Nous étions jeudi et le réveil sonnait jusqu'à s'en épuiser sur le comptoir de Lyzabeth. Mais rien à faire, la Gamma, oreiller par dessus la tête, ne voulait rien entendre. Surtout, elle ne voulait pas croire que sa nuit était déjà terminée après six misérables et trop courtes heures de sommeil. Quelle idée aussi de se rendre au centre de San Francisco jusqu'à pas d'heure! Mais à vrai dire, elle avait été avec trois de ses très proches amies et alors qu'à la base les miss n'avaient prévu que du shopping et éventuellement un cinéma, elles avaient finis après le cinéma dans un des clubs les plus rétro et chic et avaient dansé jusqu'à ce que leurs paupières se ferment littéralement seules. Encore heureux que Lyzabeth n'ait pas bu plus qu'il ne l'aurait fallu ce soir ou alors sa rentrée à Berkeley aurait faite plus de bruit que voulu.

Les entrées et sorties sur le campus, et surtout dans les confréries, étaient évidements contrôlés ce pourquoi la Gamma, après un au revoir rapide à ses amies, avaient du contourner la vrai entrée de sa confrérie pour passer par derrière dans la salle de détente. Bien heureusement pour elle, quelques Gamma étaient toujours présents à fumer et parler tranquillement donc ils la tirèrent sans problème dans la salle juste avant qu'elle ne les remercie et rejoigne son dortoir.

La nuit avait donc été agitée et particulièrement mauvaise. Cependant, Lyz avait un bon emploi du temps pour la journée et la soirée s'annonçait plutôt agréable même si elle n'avait rien de prévu pour le moment. Elle se leva donc en grognant; rien de nouveau; et après avoir tiré sa couette et refait son lit, elle se dirigea vers son armoire pour prendre ses habits et ensuite partir en direction de la douche. Une fois habillée elle alla à la cantine de Berkeley comme tout les résidents pour le petit-déjeuner - et aussi par flemme d'aller chercher son café plus loin que ça - mais ne s'attarda pas trop à manger. Deux tartines et c'était bon, manger le matin lui avait toujours donné plus envie de vomir qu'autre chose de toutes les manières. Par contre la voir manger à midi était toujours sujet à de bons fous rires. Quand elle le voulait, Lyzabeth était un véritable ventre sur patte.

Enfin bref, la journée continua dans cet esprit similaire: la Gamma n'ouvrait les yeux que pour marcher mais durant son cours de gestion...disons qu'elle ne dérangea personne à rêver paisiblement au dernier rang de l'auditorium. Elle aurait tout-à-fais put ne pas assister à la scéance en même temps, la fac étant un système libre et les élèves assistant au cours qu'ils voulaient du moment qu'il passait leurs partiels en fin de trimestres. Cependant, Lyzabeth tenait énormément à son cursus et elle désirait aussi garder sa place ici, autant dans sa confrérie que dans l'université qui lui plaisait, lui semblait-il, de plus en plus chaque jour. Alors elle assista à cette lecture sur la gestion, la dernière d'une série de cinq dont deux sur des enseignements de détermination, en pensant qu'elle saurait se tenir éveillée. A l'entendre doucement respirer, les yeux clos et la main entre les bras, on pouvait facilement en déduire que sa mission avait échoué.

