Cela faisait plus d’une demi-heure que la jeune femme tournait en rond dans l’une des salles de musique vide. Comment pouvait-elle aborder le sujet ? Comment devait-elle faire ? Aucune idée. Si cela ne tenait qu’à elle, elle aurait tût bien des choses et fait comme si de rien n’était. Malheureusement, cela ne fonctionnait pas ainsi dans la vraie vie, tout acte avait une conséquence et les secrets finissaient toujours par éclater au grand jour. A Berkeley plus qu’autre part, c’était d’ailleurs ce qui lui faisait le plus peur. Elle n’avait guère besoin que tous les regards soient posés sur elle, ni même que tout le monde entendre parler d’elle. Et si ce n’était que ça. Regardant pour la énième fois sa montre, la jeune femme ne pu s’empêcher de soupirer. La journée risquait d’être encore plus longue que prévu. Ce qui dérangeait réellement la jolie grecque n’était autre que le fait que la vérité arrive aux oreilles de ladite personne qu’elle devait voir depuis déjà une demi-heure. Heureusement qu’elle avait eu la présence d’esprit de ne pas prévenir de sa venue, de quoi aurait-elle eu l’air de ne jamais arriver ? Ou peut-être qu’elle se serait présentée et en temps par respect pour elle. Le mot respect la fit s’arrêter net dans ses réflexions. Elle préférait que ça se sache par elle plutôt que par une autre personne qui, à coup sûr, déformerait la vérité.

Quittant la salle de musique, elle se dirigea d’un pas peu assuré vers le bureau de la directrice de Berkeley. Elle qui avait pour habitude de facilement lui parler, elle se retrouvait aujourd’hui mal à l’aise quand à ce qu’elle allait lui dire. Elle voyait en la brunette une figure maternelle, une seconde mère et c’était cela qui la mettait mal à l’aise. Si sa mère avait était vivante, elle n’aurait jamais eu le courage de la regarder dans les yeux pour lui avouer tout ce qu’elle avait sur le cœur. Ce n’était pas chose facile surtout lorsqu’on avait l’impression que sa propre vie était un véritable carnage. Si tout avait été différent, elle aurait été plus qu’heureuse de lui annoncer elle-même la bonne nouvelle mais, elle-même doutait encore de cette nouvelle. Bien sûr, elle avait toujours rêvé devenir mère mais, pas dans ces circonstances là, pas en étant en froid avec le père de son enfant et mariée à un autre homme. A croire que le monde entier était contre elle. Jouant avec son alliance, elle attendit que la secrétaire de la Directrice lui fasse signe qu’elle pouvait pénétrer le bureau de cette dernière. L’attente était bien plus stressante que ce qui allait suivre.

« J’espère que je ne te dérange pas ? » Questionna-t-elle en entrant dans le bureau tandis que la brunette était dos à elle.

Prenant sur elle pour paraître la plus sereine possible, elle attendit que Maria prenne la parole avant d’ajouter quoi que ce soit. Si elle était occupée, il ne servait à rien de lui en parler maintenant. Elle avait attendu jusqu’à aujourd’hui pour venir la voir, elle pourrait très bien attendre encore quelques jours.

Installée à son bureau et ce, comme tous les jours de la semaine, Maria O’Berkeley était en train d’étudier minutieusement plusieurs dossiers concernant la réorientation de certains étudiants de l’université dont les cas semblaient complexes au niveau social. Un jeune étudiant en premier année de Lettres Modernes avait apparemment de gros problèmes financiers qui risquaient de l’empêcher très clairement de continuer la poursuite sereine et certaine de ses études au sein de l’université. Il fallait dire qu’étudier à Berkeley coûtait un bras – ce que Maria avait bien du mal à comprendre, même en étant à la tête de cet établissement dont elle aurait volontiers fait baisser les prix d’entrée si seulement un conseil d’administration de la surveillait pas chaque jour de chaque semaine. A quoi bon être directrice d’une université si elle ne pouvait même pas aider les étudiants à mieux s’y intégrer ? Certains avaient déjà énormément de mal à gérer leurs prêts étudiants, leurs boulots et parfois leur situation familiale, et tout cela faisait bien mal à la brunette qui se disait que fut une époque où elle avait été dans la même galère que ces jeunes et qu’elle aurait très sincèrement préféré leur éviter une chose comme celle-là. Malheureusement, elle ne pouvait pas y faire grand-chose.

