux ou trois d'entre eux à s'enfuir aussi. J'avais tellement peur que mon plan ne marche pas que je n'ai pas voulu prendre de risques. Je m'étais dit qu'une fois délivrée j'irais mieux psychologiquement. Mais ça a complètement été le contraire. Ils me hantaient carrément. Il m'arrivait de revoir leurs visages, si tristes, anéantis. Pourtant, nous pouvions lire dans leurs yeux une lueur d'espoir. Celle qui m'a nourrie tout ce temps. Je n'avais que treize ans Matthias, et tu n'imagines pas à quel point je m'en veux encore aujourd'hui... Et ce poids, jamais je ne m'en débarrasserai. » Il m'arrivait parfois de décrire des passages de ma vie ainsi. Il ne devait pas y comprendre grand chose mais petit à petit, mais un jour oui. J'en étais convaincue. C'était juste difficile encore pour moi de tout expliquer d'une manière fluide. « Et puis tout ce sang. C'est en partie pour cette raison que je n'aurais jamais pu devenir chirurgienne. Tes mains, tes vêtements en sont tachés. Et si tu échoues, alors là je n'ose même pas y penser. Surtout que nous, en droit, on condamne leurs erreurs. » Vu sur ce point là, je trouvais que ce n'était vraiment pas juste pour ces médecins. Ils faisaient de leur mieux pour maintenir en vie leur patient et à la moindre erreur tout pouvait s'effondrer. Une carrière qu'ils auraient pu mettre énormément de temps à construire se retrouverait détruite. Ma main se posa instinctivement sur mon ventre, sans que je ne me rende compte. Je fronçais les sourcils. Je m'étais engagée dans un long monologue et je pensais en avoir assez dit pour le moment. Matthias avait probablement lui aussi des choses à dire. « Dis, Matthias, tu n'aurais pas gardé des marques physiques par exemple ? » Ma cicatrice en disait long... En la lui montrant, il comprendra rapidement toute cette histoire de trafic d'organes. Ou peut-être pas. A sa place je n'aurais peut-être pas trouvé cela évident.
« A vrai dire, je ne dors pas beaucoup. » Le sommeil, encore un sujet qui avait le don de nous saper le moral. Aucun de nous deux de dormait pleinement et cela se voyait sûrement sur nos visages. La situation étant déjà assez pesante, j'avais toujours l'habitude de tourner en dérision certains faits histoire de détendre l'atmosphère. C'était ma manière de me reprendre en main pour ne pas me laisser submerger. Une fois emportée, je n'arrivais plus à m'arrêter donc il fallait que je me fixe des limites. « Heureusement que les crèmes contre les cernes existent, sinon je serais complètement perdue ! » Je me faisais passer pour la petite fille superficielle, et c'était ainsi que la plupart des étudiants de Berkeley me voyait. Si seulement ils savaient … |
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| Sujet: Re: every time i close my eyes, it's like a dark paradise ♦ matthias ddc Mar 27 Mar - 19:29 | |
| La relation que j’entretenais avec Elmas n’avait rien de clair, de protocolaire. On ne pouvait pas clairement parler d’amitié ; elle se confiait à moi, je me confiais à elle, mais est-ce suffisant pour parler d’amitié ? Je n’en étais pas vraiment sur. Peut-être que j’avais du mal à accepter l’idée de m’être fait une amie ici, à Berkeley ; moi qui avais tant de mal à m’attacher et à apprécier quelqu’un. Peut-être que je refusais de reconnaître la réalité, peut-être que je tentais de me murer derrière une idée fausse. Enfin… Je suppose que les choses finiraient pas s’arranger avec le temps ; le psychologue m’avait clairement dit que nous travaillions sur ce point. Super, tant mieux pour lui, si ça pouvait lui faire plaisir. Quant à moi, être perçu comme un asocial inquiétant et mystérieux ne me dérangeait pas tant que ça ; ça m’évitait d’être entouré par les mauvaises personnes. J’avais bien conscience d’avoir une perception des sentiments, des relations – et de tout ce qui pouvait toucher à la vie en général – assez différente de celles des autres. Je ne voyais pas cela comme une tare. Bref, pour résumer ma « relation » avec Elmas, je dirai qu’il y avait elle d’un côté, et moi de l’autre. Radicalement différents de par nos vécus respectifs, nous partagions cependant une vision des choses plutôt similaires. Sur certains points, la vie ne nous avait pas fait de cadeau. Même ma jeunesse dorée et parfaite n’y avait rien changé. « Je sais. » Murmurais-je en soupirant. Qui avait-il de pire que le sentiment d’impuissance ? Le savoir, la connaissance exacte, tout cela n’était rien, s’il n’y avait personne pour nous écouter. « Je sais tout ça. » Répétais-je en baissant les yeux. La Iota avait le don de réveiller en moi un profond sentiment de culpabilité. Je ne savais pas si elle était consciente de ça, mais en tout cas, je ne l’espérais pas. Alerter les gens. J’ai légèrement serré mon poing, me sentant à la fois frustré et démuni face à cette situation d’impuissance et de mal-être. Lorsque j’avais appris que j’allais devoir rentrer au bercail, j’avais adopté le comportement d’un mec résigné. C’était comme ça et pas autrement, point final. Alors puisqu’il en était ainsi, il valait mieux que je vois les côtés positifs de cette permission imposée. J’allais rentrer, chez moi, auprès