J'aimais parfois la solitude. Je ne faisais pas parti de ceux qui la portait comme un fardeau, je ne faisais pas parti de ceux qui ne pouvait supporter le silence. Je considérais au contraire un aspect sacré au silence, c'était une chance que l'on ne pouvait apprécier que très peu tant il était rare. Ou qu'on soit, il était certain qu'une quelconque nuisance sonore pouvait réduire à néant la méditation silencieuse que l'on portait. Ainsi, je savourais lentement le temps que je passais seul dans mon appartement. Je ne devais supporter ni discussion forcée, pour briser ce silence que d'autres ne peuvent supporter, ni ces étreintes obligés par des amis à moitié absent. Je pouvais laisser mon regard traverser la pièce, sans me sentir obligé de détourner les yeux tant le fait de plonger mon regard dans celui d'une autre pouvait me perturber. Je pouvais enfin me refuser de toutes ces obligations sociales. Là était une chose que je ne pouvais supporter. Je détestais me sentir obliger de devoir faire des choses au nom de la normalité sociale. Cependant, je faisais avec, car la peur de devenir marginal me prenait tant aux tripes qu'elle me rendait ridiculement faible. Je n'étais rien face à elle. Alors je me contentais d'être ce que l'on attendait de moi. J'étais joyeux, souriant, aimable, pour convenir à l'image de ceux que les autres voulait faire de moi. En ce point, je dois avouer que je n'étais pas forcement fier. Je tentais alors tant bien que mal de cacher ce dégout que j'avais de moi-même, ou devrais- je dire pour cette chose que je faisais croire être. Je n'étais pas moi-même, et cela me perturbait. Je savais qu'il viendrait un temps ou je ne pourrait plus retenir ce sentiment au fond de moi, que j'imploserais de l'intérieur, et j'étais conscient qu'à ce moment précis, je ne saurais réellement plus ce que je serais. Peut-être serait-ce meilleur que l'ombre que j'étais à présent ? Je ne savais répondre. Peut-être saurais-je enfin briller sans ces artifices que je ne cessais d'utiliser. Je ne saurais répondre à cette énigme que lorsque le temps sera venu, et que ce jour ou mes sentiments éclateront viendra. Pour l'instant, j'attendais, j'attendais ce jour, passif et sans réagir. Comment pouvais-je être moi-même si je m'empêchais de réagir ? Il fallait que j'agisse, il fallait que je fasse quelque chose pour enfin faire bouger la situation. Je ne voulais pas être ainsi indéfiniment. Je voulais me monter tel que j'étais. C'était décidé, aujourd'hui, je réagirais, quoiqu'il en soit, quoiqu'il m'arrive, ce soir, je ne serais le même. Je crierais ce que je suis, je ne me cacherais plus indéfiniment derrière ce précieux masque que je m'étais soigneusement fabriqué.
En attendant, je restais soigneusement dans mon appartement, laissant mon regard vaquer sur le chaos ambiant. J'aimais cette ambiance de désordre, il y avait quelque chose de beau dans ce qui n'était organisé. En réalité, l'inorganisé, c'était celui qui se laissait emporter par l'imprévu, qui ne savait être maître de lui même. Et n'étais ce pas le seul réel moyen de vivre ? Sans s'attendre à ce qui va arriver ? Qu'importe, je me sentais partir trop loin, il était temps de me reprendre. Je me concentrais alors sur mes occupations de la journée. J'avais un cours de littérature, le matin puis mon après midi était libre. Je formulais alors plusieurs idées. Une chose était sur, je voulais découvrir seul la ville cet après midi. Mais je ne savais par quoi commencer. Peut-être devais-je aller au centre ville tout d'abord ? Je pensais alors à la foule grouillante de l'après midi, cette masse informe de personnes lambda se bousculant ne me donnait pas réellement l'envie de m'y rendre. Alors je pensais à tout les grands monuments de San Francisco, je voulais découvrir la magie de cette ville. Je voulais me promener jusqu'à ce que la nuit emporte la vie, qu'elle plonge dans une amer obscurité la ville. Je voulais sentir le vent me fouetter le visage, me rappeler qu'il maitrise ce que nous sommes. Je finissais par me décider de me rendre sur le golden gate, que je n'avais pas encore visité.
Je sortais de chez moi, et voyais les éléments se déchainer. Le vent pliait les arbres en face de moi, la pluie inondait l'ordinaire sec goudron, je sentais le vent m'érafler le visage, le froid me prendre tout entier, et ne laisser de moi qu'une version bien plus faible que ce que j'étais. . Seulement, cela ne m'effrayait absolument pas. Justement, cela me donnait encore plus envie d'aller sur le pont, admirer les éléments se déchirer, se combattre entre eux, et voir l'issue du combat. Ainsi je prenais le tramway, je marchais jusqu'au point culminant du pont. Le brouillard avait recouvert le pont, et on eut l'impression d'être au dessus des nuages. C'était incroyable, cette sensation de puissance qui m'avait envahi. Je lançais un regard au ciel, et souriait. Je savais ce que j'étais et ce que je voulais être. Je savais à présent faire la part des choses entre ses deux idées. J'étais une nouvelle personne. Soudain, j'entendais une voix derrière moi, une voix féminine m'abordant.