« Maria, une étudiant voudrait vous voir. » Relevant la tête de sa paperasse, la brunette ôta ses lunettes de vue et referma le dossier. « Faites-la entrer. » Ce que la secrétaire fit sans attendre une seconde de plus. Quelle ne fut pas la surprise pour Maria O’Berkeley que celle de voir apparaitre dans son bureau non pas une étudiante, mais Esmeralda ! « Non, bien-sûr que non. » Quittant son fauteuil, la brunette embrassa la jeune femme avant de lui indiquer un siège pour s’installer confortablement pendant qu’elle allait retrouver son fauteuil personnel. « Que me vaut le plaisir de ta visite, Esme ? »

Le fait de voir la jeune femme allait lui donner la possibilité de souffler quelques minutes, son boulot l’épuisant littéralement. Il lui faudrait peut-être même finir par ouvrir la fenêtre de son bureau. Ses problèmes respiratoires ne s’étaient guère arrangés malgré le traitement qu’on lui avait prescrit, et certaines journées étaient plus difficiles que d’autres à gérer de ce côté-là. Souriant à la jeune femme se trouvant présentement devant elle, Maria trouva de suite que le comportement d’Esmeralda n’était pas celui de celle qu’elle connaissait d’habitude. Tout allait de travers, elle pouvait d’ors et déjà le sentir en vérité. Que pouvait-il bien se passer ?

Esmeralda n’avait pas attendu longtemps pour que la secrétaire de la Directrice annonce à cette dernière qu’elle voulait la voir. Rares étaient les personnes qui connaissaient la réelle relation qu’entretenait Maria et la Sigma. C’était bien mieux ainsi après tout, elles n’avaient pas besoin des dire des autres et de leurs rumeurs. Lorsqu’elle entra dans le bureau, son cœur se serra, Maria semblait épuisée. Elle n’avait pas besoin qu’on vienne l’accabler avec d’autres problèmes alors qu’elle-même en avait surement. Malheureusement, il n’y avait plus de marche arrière possible. Un sourire aux lèvres, elle embrassa donc celle qu’elle considérait comme une mère. « Disons que ça fait un moment que je veux venir te voir mais, avec les cours et le reste, je n’ai pas vraiment trouvé le temps ! » Un sourire désolé se dessina sur les lèvres de la jeune femme. Entre les études, les allers-retours fréquents à l’hôpital et son boulot au à l’Absinthe bar et au casino, elle ne savait plus où donner de la tête. Esme n’était pas riche, son père l’était certes mais, elle ne voulait plus rien avoir à faire avec lui. Surtout que l’aider financièrement reviendrait à connaître exactement où elle vivait et cela n’était pas vraiment au programme. Elle devait alors se débrouiller toute seule pour subvenir à ses besoins et certains jours étaient plus durs que d’autres. « Tu a l’air d’être épuisée, tu es sûre que tu ne voudrais pas que je repasse un autre jour ? » Esme n’aimait pas la voir ainsi, c’était un fait. Elle savait aussi que la jolie brune allait refuser, elle la connaissait trop bien pour se douter que quelque chose clochait avec elle. Soufflant un bon coup, la jeune femme se dit qu’il ne valait mieux pas tourner autour du pot encore longtemps. « Bien des choses se sont passées ces derniers temps… » Une insuffisance cardiaque, un mariage, une grossesse...Laissant échapper un rire nerveux, elle reprit beaucoup moins convaincu qu’au départ. « Je suis enceinte ! » La jolie grecque ignorait quelle allait être la réaction de son aînée et cela la stressait encore plus. Baissant son regard pour ne pas croiser celui de Maria, la jeune femme se mit à jouer une nouvelle fois avec son alliance. C’était devenu une manie ces derniers temps. Elle ne savait pas pourquoi elle gardait celle-ci à son doigt, ce mariage ne signifiait rien d’autre à part une erreur de parcours. Ce n’était pas comme si elle avait été amoureuse d’Andrea ou encore que ce mariage comptait pour elle. Loin de là. Seulement, tant que le divorce ne serait pas prononcé, elle la garderait. Le mariage restait sacré à ses yeux. Elle garda la tête baissée, attendant patiemment une quelconque réaction de la belle O’Berkeley. Elle ne se pardonnerait pas de la décevoir, pas elle. Et tandis qu’elle attendait, elle se demanda si parler de sa maladie serait une bonne chose, surement pas. Elle décidera plus tard. Pour l’instant, autre chose la préoccupait.

