Ce matin là, mon réveil avait été des plus désagréables. Encore une fois, ce colocataire qui me servait de meilleur ami à mes heures perdues, s’était amené dans ma chambre, tambourinant des mains et des pieds comme si me faire quitter le lit était sa mission du jour. Vive les amis moi je dis ! N’empêche qu’il ne me fallu pas une demi seconde pour lui envoyer mon oreiller en plein dans le visage. Et l’apothéose vint ensuite lorsque mon camarade tomba en arrière sous le coup. C’est ça de ne pas s’y attendre…

- J’espère que cela te servira de leçon, dis-je en rigolant.

Sa tête ne pouvait pas me laisser indifférent et encore moins en colère puisqu’il arborait ces yeux de cocker qui me faisaient toujours craquer. Ah, je hais qu’on me connaisse autant ! Nous discutâmes ensuite quelques instants et quand enfin il partit, la pensée que cette scène se reproduirait dans les jours à venir ne me quitta plus. Personne n’écoute jamais ce que je demande alors je ne me fais plus d’illusions… Enfin bon… Après ce passage mouvementé, je finis tut de même par me lever, prenant aussitôt la direction de la salle de bains. Je suis peut-être un fainéant mais l’hygiène est primordiale !

La journée continua sans encombre particulière. Des cours de diplomatie, d’oratoire, de politique étrangère… Que de choses intéressantes qui me rappelèrent mon passé… Comment pouvais-je encore supporter tout cela ? C’est la question que je me posais chaque jour mais ce jour là, la réponse ne tarda pas à m’effleurer l’esprit avec ce visage sévère du paternel qui vous explique la bonne voix à suivre pour ne pas ternir la réputation des De Thomas. Être bloqué par ses parents, ne pas pouvoir suivre son propre chemin, voilà qui semblerait bien ironique pour bon nombre de jeunes de mon âge et pourtant qui est la stricte vérité en ce qui me concerne…

Ces réflexions me suivirent jusque dans la soirée, mettant mon moral au plus bas et me poussant à prendre la direction du bar le plus proche. A peine arrivé, je m’assis au bar et commandai un verre de rhum accompagné de jus d’ananas. Je me doutai bien que cet alcool que je ne supportai pas ferait rapidement effet dans mon corps mais peu m’importait ! Je voulais oublier ma famille le temps d’une soirée, cette seule ombre dans ma vie qui m’avait toujours fait tant souffrir.

Le premier verre passa sans effort, ainsi que les trois qui suivirent. Je les désirai de plus en plus corsé et coup de chance sans doute pour moi, le barman semblait plus préoccupé par son chiffre d’affaire que par le fait d’avoir des personnes saoules dans son établissement. Soudain, je sentis ma chaise bougée, ce qui me fit renverser mon verre. On s’était pris les pieds dans mes affaires qui avait le don de traîner au sol sans doute… Je me retournai donc sans plus attendre et avec une violence certaine dans la voix, je dis :

- Mais vous êtes c** ou quoi ? Ça vous amuse sans doute de renverser mon verre ?!

L’alcool que j’avais ingurgité jusqu’alors y était pour beaucoup dans mes paroles, n’étant pas habitué à agresser pareillement des personnes. Je m’attendis quelques secondes à être viré du lieu à cause de mon comportement mais je vu qu’il n’en fut rien. Puis, dans un éclair de lucidité, je reconnus le jeune homme, ou en tout cas, je me persuadais l’avoir déjà vu… Mes pensées étaient confuses, je ne me souvenais pas exactement d’où j’aurais pu le croiser ni même si c’était réellement le cas. Malgré tout, je lui devais des excuses !

- Désolé, tu n’y es pour rien. Et je ne vais pas mourir pour un verre…

J’étais un epsilon après tout donc ce ne sont pas quelques dollars qui allaient me ruiner… Je commençais à me sentir quelque peu coupable de ma réaction brutale mais ceci ne m’empêcha pas de recommander un verre de ce délicieux breuvage qui me mettait dans un tel état. Et oui, encore… Puis, sans trop savoir pourquoi - il parait que l’alcool délie les langues - je repris la parole.

- Dis, on se connaît ?

J’avais toujours cette sensation étrange que oui mais…