Au retentissement de la sonnerie, elle se releva donc un peu perturbée et dans les nuages, mais se remit bien vite les idées en place pour ensuite repartir d'un pas rapide vers sa chambre de confrérie. De 13h jusqu'à 16h15, elle dormit donc d'une traite et rien ni personne n'aurait put avoir le pouvoir de la réveiller. Enfin jusqu'à ce que son portable vibre sur sa commode. Elle ouvrit les yeux un peu groggy mais après quelques instants, elle se sentit reposée et même presque prête à revivre la soirée d'hier. Elle sourit alors d'un air absent, pour aucune raison vraiment, et regarda ses trois messages. Les deux premiers venaient de ses deux amies de la nuit précédente mais le dernier lui tapa plus à l'œil. Il s'agissait de Keven, un de ses ex avec lequel elle considérait très bien s'entendre maintenant. Elle répondu donc avec grand plaisir qu'ils se voient. Ça tombait très bien en plus, les vacances les avait séparé de toute discussion ou soirées possibles et Lyzabeth se sentait toujours un peu anxieuse lorsqu'elle n'avait pas de nouvelle de ses proches ami(e)s pendant trop longtemps. Et Keven avait toujours des idées d'endroits originaux et loufoques lorsqu'il était avec les gens qu'il appréciait. On ne s'ennuyait pas une minute avec lui et son coté spontané et pas du tout prise de tête avait toujours plus à la Gamma.

En début de soirée, Lyz se prépara donc et juste au moment où elle attrapa en dernier son sac à main, Keven la bippa pour qu'elle sorte du campus. Prête, elle descendit de sa chambre et après avoir fait un petit clin d'œil symbolique à quelques uns de ses confrères et consœurs elle sortit de la confrérie et alla rejoindre l'Oméga adossé à sa voiture. Elle lui fit un large sourire et l'enlaça pour ensuite lui faire la bise. Comme elle l'avait prévu, il ne lui dévoila pas leur destination. Il passèrent d'abord au Macdonald, même si Lyzabeth faisait mine de bouder leurs hamburgers depuis maintenant des mois, et commandèrent tout les deux. Keven se dirigea alors avec un sourire malicieux sur le visage vers... le stade, et Lyzabeth n'aurait pas put cacher sa surprise. Une bonne surprise puisqu'il avait toujours un don pour savoir quels endroits seraient toujours amusant à découvrir. De surcroit le stade était totalement vide et bizarrement, Lyzabeth trouvait le décors complètement différent et même plutôt splendide. Les spots, les gradins gargantuesques, tout ça donnait un effet impressionnant et que Keven se soit débrouillé pour avoir cette opportunité dépassait Lyzabeth. Elle se tourna vers lui avec un immense sourire ancré sur ses lèvres et répondit:

- C'est génial! tu m'étonneras toujours, je sais même pas comment t'as fait ?

A voir l'étendue du stade seulement éclairée par les spots gigantesques, la nuit tombant petit à petit, Lyzabeth ne put s'empêcher de réaliser à quel point cela faisait du bien de sortir de son élément de temps en temps. Et ce n'était pas faute d'essayer. Seulement étant résidente à Berkeley tout au long de l'année, elle n'avait pas réellement l'opportunité de réellement profiter de San Francisco. Bien sur il y avait les clubs, bars, cafés, cinémas, magasins que tout le monde connaissait, mais la Gamma devait avouer qu'elle n'avait jamais essayé de se sortir de cette routine d'endroits, s'empêchant donc d'en découvrir d'autre. Et Keven était la personne idéale à ses yeux pour briser cette chaîne de rendez-vous dans des lieux communs. Puis cela faisait trop longtemps qu'ils ne s'étaient pas vus, ou même parlé, donc cette soirée n'était que la bienvenue.

- Et t'as eu bien raison, elle s'exclama avec un sourire, parce que je sais pas comment on s'y est pris pour réussir à pas du tout se contacter pendant les vacances, ajouta t-elle plus sérieusement

Lyzabeth continua à sourire doucement, contente de pouvoir passer ne serait-ce que cette soirée avec lui, puis ils s'avancèrent vers les premiers gradins du stade pour y poser leurs sacs. D'ailleurs, l'idée qu'ils allaient manger Macdo faisait d'avantage sourire la jeune femme, qui ne pouvait que se rappeler que c'était presque la seule chose qu'ils mangeaient lorsqu'ils étaient encore ensemble. A tout casser, Keven avait bien du lui faire gagner un ou deux kilos. Mais il avait toujours été attentionné et ses intentions partaient toujours d'un bon sentiment. Une des principales raison pour laquelle ils étaient toujours aussi proche et que leur rupture s'était faite d'un commun accord.