Revoir une tête connue faisait du bien à n’importe qui, et Maria n’échappait pas le moins du monde à la règle. Cependant, le fait était qu’elle était effectivement épuisée et aurait très certainement du mal à se concentrer sur la discussion qui l’attendait avec Esmeralda. Mais elle ferait tous les efforts possibles, évidemment. « Tu as l’air d’être épuisée, tu es sûre que tu ne voudrais pas que je repasse un autre jour ? » Oui, elle l’était et il n’y avait pas besoin d’avoir passé un master deux en psychologie pour comprendre que la brunette était morte de fatigue. Son travail lui prenait énormément de temps, tout comme sa vie de famille sans compter les problèmes de santé qui l’accablaient ces derniers temps. Comme quoi la vie n’est parfois pas aussi bienveillante que certains adeptes pouvaient le laisser croire aux naïfs – que Maria n‘était pas. « Tout va bien, ne t’en fais pas. » Mentit alors Maria pour tenter de rassurer la jeune femme qui semblait vouloir lui parler pour de bonnes raisons – dans le cas contraire, Esmeralda ne serait très certainement pas venue ici.

« Bien des choses se sont passées ces derniers temps… » Le ton que venait de prendre Esmeralda ne rassura pas le moins du monde la brunette qui l’écoutait dorénavant avec toute l’attention du monde possible. Maria s’inquiéta soudainement, il y avait un problème, elle pouvait dorénavant le sentir jusqu’à en être absolument certaine. « Je suis enceinte ! »

Le cœur de la brunette manqua un battement, tout du moins, ce fut la sensation qu’O’Berkeley crut ressentir lorsque la nouvelle tomba. Esmeralda était enceinte. Enceinte. A vingt-trois ans à peine. Non, elle était bien trop jeune pour tout cela, pour la charge que représentait celle d’avoir un enfant. Déjà qu’elle avait du mal à tout gérer avec Aaron alors qu’elle avait quarante-cinq ans… Qu’en serait-il d’Esmeralda ? Et puis, de qui était cet enfant d’abord ?!

C’est alors que le regard de la brunette se pose malencontreusement sur la main de la jeune femme laissant alors place à une bague que Maria pouvait distinguer de toute autre bague au vu de sa formation et de sa position à la main d’Esmeralda. « Attends, tu… » Cela faisait tout de même beaucoup d’informations en très peu de temps pour O’Berkeley qui avait cette fois-ci véritablement besoin de prendre l’air avant de tomber dans les vapes après l’annonce de la jeune femme et de sa découverte concernant son nouveau statut matrimonial. Ouvrant l’une des fenêtres de son bureau, Maria se retourna ensuite vers la jeune femme qui semblait vouloir se faire toute petite présentement. « Comment as-tu pu me cacher une chose pareille, Esme ? » Cela n’avait pas été posé sur la ton de la méchanceté, ni même de la déception, mais plus sur celui de la surprise, de l’inattendu que tout cela représentait présentement pour Maria. Elle n’avait vraiment rien vu venir…

Esme se faisait réellement du souci pour la Directrice de Berkeley, elle n’aimait pas la voir dans un tel état, encore moins lorsqu’elle était à deux doigts à lui parler de certaines choses qui risquait de ne pas la réjouir. Elle-même avait encore un peu de mal avec cette grossesse. Non pas qu’elle ne voulait pas d’un enfant, loin de là. Seulement, lorsqu’elle avait été enceinte de Duncan quelques années plutôt, elle savait exactement ce qu’elle attendait de la vie, elle savait où elle voulait aller et avant tout, elle était fiancée au père de son enfant. Tandis qu’aujourd’hui, c’était tout le contraire et elle ne savait même pas où elle en était. C’était dire dans quelle situation, elle se retrouvait. Ce qui n’était pas dans ses habitudes. « Tout va bien, ne t’en fais pas. » Cette conversation allait donc avoir lieu, c’était surement mieux ainsi. Depuis qu’elle avait appris pour sa maladie, la présidente des Sigma s’était encore plus renfermée sur elle-même, ne parlant de ça à personne. Ce n’était pas la meilleure solution mais, elle n’avait guère eu le choix. Autant s’en sortir seule, pensait-elle. Malheureusement, à ce rythme là, elle risquait de ne pas s’en sortir tout court, il était donc préférable de parler à une personne de confiance, une personne qui, elle le savait, saurait l’aider ou du moins, la conseiller.

