Douce ironie... ;
Non mais t'es aveugle ou quoi?!

Vous avez déjà vu un remake plutôt réussi de ‘dansons sous la pluie’ ? C’était justement ce qu’Abbygail s’amusait à faire depuis une heure, sur les toits de l’université Berkeley. Il avait beau pleuvoir à grandes eaux, rien n’aurait pu la déconcentrer. Il n’y avait ni musique, ni partenaire particulier avec elle sur ce fameux toit, et pourtant elle faisant comme si. D’abord tentée par une valse, elle faisait fi de la pluie semblant lui scier les membres. Abby était gelée, son justaucorps lui collant affreusement à la peau ; ses chaussures à talons semblaient prêtes à glisser sur le sol, et pourtant, à chaque fois qu’elle manquait de tomber, elle se rattrapait habilement avec un nouveau pas de danse. Ses cheveux blonds, détachés nonchalamment, collaient à son visage à chaque fois qu’elle tournait sur elle-même, mais malgré tous ces détails désagréables, Abby n’avait pas le cœur d’arrêter de danser. Au contraire, plus forte était la pluie, plus elle avait envie de continuer. Quelle heure était-il, au juste ? Aucune idée. Qu’il soit trop tôt ou trop tard, cela n’avait aucune importance…Son unique cours de la fin de l’après-midi avait été annulé pour cause d’absence du professeur, et comme Tasha n’était pas présente à la maison ce soir, elle n’avait pour ainsi dire rien à faire, mis à par danser comme si sa vie en dépendait. Le ciel était sombre, l’orage ne serait sûrement pas loin, et pourtant, Abby aimait cette idée. Quand bien même se prendrait-elle un éclair en pleine poire, au moins, peut-être aurait-elle un peu moins l’impression d’être transparente, et même l’impression d’être en vie. Après tout, une danseuse aveugle, il y avait mieux comme compagnie. Pour beaucoup, elle n’était qu’un boulet à traîner, et surtout à laisser tomber très rapidement…Pour d’autres, il arrivait qu’elle ait une valeur quelconque, uniquement si elle acceptait de finir dans le lit des quelques hommes s’intéressant à elle ; mais au final Abby préférait rester seule, à danser sous la pluie quitte à devenir elle-même un affreux cliché. Depuis combien de temps dansait-elle, d’ailleurs ? Une petite heure ? La jolie blonde ne savait plus vraiment. Le temps avait beau filer à une vitesse folle, et elle avait beau commencer à être essoufflée, un délicat sourire finit par se dessiner sur ses lèvres rosées. Abbygail finit par ralentir le mouvement, jusqu’à s’arrêter progressivement, prenant une grande respiration en fin de danse. Cette petite séance l’avait considérablement défoulée, en vérité. Elle sentait nettement plus calme que précédemment, mais ce n’était pas très étonnant : Elle se sentait épuisée. Comme si toute l’énergie qu’elle avait en venant sur les toits s’était évanouie à chaque pas de danse qu’elle avait fait. Maintenant, si elle avait assez de force pour marcher, c’était le bout du monde…Comme quoi, son handicap l’avait considérablement amoindrie.

« Bordel, j’ai l’impression que je vais m’écrouler… »

S’écrouler ? Pas tout de suite, pas encore. Abbygail ne s’était pas donné tant de mal pour venir sur les toits et repartir au bout d’une heure sous le fallacieux prétexte qu’elle se sentait épuisée. Au contraire, la folie la prenant soudainement, elle se dirigea vers le petit muret présent avant le vide. Elle se mit à marcher dessus, les deux bras à l’horizontal, testant dangereusement son équilibre. Ce n’était que folie, surtout pour une aveugle dont la canne jonchait le sol. Abby ne savait même plus où elle l’avait posée, et avait la pluie, c’était peine perdue pour la retrouver…En parlant de pluie, le muret était considérablement glissant, si bien qu’elle pouvait basculer à chaque pas qu’elle faisait. Pourtant, loin d’elle l’envie de redescendre, bien au contraire, jouer avec le danger lui prouvait qu’elle était vivante et lui faisait du bien. Abby se surprit donc à prier pour que personne ne soit pris de la même folie, afin qu’elle puisse rester un moment sur les toits en solitaire.

