« De Calendre ? Venez par ici. » Ordre du supérieur hiérarchique, alors le Franco-Américain s'exécuta docilement et s'avança d'un pas ferme et décidé en direction du général. Celui-ci le regarda d'un air supérieur, déjà prêt à abattre sa sentence sur son soldat d'élite. Il noua ses mains dans son dos, fit quelques pas, et invita Matthias à en faire tout autant. Il obtempèra, ne posa pas de question, et attendit la suite. « Vos résultats au tir sont excellents. » Matthias releva la tête avec surprise, mais remercia comme il se devait son supérieur. Les compliments étaient rares, à l'armée. Surtout pour lui, qui avait si souvent été classé dans la catégorie des têtes brûlées. Il savait pertinemment qu'il était loin d'être, aux yeux de ses supérieurs, quelqu'un de fiable. « Par conséquent, la session de rattrapage de Samedi ne vous concerne pas. » Matthias s'apprêta à protester, mais le colonel anticipa et leva une main pour le stopper. « Je sais, je sais. Vous pensez que c'est injuste, et que vous méritez autant de vous entraîner qu'un autre. Mais ne vous en faites pas : nous avons une autre mission pour vous. » A ces mots, le Dupont de Calendre releva vivement la tête. Une mission ? Allait-on enfin reconnaître ses talents, et le faire partir en mission ? Allait-il pouvoir, enfin, être à nouveau utile ? « Au vu des récents événements, la mairie de San Francisco a jugé utile de former les enseignants. À des cours de self-defense. » Le monde du blond trembla sous ses pieds, avant de s'écrouler dans un fracas monstrueux. Il était toujours relégué à des tâches basses et sans intérêt. Il était toujours en période de test, et ce malgré ses résultats excellents. « Faites de votre mieux. D'une certaine façon, cette mission, c'est anticiper sur le sauvetage d'enfants. » Il appuyait là où ça faisait mal, évidemment. Parce qu'il savait. Il savait qu'il avait perdu son petit frère. Il savait qu'il avait refusé de tirer sur un gamin lorsqu'il était en mission, mettant en danger des civils. Il savait que les enfants, ou plus généralement l'innocence, étaient la corde sensible de Matthias. « Vous pouvez disposer. » Matthias se mit au garde à vous, attendit sa délivrance, et prit congé avec un sentiment d'impuissance. Il en était désormais conscient : les missions en Orient étaient encore à des années lumières de son actuelle existence.

Matthias n'a pas de patience, il n'en avait jamais eu, et avait encore moins envie de faire semblant d'en avoir. Être réquisitionné tout un samedi après-midi pour s'occuper d'une formation de self-defense, ça le plombait royalement.  Si encore il avait dû se contenter de faire tapisserie, de s'asseoir au fond de la pièce et d'attendre que le temps passe, il aurait pu s'en accomoder. Mais là, non : on lui préparait une petite après-midi autrement plus intéressante, autrement plus animée aussi. Matthias allait devoir y mettre du sien, donner de sa personne, et se montrer un minimum philanthrope. Un cauchemar, en somme. Il tenait un dossier entre ses doigts, et un stabilo dans l'autre. Les enseignants étaient arrivés au compte goutte, s'étaient rassemblés pour discuter, et avaient naturellement fini par se mettre en ligne face à lui pour décliner leur identité. Comme toujours dès qu'il s'agissait du travail, Matthias avait mis un point d'honneur à s'appliquer et à être consciencieux – sans pour autant faire dans le sentimentalisme. Il surlignait des noms, point barre. On ne lui avait pas demandé de causer et d'être agréable avec chacun. Il dut néanmoins déroger à sa règle, lorsqu'il entrevit la silhouette d'une personne face à lui, mais que celle-ci restait désespérément muette. Une jolie brune lui faisait face, et s'il n'avait pas été de si mauvaise humeur, Matthias aurait sans doute été plus compatissant et plus serviable. Mais là... Là,  il se contenta de la regarder, incrédule. Il se demanda si elle était impressionnée, mal à l'aise, ou juste complètement demeurée. Peut-être un peu des trois, sinon elle n'aurait pas cet air halluciné. Matthias hicha la tête, et surligna le nom de Catahleen Hammersmith dans son registre de présence. Réalisant que l'institutrice n'avait pas bougé d'un pouce, le Dupont de Calendre releva la tête et posa sur elle un regard interrogateur. Deux secondes passèrent, et chacun campa sur ses positions. Que voulait-elle ? Qu'il lui déroule le tapis-rouge et la félicite d'avoir su donner son nom ? C'était mal connaître le soldat. Surtout lorsqu'il était réquisitionné pour faire ce qu'il considérait comme étant du babysitting, ni plus ni moins. Ladite Catahleen sortit finalement de son champ de vision. Au moins pendant un moment – parce que lui savait déjà qu'il la reverrait dans quelques instants, dans une salle de cours débarrassée pour l'occasion.