des miens. Mon frère et ma sœur m’attendaient avec une impatience non feinte ; quant à mes parents, je savais pertinemment qu’ils espéraient secrètement ce retour du front. Sauf que même ça, ça n’avait pas réussi à m’apaiser et à me soulager. Absolument pas, même. J’ai légèrement secoué la tête, histoire de revenir à la réalité. Dernièrement – pas plus tard que la veille, avec Alaina, à la bibliothèque de l’université – j’avais remarqué que j’avais une certaine tendance à me déconnecter de la réalité présente pour plonger dans mes songes. Force est de constater que ça me réussissait rarement ; à chaque fois, je devenais plus agressif, plus mesquin, voire même carrément méchant. « J’imagine… » Dis-je en lui accordant un pâle sourire. « Mais tu sais, tu ne devrais pas t’arrêter à ça. Je sais que c’est plus facile à dire qu’à faire, mais… » Je me suis interrompu, cherchant les bons mots. « Je veux dire, la fusillade et ton passé, ça n’a strictement rien à voir. Là, c’était l’œuvre de déséquilibrés. Les cinq, là, ils ont pété un câble, parce qu’ils supportaient plus les moqueries, l’indifférence, la haine. Tandis que ce qu’il s’est passé en Russie… C’est l’œuvre d’un réseau organisé, qui sait exactement ce qu’il fait. » Monstrueux à dire, mais parfaitement exact. « Je sais que c’est difficile, que tu n’as pas eu de chance, mais… Je pars du principe que la chance s’évalue en fonction des quotas. » Ça, c’était la petite théorie made by Matthias Dupont De Calendre, sous-entendu « je me rassure comme je peux ». Parce qu’il arrive bien un moment où la coupe est pleine, non ? On ne peut pas accumuler la malchance et les malheurs toute sa vie, si ? « Tu sais quoi ? C’est une réaction parfaitement humaine. Tu as juste voulu sauver ta peau. » Murmurais-je d’un ton qui se voulait chaleureux. La culpabilité nous rongeait de l’intérieur, encore et toujours. J’avais la désagréable impression qu’il s’agissait d’un sentiment qui nous collait à la peau. J’aurais tout donné pour ne plus avoir à vivre ça ; tout donné pour revenir en arrière, et pour surveiller mon petit frère d’un peu plus près. Mais non, ce n’était pas possible. Loin d’être fataliste, je tentais simplement de vivre avec l’Enfer, de vivre avec la honte et le remord. Comme si la cohabitation pouvait se passer sans accroc, franchement. « D’autres ont dû être dans ton cas. D’autres enfants, craintifs et apeurés, ont dû vivre la même situation que toi. » Dis-je. « Mais tu étais à peine une adolescente, et crois bien une chose : tu n’aurais pas pu en faire plus. Et puis regarde-toi ! » M’exclamais-je en souriant. « Tu es là, tu es vivante, tu es en bonne santé, et tu témoignes de faits atroces que tu as subi. » Dis-je en voulant lui montrer les bons côtés de sa fuite. « Tu ne pourrais pas en faire plus, même maintenant. Alors vis, vis à fond, vis pour tous ceux qui n’ont pas eu cette chance… » Continuais-je. Je savais bien que c’était plus facile à dire qu’à faire, mais c’était un conseil comme un autre. Bien sur, la culpabilité, le remord, tous ceux sentiments n’allaient pas s’évanouir en deux jours. Il faudrait du temps, beaucoup de temps, peut-être même une vie entière pour apaiser sa douleur. Mais je souhaitais vraiment, pour elle, qu’elle tire une pleine satisfaction de sa vie ici, aux Etats-Unis. Passant à un sujet qui me touchait de plus près, je me suis contenté de baisser les yeux, mal à l’aise. Le sang. Mes mains, mes vêtements, mon esprit, tout avait été souillé, tâché, éclaboussé. Au cours des trois années passées en Irak, je n’avais pas été un enfant de chœur, mais plutôt le stéréotype du mec froid, distant et complètement détaché, qui commettait des actions monstrueuses sans même se poser de questions, ni éprouver le moindre regret. « Le droit. Je trouve que c’est une belle façon de prendre ta revanche sur ce qui s’est passé. » Assurais-je, absolument certain qu’elle avait fait le bon choix. Mais Elmas me prit de cours en me demandant si j’avais gardé des cicatrices visibles de mon séjour dans l’armée. La réponse était oui, bien entendu. On ne tire pas sur les gens sans risquer les représailles. « Je… » Commençais-je, avant de m’interrompre. « Si je te les montre, tu n’en parleras pas ? » Demandais-je, légèrement méfiant, et quelque peu réticent. Mes blessures de guerre n’appartenaient qu’à moi. J’acceptais de les partager avec Elmas, mais pas avec la moitié de l’université. Chacun ses blessures, chacun ses souffrances, chacun ses fardeaux.
« Parle pour toi ! » M’exclamais-je, laissant échapper un petit rire. Les crèmes antirides et moi, ça faisait deux. Je me foutais complètement des « qu’en dira-t-on » quant à mon apparence. « Enfin bon… Quoi de neuf pour toi, à part des cernes grandissantes ? » Demandais-je en souriant, osant même la moquerie.
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| Sujet: Re: every time i close my eyes, it's like a dark paradise ♦ matthias ddc Mar 12 Juin - 19:52 | |
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| Sujet: Re: every time i close my eyes, it's like a dark paradise ♦ matthias ddc | |
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