Ils s'assirent finalement après avoir posé quelques serviettes sur le siège entre eux deux pour y poser leur nourriture. Lyz avait commandé des chicken nuggets avec des frites ce qui était ce qu'elle avait toujours pris les quelques fois où elle était allé au Mcdonald's. De plus, bien qu'elle ait une appétit comparable à une fille de cinq ans, Lyzabeth ne faisait pas partie de ces filles qui ne prenaient que des salades ou un pathétique légume en guise de repas et qui étaient obsédée par leur poids. La Gamma n'avait pas besoin de prouver quoi que ce soit à personne et elle ne croyait pas du tout en régimes ou méthodes pour maigrir. Elle était bien comme elle l'était et ne voulait pas tomber dans la boulimie ou l'anorexie.

Elle attrapa donc la boite de nuggets et se mit à manger sans réserve, de toutes les manières, Keven la connaissait très bien maintenant et elle n'avait plus à se cacher derrière de faux semblants et cette carapace qu'elle s'était forgée durant la majeure partie de sa vie. Elle lui sourit donc et le remercia à nouveau pour cette idée.

- Merci encore Kev, ça fait vraiment du bien de pouvoir sortir de la vie de tout les jours comme ça.

Ils mangèrent donc en silence quelques instants, un silence absolument pas ambigu ou gênant, lorsque la Gamma arracha enfin son regard du superbe stade et ajouta;

- Alors, dis-moi quoi de neuf depuis la dernière fois ? lui sourit-elle, il a bien du s'en passer des choses depuis notre dernière conversation...

La vie est trop courte, une phrase que Lyzabeth avait toujours pris au pied de la lettre et sur laquelle Keven et elle s'étaient toujours bien entendus. Comme lui, elle aimait profiter de chaque instant de la vie, se donner à fond dans tout ce qu'elle entreprenait et surtout, ne pas rater les occasions de s'amuser, de découvrir, de sentir et ressentir, de voir, de vivre. Carped Diem on pourrait dire, mais Lyzabeth n'était pas non plus de ceux qui ne regrettait pas avoir mordu dans le fruit défendu. Bien au contraire, la Gamma était paradoxale des pieds jusqu'à la tête. D'un côté elle prônait la joie de vivre, l'idée de se laisser bercer par le flot naturel des événements et ne pas se prendre la tête pour des problèmes de la vie quotidienne. Mais de l'autre, de l'autre elle était la première à avouer que les démons de son passé l'empêchait de profiter pleinement de son futur, la bloquait dans son envie d'oublier tout ce qui l'entourait et juste vivre au jour pour le jour.

Keven la tira bien rapidement de ses pensées et elle ne put empêcher son visage de dessiner un petit sourire sur ses lèvres. Elle lui répondait sans parler, qu'effectivement, il ne faudra absolument pas rester sans contact l'un de l'autre l'été prochain comme cet été ci. D'ailleurs, Lyzabeth se demandait toujours comme cela se faisait-il qu'elle n'ait même pas pris le temps de lui envoyer ne serait-ce qu'un petit message. Elle avait assez honte il fallait bien l'avouer, surtout qu'elle promettait généralement toujours à ses proches de donner de ses nouvelles durant des vacances aussi longues que celle-là. Elle se mordit légèrement la lèvre avant de reprendre une bouchée du nugget qu'elle tenait.