« Comme vous le savez, la ville de San Francisco a décidé de prendre des mesures suite aux derniers événements. » Matthias récitait son petit discours sans chercher à comprendre ce qu'il était en train de déblaterer. La communication, ce n'est pas son truc. « Je suis ici cette semaine pour du self-defense. D'autres collègues se chargeront, dans les semaines à venir, d'autres domaines. » Parce que sa patience à lui, elle a de grandes limites. Et elles ne vont pas tarder à être franchies. « J'aurais besoin d'un volontaire. » Qu'il lâcha, regardant plus attentivement l'assemblée. Les secondes passèrent, mais aucun des enseignants ici présent ne se dévoua. Courage, quand tu nous tiens. « Ne me dites pas que je vais devoir désigner l'un d'entre vous... » Qu'il ajouta, avec une étrange impression d'être de retour bien des années en arrière – dans une salle de classe, avec des gamins pétocheux qui n'avaient qu'une trouille : être humiliés devant le reste de l'assemblée... Son regard accrocha celui de la brune timide, qui s'était réfugiée dans le fond. Si personne ne se montrait courageux, elle serait la prochaine sacrifiée.

Si Matthias n'avait pas été aussi réfractaire à l'idée de passer toute une après-midi à jouer le formateur, il aurait sans doute pu s'amuser des airs inquiets de ses élèves. Les enseignantes ne cachaient pas leur désarroi et leur angoisse face à cet entraînement imposé, tandis que les enseignants tentaient de faire bonne figure. Matthias se serait volontiers contenté de vérifier leur présence, de pointer les absents, et de s'assurer que tout se déroulait au mieux. Mais sa période de test était loin d'être terminée, et il en prenait désormais conscience. Il grommela intérieurement, puis finit par s'avancer d'un pas vers ses élèves d'un jour. Il balança son laïus sans trop y réfléchir, puis décida de ne laisser aucune seconde de répit à son assemblée. Travaux pratiques ? Sur le champs. Pas le temps d'attendre qu'ils soient remis de leurs émotions ; Matthias comptait bien avoir un semblant d'après-midi. Il se voyait déjà au Golden Gate Park avec June et sa fille Savannah, tous les trois vautrés dans l'herbe. Il mit cette idée dans un petit coin de sa tête, se promettant d'appeler June dès que l'occasion se présenterait. Mais en attendant, il désigna une victime – la brune qui s'était mise dans l'embarras toute seule, quelques minutes auparavant. « Oui, toi. » Qu'il affirma, hochant la tête pour confirmer ses propos. Matthias réprima un petit sourire sadique en voyant son air appeuré, et attendit patiemment qu'elle se présente face à lui. Peu loquace et encore moins rassurant, il comprenait parfaitement pourquoi sa victime du jour angoissait. Il devinait qu'elle le croyait être le grand méchant loup, alors qu'il était très probablement son meilleur allié dans cette pièce. « A moins qu'un courageux ou qu'une courageuse ne se porte volontaire... » Qu'il déclara, plein de cynisme. Courage, fuyons semblait être le nouveau dicton à la mode. « Non. » Qu'il assure, osant pour la première fois un demi-sourire. Qu'elle se rassure : elle sortirait d'ici vivante, et sur ses deux jambes. Sans bleu, sans même une égratinure. Il s'apprêtait à lui tendre une main qui se voulait amicale, mais il arrêta son geste lorsqu'il entendit un membre de l'assemblée ricaner. Erreur, grave erreur : Matthias ne supportait ni l'hypocrisie, ni la sournoiserie. Rire des gens qui sont dans une situation d'inconfort, c'est facile ; surtout quand on est soi-même a priori en sécurité. Matthias se promit intérieurement de venger cet affront ridicule. « Catahleen, c'est ça ? » Qu'il l'interrogea, attendant un acquiescement de sa part. Elle avait l'air tellement inquiète qu'il ne chercha pas à l'intimider davantage. Il ne voulait pas non plus instaurer une distance encore plus grande entre eux en la vouvoyant. Et puis, il faut être honnête, il se fichait guère de ce qu'on pourrait lui dire. Le premier ici présent qu'il lui ferait une réflexion sur sa familiarité finirait les quatre fers en l'air avant même d'avoir eu le temps de dire ouf. « C'est toi qui va avoir l'honneur