Le soleil se levait doucement, me réveillant lentement. J'étais épuisée, pas que j'ai fait la fête plus que d'habitude hier soir, mais uniquement parce que je n'avais quasiment pas dormi de la nuit. Impossible de fermer l'œil avant 6h du matin... Je me levais avant de rejoindre la salle de bain qui donnait sur ma chambre, fatiguée et les yeux cernés. Je m'attachais en vitesse les cheveux, une simple queue de cheval ferait l'affaire pour aujourd'hui. On m'avait souvent dit que j'étais belle, bien que je n'ai jamais compris l'ampleur de ce que cela signifiait. On m'avait déjà demandé pourquoi je n'avais pas bossé en tant que mannequin mais pour moi, je voyais tellement le monde de la mode depuis ses coulisses qu'être sur le devant de la scène ne me tentait absolument pas. J'approchais mon visage de la glace, non, rien n'avait changé dans mon apparence, j'étais toujours la même Aurlanne. Pourtant je me sentais différente, changée, quelque chose en moi s'était brisé. Un rêve ou un espoir, quelque chose d'infime mais qui me faisait souffrir affreusement. Je tournais la tête une fois de retour dans ma chambre, je cherchais quelque chose sans réellement savoir quoi, une présence, il manquait quelque chose... J'enfilais un jean, un débardeur et une chemise avant d'attraper une veste dans la penderie et de me diriger vers la porte d'entrée. Une fois là, je chaussais une paire de bottes en daim avant de prendre mes clefs de voiture et de descendre sur le parking devant la résidence. Mes parents avaient décidé d'ouvrir une boutique Hermès ici à San Francisco et l'ouverture officielle avait lieu dans à peine une semaine. Et évidemment, les parents ne feraient le déplacement que pour l'ouverture ! D'ici là, je m'occupais de certains détails qui relevait de "mon" domaine de prédilection, l'organisation de la boutique, les détails qui feraient toute la différence et auxquels j'attachais tant d'importance. Ce matin, j'avais rendez vous avec les responsables du magasin, pour discuter d déroulement de la soirée de lancement. J'avais tout prévu jusqu'au plus petit détail mais il avait fallu que cette imbécile de Leila vienne mettre son nez dans ce qui ne la concernait absolument pas pour que tout soit à refaire. Depuis le début, elle se prenait pour la patronne à donner des ordres à tout bout de champs, à n'importe qui et même à moi. La semaine dernière avait été la semaine de trop, elle s'était permis un écart qui lui avait coûté sa place, de responsable de magasin à San Francisco, elle avait été reléguée à la réception des arrivages de vêtements avec quelqu'un de plus compétent pour la chaperonner. J'avais piqué une crise et voilà le résultat, elle s'était comportée en véritable arriviste, chose que je détestais au plus au point. Elle qui espérait encore monter en grade, elle s'était la principale héritière de l'entreprise à dos, et pouvait de ce fait tirer un trait sur ses rêves d'ascension professionnelle au sein de Hermès. J'étais tolérante mais certaines choses ne passaient vraiment pas. Et maintenant qu'elle ne s'occupait plus de la soirée, j'étais bonne pour bosser encore plus étant donné que seul un nombre plus que réduit d'employés était au courant de l'ensemble des évènements de la semaine prochaine. Après presque trois heures à m'occuper de tout ça, trois heures à alterner entre coups de téléphone, mails, passages dans les stocks et réarrangement de l'intérieur du magasin, je commençais sincèrement à saturer. Je venais de passer un quart d'heure à gueuler contre mes parents, en leur disant qu'ils auraient dû être là, que ce n'était pas mon boulot de bosser ici, maintenant, pour eux. La dispute avait été inévitable, ils étaient incapables de voir que je faisais ça avec plaisir mais qu'un minimum de reconnaissance n'aurait pas été de refus. Une fois le téléphone raccroché, j'avais eu un appel de mon frère, Keyllan qui me disait de rester calme, qu'il arrivait pour prendre la suite en charge. Il était génial comme grand frère, dès que j'étais sur le point de devenir dingue, il apparaissait et ramenait la situation à la normale !
Il était arrivé une vingtaine de minutes plus tard, une immense tasse de café à la main qu'il m'avait tendue. J'avais les nerfs en pelote et ce café était le rayon de soleil de ma journée, après ça, je serais calmée pour quelques temps !