Le stade était magnifique et le ciel parfaitement dégagé, et elle ne put s'empêcher de retomber petit à petit dans ses pensées. Qu'avait-elle donc fait pour perdre contact avec autant de ses proches ? La question la perturbait quelque peu parce qu'elle se rendit compte pour la première fois de sa vie (ou presque) qu'elle connaissait la réponse. En effet il y a deux ans encore, l'alcool, et la drogue surtout, s'occupaient gentillement bien de vider sa mémoire des événements ou soirées auxquels elle assistait. Il était inévitable que la plupart du temps, ses vacances n'étaient qu'un nuage gigantesque et flou, sans couleurs, sans odeurs, sans sons, sans rien. Alors qu'elle se souvienne distinctement bien de ces vacances-ci la faisait sourire jusqu'aux oreilles. Bien sur, elle n'avait pas été la désintoxiquée modèle non plus, mais bien assez pour se sentir aussi bien mentalement qu'elle ne se sentait à ce moment. Pour tout dire, Lyzabeth ne ressentait plus l'once d'une dépendance aux produits illicites dans son corps. Bien au contraire, elle se sentait plus en vie en mangeant ses chicken nuggets qu'en se remémorant les fois où elles avait lamentablement succombé à ses démons. Et c'était la victoire la plus savoureuse.

Elle se rappela donc que le mois de Juillet avait été, au début, particulièrement stressant et long. Une amie qu'elle connaissait depuis le berceau avait eu un accident de voiture en Angleterre et elle avait donc décidé de lui rendre visite à l'hôpital. Cependant, il y avait eu de fortes perturbations durant le vol donc l'avion s'était posé à Chicago et elle avait du rester à l'aéroport une bonne dizaine d'heures avant d'avoir des nouvelles pour le prochain embarquement. C'était donc avec une mine épuisée et un teint plus blanc que linge qu'elle avait atterrit encore de longues heures plus tard à Londres. Elle s'était immédiatement rendue à l'hôtel où elle avait réservé une chambre pour une bonne semaine, afin d'être complètement en forme pour booster l'humeur de son amie. Le lendemain, elle n'avait pas failli à sa tâche et son amie, bien qu'avec deux bras et une jambe dans le plâtre ainsi que deux côtes fêles, avait l'air d'avoir apprécié plus que tout la visite surprise.

Cet été, Lyzabeth s'était aussi rendu en Italie, rien que ça, et hormis la chaleur écrasante, elle en avait profité comme jamais auparavant. Celui lui avait aussi permis de revoir son père le temps d'une petite semaine et, lui et elle avait entretenu une longue discussion qui l'avait réellement fait réfléchir sur elle-même, son avenir. Finalement elle se sortit elle même de ses pensées lorsque Keven commença à raconter ses propres vacances, puis l'écouta attentivement. Et ce qu'il lui disait ne l'étonnait pas du tout. Puis lorsqu'il parla de Londres, elle fit un petit bond.

- Ah! On aurait put se croiser alors... Mais bon, je comprend que ça doit être dur pour toi. Tu sais j'ai toujours du mal à aller à ma vieil maison de Santa Monica, ça me rappelle toutes ces dépressions que j'ai faites lorsque je pensais à ma mère... Lyzabeth s'arrêta de parler lorsqu'elle se rendit compte que ce n'était pas du tout un sujet qu'elle voulait aborder à ce moment. Elle voulait profiter de son temps avec Keven et ne pas centrer le sujet sur cette mère qu'elle n'avais jamais connu. A quoi bon en plus ? Par contre, si l'Oméga voulait se confier à elle, elle serait bien évidemment là pour lui. Elle se mordit donc la lèvre légèrement et enchaina.

- J'ai visité l'Europe, on s'en lasse jamais faut dire; Londres, l'Italie, l'Espagne, puis je suis repartie vers Paris quelques jours et finalement revenue à San Fran parce que mine de rien, ça me manquait trop. Elle sourit doucement puis avala une nouvelle bouchée de son nugget en ajoutant.

- Mais je suis impardonnable pour ne pas t'avoir envoyé ne serait-ce qu'un seul sms, je sais pas comment c'est arrivé, le temps s'est envolé et avant que je cligne des yeux, c'était déjà la rentrée.