de m'abîmer, aujourd'hui. Enfin... Essayer, en tout cas.» Matthias fit un pas en direction de l'institutrice. Il lui semblait qu'il la dominait de toute sa hauteur, et qu'elle perdait quelques centimètres à chaque pas qu'il faisait en sa direction. « Utilise tes poings et tes pieds si ça te chante, mais attaque. C'est le seul ordre que je te donnerai. » Qu'il déclara, faisant un signe en sa direction pour qu'elle engage un pseudo combat. Il allait sans dire qu'il la contrerait aisément ; les réactions des personnes non-entraînées étaient prévisibles. Le manque de rapidité de Catahleen fut un élément supplémentaire qui lui permit d'anticiper et de contrer l'institutrice. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, il s'était emparé de ses deux poignets, l'avait retournée de façon à la coller contre lui, et avait glissé un de ses bras sous son cou. En situation de crise, il aurait exercé une violente pression sur ses voies respiratoires, l'empêchant ainsi de respirer. « Dis-moi si je te fais mal. » Qu'il souffla à l'intention de l'institutrice, avant de relever les yeux vers l'audience qui lui faisait face. « Comme vous le voyez, votre collègue est... » Comment dire ? Bloquée ? Piégée ? Faite comme un rat ? Matthias ne souhaitait pas que quelques ricanements moqueurs ne s'élèvent de l'assemblée. « Sous mon emprise. » Les poignets de Catahleen toujours aussi fermement enserrés par sa poigne, Matthias débita des paroles qu'il avait apprises par cœur pour l'occasion. « L'important est de pouvoir maîtriser physiquement votre agresseur. » Matthias savait que la maîtrise des bras était un élément essentiel. Un tireur, s'il n'a plus la pleine possession de ses membres supérieurs, est foutu. « Voici les quelques gestes à effectuer. » Il libéra la Hammersmith de son étreinte, et recommença ce qu'il lui avait fait auparavant avec une lenteur qu'il trouvait exaspérante. Sauf qu'il était ici pour enseigner, et non pas pour prouver qu'il était un crack. Alors il se pliait aux exigences délirantes de ses supérieurs. « Essaye de te dégager. » Dit-il à voix haute, tout en sachant pertinemment qu'elle ne pourrait pas le faire plier. Trop de technique, trop de force, trop d'avance sur elle.

« Il n'y a pas de raison. » Tenta-t-il de la rassurer. Mais il pouvait comprendre ses réticences : difficile de se lancer dans une telle entreprise, quand on sait que la personne qui vous fait face pourrait vous mettre KO en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. « Tape avec le bas de ta paume. » Conseilla-t-il, posant son index sur la main de Catahleen, à l'endroit précis qu'il désignait. Matthias décida, très généreusement, de préserver les doigts fragiles de l'institutrice. « Vas-y. » Finit-il par dire, se préparant mentalement à contrecarrer le coup qui n'allait pas tarder à le heurter. Ou pas, en réalité. Il savait qu'il n'aurait aucune difficulté avec son élève, mais n'imaginait pas que son manque d'assurance l'empêcherait de l'atteindre – il avait été trop rapide pour la contrer. Elle était désormais bloquée au creux de ses bras puissants, et n'avait aucun moyen de s'en échapper. Matthias, grand prince, s'assura que sa prisonnière se portait bien et pouvait toujours respirer. Il dispensa ses quelques conseils au reste de l'audience, et laissa même échapper un léger ricanement lorsque Catahleen s'annonça mourante au reste de l'assemblée. « Je t'assure que tu sortiras d'ici vivante, et sans aucun membre cassé. » Ce qui ne serait peut-être pas le cas de tout le monde, pensa-t-il en posant son regard sur le collègue de l'institutrice, qui s'était moqué d'elle quelques secondes plus tôt. Il desserra son étreinte, la laissa sortir, et répéta l'opération plus lentement afin que chacun puisse profiter du spectacle. Puis il ordonna à sa proie d'essayer de se dégager – espérant que celle-ci ferait preuve d'un peu d'imagination. « Trouve un moyen. Tous les coups sont bons. » Déclara-t-il en haussant les épaules. Il savait pertinemment qu'il s'en sortirait face à ce petit gabarit qui n'avait aucune expérience. « Essaye. » L'encouragea-t-il, inclinant légèrement