Dès qu’elle avait annoncé sa grossesse à la jolie brune, elle avait instinctivement baissé le regard pour ne pas croisé ce lui de la Directrice. Cependant, le silence qui s’éternisa la poussa à relever les yeux pour tomber sur Maria qui venait de voir son alliance. Quelle idiote elle faisait, elle aurait dû la retirer avant de pénétrer ce bureau. Elle n’aimait pas lui cacher de telles choses mais, elle aurait voulu que les choses se passent autrement. D’accord, rien ne se passait comme prévu, à savoir déjà comment elle avait prévu tout cela. « Crois-moi Maria, rien de tout cela n’était prévu, ni la grossesse et le mariage encore moins… » Commença-t-elle hésitante. « Je ne voulais pas te le cacher mais, je ne savais pas comment te l’annoncer et j’ai bien essayé de le faire avant crois-moi ! » D’ailleurs, la jeune femme s’était rendue chez Maria dès qu’elle avait appris pour sa maladie pour justement ne pas le lui cacher plus longtemps que nécessaire. Elle se connaissait assez bien pour savoir que le courage ne lui viendrait qu’une seule fois, pas deux. Malheureusement, lorsqu’elle y était arrivée, elle n’avait trouvé qu’Edward. Bonjour l’ambiance. Elle n’avait donc pas pu lui parler. « Tu sais Maria, je serais plus rassurée si tu t’asseyais…Ce qui va suivre risque de ne pas te plaire ! » Esme ressemblait à une fillette prise en faute, prenant une profonde inspiration, elle se lança tout en fixant un point invisible en face d’elle. « J’étais à l’hôpital pour des examens, c’est là qu’on m’a annoncé que j’étais enceinte, c’était à quelques jours de Noël, je ne m’y attendais pas et qui plus est, le père du bébé semblait occuper à vivre sa vie…C’est vraiment drôle quand j’y repense ! » Elle eut un rire sans joie avant de continuer. « Depuis la mort de Duncan, j’ai toujours pris soin de ne faire confiance à aucun homme et dès que ça devenait sérieux avec l’un d’entre eux, je m’éloignais mais, avec Dom, c’était différent, enfin je croyais que ça l’était…Quelle idiote je fais ! Et une chose en entrainant une autre, je me suis retrouvée à Vegas pour le nouvel an avec un bonus à la clé : un mariage ! » Rien de très glorieux en soi, elle le savait mieux que personne.

« Je ne voulais pas te le cacher mais, je ne savais pas comment te l’annoncer et j’ai bien essayé de le faire avant crois-moi ! » C’était un cauchemar. A croire qu’elle venait de se réveiller avec six mois de coma et que des milliards de choses s’étaient passées sans qu’elle n’en ait conscience. La seule différence étant ici qu’elle n’avait jamais été dans le coma. Bien qu’elle commença à se poser la question tant la nouvelle était invraisemblable. Esmeralda ne lui avait même pas dit qu’elle avait quelqu’un, alors qu’elle était comme sa fille ! Avait-elle donc si peu confiance en elle ? Maria s’était-elle tant éloignée que cela de ses proches depuis qu’elle avait appris pour sa maladie ? Était-ce finalement de sa faute si personne ne lui disait plus rien ? C’était à le croire, en effet. Soudain, la jeune femme demanda à son aînée de s’asseoir alors qu’elle avait apparemment autre chose – de grave ? – à lui annoncer. Maria ne se fit alors par priée et pris place dans l’un des sièges présents dans la pièce. « J’étais à l’hôpital pour des examens, c’est là qu’on m’a annoncé que j’étais enceinte, c’était à quelques jours de Noël, je ne m’y attendais pas et qui plus est, le père du bébé semblait occuper à vivre sa vie…C’est vraiment drôle quand j’y repense ! » Tout ceci semblait surréaliste. Une mauvaise blague, tout ceci n’était forcément qu’une très – très ! – mauvaise plaisanterie de laquelle on allait très rapidement la sortir. Il ne pouvait en être autrement. Esmeralda était pourtant une femme tout ce qu’il y avait de plus sérieuse, surtout après tout ce qu’elle avait pu vivre dans le passé… Alors comment tout cela avait-il pu se produire ? « Depuis la mort de Duncan, j’ai toujours pris soin de ne faire confiance à aucun homme et dès que ça devenait sérieux avec l’un d’entre eux, je m’éloignais mais, avec Dom, c’était différent, enfin je croyais que ça l’était…Quelle idiote je fais ! Et une chose en entrainant une autre, je me suis retrouvée à Vegas pour le nouvel an avec un bonus à la clé : un mariage ! » Cette fois-ci, Maria se sentait réellement mal. N’ayant quasiment rien dit depuis plusieurs minutes maintenant, la brunette en était arrivée à un tel point qu’elle cherchait ses mots. Oui, l’instant était grave.

Se relevant brutalement, Maria entama les cent pas dans son bureau alors que la jeune femme semblait mal à l’idée de tout ce qu’elle venait de lui avouer. Oh elle le pouvait ! « Tu as perdu l’esprit, Esmeralda. » Le ton que venait d’employer la brunette était un ton très dur, elle le savait pertinemment. Seulement, quelqu’un devait faire la morale à Esmeralda, qu’elle le veuille ou non d’ailleurs.