Une fois la boutique "remise" à mon frère, j'attrapais mes clefs de voiture, mon portable avant de me diriger vers la porte à double battants. Par habitude, je passais la porte avant de me retourner pour observer ce qui n'allait encore pas en vitrine. Un mannequin à déplacer, un spot à changer, le genre de truc qui me stressait si tout n'était pas parfait. Sauf qu'en reculant pour avoir une vue d'ensemble je n'avais pas vraiment fait attention au fait qu'il pouvait y avoir quelqu'un derrière moi ! Et il fallait que ça tombe sur moi, pile aujourd'hui, mes clefs volèrent pour se retrouver plus loin. Je venais de rentrer dans quelqu'un qui se tenait juste derrière moi, en train de regarder les vitrines. Dans un accès de lucidité, j'avais évité que sa veste ne se retrouve recouverte de café. Mais n'en restait pas moins la honte dont je venais de me recouvrir. Je me retournais franchement vers lui, en commençant à m'excuser. Je sentis mon visage se teinter de rose, en espérant ne pas passer pour une imbécile finie...

- Je suis vraiment désolée, sincèrement, excusez-moi. Je suis désolée...

Une nouvelle belle journée s'annonçait à San Francisco pour mon plus grand bonheur. En faite, je ne savais même pas pourquoi je pensais à cela puisque j'allais aller me recoucher dans quelques secondes. Hier avait été une dure journée. Pour commencer, en me levant le matin, ou plutôt l'après midi vu l'heure, je m'étais dirigé vers l'immense cuisine de la villa que je possédais et trouvais, étalé sur la table, ce qui ressemblait à du papier lettre. Ce bout de papier m'annonçais que ma dernière conquête, une greluche, rousse et sans cervelle qui avait cru à notre histoire, me larguais. Je ne pus m'empêcher de sourire lorsque je vis en bas qu'elle avait écrit " J'espère que tu ne m'en veux pas ". Elle était bien trop bête pour comprendre ce qu'il se passait dans ma tête. Si seulement elle savait, réfléchis-je ... De toutes façons, elle ne tarderait pas à savoir ce qu'il manigançait contre cette pauvre petite innocente. Bien que je ne l'ait jamais aimée, comme toutes mes ex conquêtes d'ailleurs, je prends un malin plaisir à les harceler jusqu'à ce qu'elles en deviennent folles et qu'elles me supplient d'arrêter de le rendre leur vie si difficile. En étant un gentil garçon, je m'exécutais.

Tout cela pour dire qu'en faite je n'étais absolument pas triste par la lettre que venais de m'adresser mon ex, bien au contraire, je ne tarderais pas à retrouver une jeune femme qui elle, je l'espère, restera un peu plus d'une nuit à mes côtés. Non, ne prenez pas ma dernière phrase pour une marque de faiblesse, il est vrai que j'en ait un peu marre de passer dans les bras de n'importe qui puisqu'il ne me reste plus beaucoup de choix au sein de l'université. Il n'y a plus beaucoup de filles à manipuler, plus de filles à faire croire aux rêves d'avenir les plus fous. Ces rêves, même si je ne le fais pas paraître, j'espère un jour les exaucer avec la personne qui m'aura choisie et que j'aurais choisie et non pas que j'aurais soumise. Oui, sous mes airs d'homme à femme, je n'en reste pas moins quelqu'un de lucide et d'intelligent. Je sais très bien que dans vingt ans je ne pourrais plus m'adonner à ce genre de pratiques. En gros, j'espère me marier et avoir un enfant. Pensez à cela, me rappela que pour le moment je n'étais pas sur cette voie. Peut-être devrais-je penser à rectifier le tir ? Non, j'étais encore jeune et avais la vie devant moi.

Vivre dans le présent était ce que je préférais. Ne pas se soucier du lendemain, des fins de mois difficiles, tout cela je ne l'avais jamais connu. Je décidais donc, de vaquer à mes occupations habituelles. Je n'avais en faite même plus envie de dormir. Je remontai l'escalier de marbre et rentrai dans l'une des pièces les plus fabuleuses de ma demeure, le dressing. Celui ci était tellement vaste qu'il y avait de quoi habiller une quinzaine de personnes. Je choisis en vitesse ce qui me semblais être assortis, pris mes clés de voiture et partis en ville faire quelques courses. Je ne m'imposais aucun budget, comme d'habitude. Dépenser 2000 $ de vêtements en un après midi et parfaitement dans mes habitudes. M'approchant des boutiques de luxe, je garai ma voiture non loin de celles ci, ne prenant même pas le temps d'aller à l'horodateur pour payer le parking. La première chose que je fis fut de me rendre devant la nouvelle boutique Hermès qui allait ouvrir dans quelques jours. Cela ferait des dépenses en plus pensais-je. En tout les cas, la vitrine était superbe. Voyant une femme, qui semblait légèrement sur les nerfs, je me sortis du passage mais celle ci ne manqua pas de me rentrer dedans. Elle était d'une beauté éblouissante et s'excusant à tout rompre, je pris la parole.