« Et si je tombe…Tant pis ? Bah, si on doit mourir, dans cinquante ans ou tout de suite, ça n’a aucune espèce d’importance fondamentalement. »

Abby eut un petit rire face à cette phrase. C’était décidément une affreuse folie qui s’était emparée d’elle…La jolie blonde avait toujours tenu à sa vie, jusqu’au moment où elle avait perdu son fiancé et la vue dans le même accident. Cela avait accéléré les choses, mais cela lui avait aussi ôté toute envie de se battre pour ses anciens moulins à vent…

Aujourd'hui le temps était pluvieux, tant mieux, cela changeait du ciel bleu, de la chaleur et des oiseaux qui chantaient. Aujourd'hui le temps était comme son humeur: maussade. Pendant de longues heures le Thêta c'était prosté devant sa fenêtre à regarder la pluie tomber. De toute façon il n'avait pas mieux à faire. De toute façon il n'avait rien envie de faire. Tout était parti, envolé, évaporé avec le "départ" de David. Le garçon n'arrivait pas à comprendre encore le pourquoi du comment? Comment un garçon aussi adorable que Flint avait put lui faire ça, et surtout pour ces raisons-là : parce qu'il avait peur pour sa vie! Foutaises. Comment Swen pouvait-il l'oublier avec des arguments si risibles? Encore si David avait dit qu'il ne l'aimait pas il aurait pu se faire une raison mais là...
Il était fatigué, las, et avait plus l'impression de trainer sa carcasse qui lui servait de corps qu'autre chose. Il n'arrivait presque plus à dormir, et à chaque fois qu'il avait "l'audace" de s'assoupir c'était pour se réveiller très rapidement en sursaut et le plus souvent en larmes suite à un cauchemar, le même à chaque fois. Pathétique non? Si pathétique qu'il n'osait pas en parler, la seule personne à qui il se serait confié volontiers n'était pas là. Cette seule personne était Chris, il avait vécu la même chose que lui, ils étaient très proches cela aurait été parfait, mais à chaque fois qu'il l'avait sur msn ou au téléphone il parlait de tout sauf ça. Il évitait tout simplement le sujet: le fait qu'il se soit fait tabasser. Il le niait presque, faisait comme si tout allait bien. Oui, tout allait bien... si bien qu'il avait envie de passer par la fenêtre pour en finir mais des gens biens tenaient à lui alors il s'abstenait...

Bon! Il fallait qu'il se prenne en mains! Qu'il aille prendre un peu l'air -ou dans le cas présent surtout la pluie-. Sur ses bonnes pensées, il se leva avec une légère difficulté - ses côtes lui faisaient toujours mal-, avant de sortir de sa chambre et se dirigea vers... en fait il ne savait pas où il allait. Il vadrouilla dans les couloirs pendant une bonne vingtaine de minutes avant de se décider à aller sur le toit, en prenant bien entendu les escaliers. Étant claustrophobe à un point inimaginable il ne voulait sous aucun prétexte prendre un ascenseur!
Il monta les escaliers tranquillement -à la lenteur digne d'un escargot en somme-. Vu le temps il pensait être seul sur le toit, et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il remarqua qu'une jeune fille s'y trouvait déjà. Et cette dernière était sur le muret et pouvait basculer dans le vide au moindre instant. Le garçon déglutit avec difficulté, mais il s'avança doucement vers elle. Les paroles qu'elle avait prononcé comme quoi ce n'était pas bien grave si elle tombait étaient loin de le rassurer.

Bonjour je m'appelle Swen et je viens de faire un discours parfaitement ridicule mais je le vis bien. Il ne rajouta rien et attendit une quelconque réaction de la jeune femme, il était même près à faire un geste brusque pour tenter de la rattraper, en cas...
Merde! Il ne lui avait même pas dit son prénom et ne lui avait pas demandé le sien, dans de telles circonstances, c'était sûrement un peu idiot. Il ne savait pas quoi faire comme agir, comment réagir. Devait-il appeler de l'aide ou juste tenter de la convaincre en priant pour qu'elle finisse par descendre en sachant qu'il y avait une chance qu'elle se suicide sous ses yeux impuissants. Qu'est-ce qu'il devait faire? Il n'avait pas le monde d'emploi du comportement à adopter. Nerveux. Cette situation le rendait nerveux. Il ferma les yeux, essayant de trouver des phrases plus réconfortantes... Mais la seule chose qu'il arrivait vraiment à faire, ressentir et se dire, c'était que le froid le gagnait peu à peu. Lui si frileux, par un temps aussi glacial et pluvieux dehors, sous l'eau c'était ridicule. Il était à la limite de grelotter! Tu parles d'une aide pour l'autre jeune fille!!