la tête vers elle pour l'inciter à faire un geste. Elle tenta l'impossible, mais capitula rapidement. Trop rapidement au goût du soldat, qui n'avait jamais envisagé de se soumettre. Conditionné par l'armée diraient certains ; fou diraient d'autres. Matthias, lui, préférait considérer qu'il s'agissait de loyauté et de courage. « Ce n'est pas une question de force. » Corrigea-t-il, avant de préciser ses propos. « Enfin, pas uniquement. » Inutile de le nier : il était évident qu'une armoire à glace telle que lui partait avec plus de chance que n'importe quel professeur ici présent. Et il ne tarderait pas à en faire la démonstration à l'ensemble, histoire de convaincre les plus sceptiques. « C'est aussi une question de savoir et d'entraînement. » Qu'il déclara, avant de libérer son élève de son emprise. « Si l'agression est frontale, il existe une technique infaillible. » Il se mit de profil par rapport à l'assemblée, et invita sa victime à en faire tout autant. « Evitez les coups de pied ou de genou. » Conseilla-t-il. « Si vous avez affaire à un agresseur rapide ou réactif, il peut s'emparer de votre pied. » Et faire de vos prochaines minutes un cauchemar éveillé. « Vous serez déstabilisé, et votre agresseur aura le pouvoir. Ce que vous devez éviter, évidemment. » Parfois, une confrontation ne tient à rien. « Si vous êtes face à votre agresseur, donnez-lui un bon coup de pied, de côté, dans le genou. » Le genou est un membre fragile du corps, et essentiel. Un genou blessé est un handicap certain, même pour les plus chevronnés. « Un coup de pied bien placé dans le genou peut le déboîter, voire le casser. Ce qui vous donnera un ascendant certain, et pourrait vous tirer d'un mauvais pas. » Il s'exécuta, en prenant soin de ne pas toucher le genou de Catahleen. Hors de question que l'âme courageuse ne subisse un assaut cruel et mesquin. « Je crois que j'en ai fini avec vous. » Dit-il, après quelques secondes de silence. « L'heure suivante, vous aurez une nouvelle séance de mise en pratique avec un de mes collègues. » Déclara-t-il, soulagé que cette séance d'entraînement prenne fin. Ou presque. Il lui restait une dernière chose à faire. « Néanmoins, avant de vous laisser partir, j'avais un dernier conseil à vous prodiguer. » Fit-il remarquer. Il congédia poliment Catahleen, qui avait su tenir son rôle d'élève sans moufter. Respect, quand on savait à quel genre de professeur elle avait eu affaire. « Merci. » Dit-il en hochant la tête. Il attendit qu'elle descende de l'estrade et qu'elle se replace au fond de la salle pour appeler quelqu'un d'autre au centre. « Toi. » Dit-il en pointant du doigt le professeur qui s'était moqué de sa collègue. Le désigné prit un air surpris, presque offensé. Matthias sentit un léger sourire glisser sur ses lèvres, tandis qu'il affirmait son choix. Il attendit que le professeur se déplace pour venir le retrouver. « En quoi puis-je vous être utile ? » Demanda-t-il, faisant preuve d'une pseudo assurance que Matthias se ferait un plaisir de réduire à néant. Le soldat ricana légèrement, et secoua la tête. Un pauvre mec, voilà quelle était l'opinion qu'il avait de celui qui lui faisait face. « Ma fin de leçon. » Répondit Matthias, un brin énigmatique. « Ne jamais sous-estimer son adversaire, au risque de tomber sur plus fort ou plus malin que soi. » Il ne fallut pas plus de temps à Matthias pour s'emparer du bras du professeur, qu'il fit ensuite passer par dessus son épaule. Il s'écrasa lourdement sur le sol, et Matthias mit un genou à terre pour s'adresser à lui, alors que ses mains le maintenait au sol. « Alors, on a toujours envie de se moquer de ses petits camarades, maintenant qu'on s'est fait humilier comme jamais ? » Matthias était quelqu'un de droit et d'honnête. Il n'aimait pas que l'on s'attaque à plus faible. Il n'aimait pas que l'on se moque du courage d'autrui. Et il détestait que les hommes s'attaquent aux femmes. « Apprends de tes erreurs. » Lâcha-t-il froidement, rendant à l'instituteur sa liberté. Il décampa sans demander son reste. « Des questions ? » Demanda-t-il, jetant un dernier regard sur l'assemblée.