- Ne vous inquiétez pas.

Il ne me fallut pas de phrases supplémentaire pour montrer que pour la première fois depuis bien longtemps, je venais de tomber sous le charme d'une personne. Ne savant plus où me mettre, je fus bien obligé de balancer la première phrase qui me venais à la tête.

- Vous travaillez ici ?

Sérieusement, il fallait que ça m'arrive à moi, encore et toujours ce genre de choses ! J'avais le don pour attirer ce genre de situations... mais pour une fois, je semblais bien tombée. Je voulais dire par là que je n'avais pas face à moi un homme d'affaires pressé qui se mettait à m'engueuler comme une délinquante ou une mère de famille qui me hurlait dessus de faire attention, qu'elle risquait de perdre ses enfants... Pas de ma faute non plus si elle n'était pas capable de tenir ses gamins ! Sincèrement, j'avais ma part de responsabilités à chaque fois mais fallait pas exagérer non plus. Mais aujourd'hui, j'étais tombée sur un jeune homme galant et agréable. Grand, brun, aux yeux bleus et apparemment plus amusé qu'autre chose par le fait que je venais de lui rentrer dedans ! Exactement le genre d'homme qui avait le pouvoir de me faire craquer, mais est-ce que j'étais en état de craquer ? Toute la question était là, d'un côté, je ne savais pas si j'étais prête à oublier mais de l'autre, il était juste là, à ne pas m'en vouloir ! Le sentiment d'avoir trouvé ce qui me manquait se terrait au fond de moi, sans que j'en prenne conscience pour le moment. Un sourire s'afficha sur mon visage lorsque je l'entendais me dire ne pas m'inquiéter. J'avais bien envie de le faire et pourtant, c'était pas forcément facile... Sa question me fit rigoler intérieurement, est-ce que je travaillais ici ? J'étais incapable de dire oui ou non ! Je ne touchais aucun salaire pour ce que je faisais mais vu l'état de mon compte en banque, je n'étais pas non plus bénévole dans l'histoire.

- Hum... pas vraiment non, enfin... si mais pas en tant qu'employée !

J'hésitais à balancer la vérité comme ça. Dire que j'étais l'héritière de la marque n'était pas toujours bien vu, j'en avais déjà fait les frais, il arrivait que lorsque je disais ça, je me retrouve reléguée au rang de fille à papa pourrie gâtée, alors que j'étais peut être pas tout le contraire mais presque. Mais difficile de ne pas le dire non plus, surtout au moment où mon frère passa la tête par une fenêtre du premier étage pour me dire que les parents venaient de demander que Leila se retrouve à la porte dans les plus brefs délais. Aucune idée de ce qu'ils avaient donné comme raison mais je m'en fichais un peu, même complètement à vrai dire. Vite ramenée à la réalité par un coup de vent, je me rendais compte que je ne m'étais pas encore présentée, finalement, je n'avais toujours pas décidé de ce que j'allais dire !

- Je me suis même pas présentée, c'est du grand n'importe quoi aujourd'hui... Moi c'est Aurlanne. Et, vous pouvez me tutoyer sans problème ! Vous savez que la boutique n'ouvre qu'à la fin de la semaine ?!

Oui la façade pouvait peut être porter à confusion, rien n'était affiché, par choix de notre part pour laisser planer le mystère de l'heure de la cérémonie d'inauguration. Seuls quelques clients triés sur le volet avaient reçu le fameux carton d'invitation qui les conviaient à l'ouverture, vendredi prochain à 20h. Et je ne me rappelais pas avoir vu la photo de celui qui se tenait en face de moi dans les dossiers clients de l'entreprise, malgré le fait que j'avais passé de longues heures le nez dans ces dossiers à choisir les clients les plus influents ! Je n'avais aucune idée de qui il était, chose à laquelle je n'étais pas habituée, je ne savais pas où je mettais les pieds, incertitudes, risque de dire une connerie, tout était encore plus fort que d'habitude, comme le regard que l'on échangea.