Douce ironie... ;
Non mais t'es aveugle ou quoi?!

« La belle affaire, je la prends comment, ta main ? »

Question existentielle pour Abbygail, incapable de savoir exactement où pouvait bien se trouver le jeune homme qui était venu à son ‘secours’. Quelque part, cela l’amusait qu’il ait pu penser qu’elle veuille en finir…La jolie blonde avait une fâcheuse tendance à s’amuser d’un rien, et surtout de choses dramatiques de l’existence. Rien ne semblait l’effrayer, et pour une fois, rien ne l’énervait, pas même la présence de ce parfait inconnu qui décidément avait faux sur toute la ligne. La pluie cachait malheureusement une partie de sa voix, et faisait un tel bruit aux oreilles d’Abby qu’elle était incapable de reconnaître l’endroit où il se trouvait. Il pouvait se trouver à quelques millimètres seulement comme à cents mètres, cela aurait eu le même effet. Certes, son ouïe était devenue plus fine qu’auparavant, mais elle n’était aveugle que depuis peu de temps, il ne fallait donc pas espérer l’impossible. La demoiselle explora donc les alentours, en posant de temps en temps son regard sur le jeune homme sans pouvoir s’en apercevoir. A vrai dire, elle ne contemplait pas ces lieux, elle essayait d’entendre le moindre détail qui aurait pu la guider au moins un peu. Abby n’avait aucune envie d’en finir, elle avait juste prétendu qu’un accident supplémentaire n’était pas foncièrement dérangeant. Après tout, elle avait été voyante, et aujourd’hui ce ‘don’ lui avait été retiré. N’importe qui aurait pu vouloir en finir à sa place, n’est-ce pas ? Heureusement donc que la belle blonde était une fervente amatrice de son existence, bien qu’elle soit relativement dépourvue de relations humaines. Mais cela, l’inconnu en face d’elle ne pouvait pas le deviner, de même qu’il n’avait pas compris qu’elle n’était rien qu’une aveugle qui avait voulu explorer les toits par curiosité. Le côté cocasse de la situation ne manqua pas de la faire éclater de rire. L’inconnu pouvait très bien penser qu’elle se foutait de sa gueule, mais ce n’était pas vraiment le cas : Disons que c’était tellement ridicule comme scène que cela aurait très bien pu avoir sa place dans un mauvais soap. C’était vraiment à croire que la vie d’Abby était devenue un gag permanent, dont chaque scène obtiendrait sans problème sa place dans un quelconque film à la noix. Merci l’accident et l’absence de vue…

« J’ai vraiment l’air d’une suicidaire, alors… »

Nouvel éclat de rire d’Abby, qui ne trouvait rien de mieux à faire que de rire comme une baleine alors que la situation pouvait paraître vraiment critique. Mais elle ne l’était pas ! La preuve, elle s’accroupit pour chercher la main du jeune homme, et une fois qu’elle l’eut saisi, elle descendit effectivement du muret avant de lui serrer la main comme s’il s’agissait là d’un rendez-vous d’affaire. Bon, d’accord, sa bonne humeur n’était ni due à la pluie, ni même à une quelconque envie de suicide. C’était sans nul doute les médicaments pour ses yeux, pris quotidiennement, qui avaient un effet étrange…Mais il valait mieux en rire qu’en pleurer, n’est-ce pas ? Après tout, la demoiselle n’avait fait de mal à personne, et bien que l’envie de remonter sur ce muret soit particulièrement forte, elle ne le fit pas. Pas tout de suite, en tout cas.

« Premièrement, je peux pas te voir. C’est bien beau de tendre ta mimine, mais si la personne en face de toi n’est qu’une putain d’aveugle, ça lui fait une belle jambe ! Et à la surprise générale, j’avais pas spécialement envie de me suicider. Si j’avais voulu en finir, je me serais fait sauter le caisson, y’a moins de risque de se louper. Ben quoi ? Y’a pas de mal à se tenir informée de ce genre de choses, non ? Ca fait partie de la culture, après tout. »

Abby engageait la conversation comme s’il ne s’était rien passé, et elle se surprit elle-même. D’habitude, jamais elle n’aurait débiné un tel discours d’un ton presque enjoué à un parfait inconnu qui n’avait même pas eu le réflexe de se présenter à elle. C’était étrange, comme situation, tellement étrange qu’elle ne pu s’empêcher de s’asseoir contre le muret pour essayer de comprendre ce qui lui arrivait. Cette joie de vivre ne lui ressemblait pas du tout…C’était Tasha, sa sœur jumelle, l’enjouée de service, jamais Abby. La belle blonde était la colérique, l’impatiente, et l’impitoyable dans la famille russe. C’était pour cela que son père espérait intimement qu’elle reprendrait un jour sa place au sein de la mafia.

« En fait, j’me sens bizarre. Je suis pas guillerette à ce point là, on dirait que j’ai bu, sans déconner ! »

Raison d’une telle joie de vivre ? L’adrénaline. Combinée à ses médicaments, Abby faisait ni plus ni moins un bad trip…Enfin, bad n’était pas foncièrement le mot adéquat, mais elle savait pourtant que les émotions fortes n’étaient guère conseillées après la prise de ces cachets.

Il s'était attendu à toute sortes de réponses mais pas à celle-là, il ne comprit pas d'ailleurs le sens son " je la prends comment ta main", il n'avait pas imaginer l'ombre d'une seconde que la jeune femme qui lui faisait face pouvait être aveugle. D'ailleurs, quel était le pourcentage de "chance" qu'elle le soit. Très, très très infime non?
Enfin soit, il resta totalement muet devant cette phrase, ne sachant pas quoi répondre. A un moment il avait manqué de dire " bah tu serres la tienne dans la mienne", mais c'était complètement stupide, d'autre part, si la jeune femme avait sorti cela c'est qu'il y avait bien une raison... Certes encore inexpliquée pour le moment aux yeux de Turner mais il devait bel et bien y avoir une raison, quitte à ce que cette dernière soit la moquerie...
Plongé dans ses pensées, il "revint" sur Terre lorsque Abby éclata de rire. Merde. C'est qu'elle lui faisait presque peur à présent. Pourquoi rigolait-elle ainsi, la situation n'avait rien de drôle, tout comme son potentiel suicide. Il déglutit. Peut-être qu'elle était fragile d'esprit et qu'après ce rire elle aller sauter. Peut-être qu'elle allait soudainement se transformer en un monstre immonde contrastant avec la belle femme qu'elle était. Youyou Turner, revient sur Terre, les monstres n'existent que dans le fruit de ton imagination. Imagination fertile, quand tu nous tiens... Le fait d'écrire des scénarios, aussi bien pour les cours que pour lui-même et de temps en temps tournés vers le fantastique, lui montait visiblement au cerveau, l'atteignant d'une "maladie" assez grave; confondre le réel et l'iréel. Oui, d'accord c'était assez exagéré mais de en temps en temps il lui arrivait véritablement de croire qu'un monstre allait jaillir devant lui, mais ça peu de personnes le savait... Enfin, la jeune femme se décida à revenir sur la terre ferme, soulagé il ne peut s'empêcher de pousser un petit soupir.
Lorsque l'epsilon reprit la parole pour dire qu'elle devait vraiment avoir l'air suicidaire, le garçon secoua brièvement la tête avant de se dire que ça ne servait pas à grand chose, et bizarrement il réussit à reparler:

Il s'était déjà senti con dans sa vie, mais rarement à ce point quand encore une fois Abby reprit la parole, lui expliquant d'une manière assez particulière qu'elle était aveugle. Il aurait voulu se cacher dans un petit trou, disparaitre tellement il avait honte, mais il réalisa très vite que pour la jeune femme qu'il se cache ou non, ça serait la même chose. Il déglutit difficilement, cherchant des mots pour ne pas paraitre trop idiot, et essayait de faire une réponse originale

Enoncé la confrérie pouvait paraitre bizarre, mais au moins logiquement la demoiselle pouvait plus ou moins connaitre ainsi ses grandes caractéristiques caractérielles. Ne sachant plus quoi dire il préféra se taire et se contenta de regarder la jeune femme assez intrigué car elle avait l'air d'être un drôle de phénomène...