« Pour ? » Demanda-t-il en fronçant légèrement les sourcils, surpris. Il ne comprenait pas franchement l'attitude de son élève d'un jour. Matthias n'était pas stupide : il savait pertinemment que Catahleen n'avait que guère apprécié sa posture d'infériorité. Il ne doutait pas un seul instant qu'elle n'avait pas non plus aimé servir de cobaye. Alors malgré toute sa bonne volonté, le soldat ne comprenait pas comment cette femme pouvait venir le remercier. Il fronça les sourcils, d'abord sceptique, puis finit par se détendre. « C'était voulu. » Affirma-t-il, balayant en deux mots les potentiels doutes de son élève. Il haussa les épaules, cherchant à masquer la pointe de malaise qu'il sentait grandir au plus profond de lui-même. Le Dupont de Calendre n'était pas du genre à s'étendre sur ses exploits ou ses valeurs morales. Il était un homme de l'ombre, et cela lui convenait parfaitement. Mais il fit une maigre exception, histoire de justifier son comportement. « Ecoute, je l'ai fait parce que je n'aime pas ce genre de gars. Je n'aime pas les types qui se croient tout permis et qui se pensent plus fort et plus malins que tout le monde. Et par dessus le marché, j'exècre les gars qui se croient supérieurs aux femmes sous prétexte qu'ils sont des représentants du sexe fort. » Dit-il, prenant soin de mettre entre guillemets l'expression sexe fort. Il tenait sa mère en haute estime, et avait vécu avec sa sœur pendant de longs mois. Il savait donc mieux que quiconque que les femmes étaient bien plus fortes et bien plus courageuses que les hommes, pour la plupart. « M'enfin pour en revenir à notre cas... J'ose espérer qu'il est calmé pour un petit moment. » Et si jamais ce n'était pas le cas, le soldat se ferait un plaisir de venir lui remettre une râclée mémorable. Oh, bien sur, il la jouerait plus finement – et avec moins de témoins, si possible. Il le provoquerait, et lui mettrait ensuite la misère. Mais le soldat doutait franchement des prochains agissements de l'instituteur. « Nulle n'est pas le mot. » Fit-il remarquer en haussant les épaules. Matthias n'était peut-être pas le meilleur des pédagogues, mais il savait néanmoins une chose : avec un peu d'entraînement, rien n'était impossible. « Inexpérimentée. Voilà à quel stade tu en es. » Une élève à former, voilà ce qu'elle était. Le soldat se montrait honnête, tout en rangeant le reste de ses affaires. Discuter avec sa proie éphémère ne lui était pas désagréable. « Tu ne m'importunes pas. » Déclara-t-il en haussant les épaules. Il n'était pas particulièrement doué dans ses relations sociales – il était trop difficile à cerner, trop difficile à percer à jour, trop difficile à amadouer. « Il est souvent en retard. » Précisa-t-il en désignant d'un coup de menton l'extérieur de la pièce, parlant bien évidemment de son collègue. « Mais il n'est pas méchant. » Ajouta-t-il, sous-entendant que son cours à lui se passerait bien mieux et bien plus paisiblement que le sien. Là-bas, Catahleen pouvait être sure d'être tranquille. « Je ne pense pas revenir. » Avoua-t-il en souriant légèrement, jouant avec l'institutrice la carte de l'honnêteté. Entre autre parce qu'il n'était pas friand de ces après-midi babysitting, mais pas seulement : « Mes supérieurs ne seront sans doute pas ravis des échos qu'ils vont avoir de cette journée. » Parce que Matthias n'était pas naïf : il était évident que, tôt ou tard, ses supérieurs auraient vent de ses exploits chevaleresques. Il était sur la sellette, et il le savait parfaitement. Néanmoins, et malgré son statut précaire, Matthias ne pouvait rester insensible et indifférent à ce qui se déroulait sous ses yeux. Il avait un tempérament de feu, et détestait les injustices. C'était précisément ce qui avait fait de lui un électron libre, qu'on surveillait de près. « Et puis je pense que tu as compris que je n'étais pas franchement pédagogue, ni du genre à jouer au babysitter. » Murmura-t-il, presque amusé par la situation. Sa patience était vite éprouvée. Son manque de compassion ne jouait pas en sa faveur. Et faire des choses inutiles et inintéressantes pour sa propre carrière le gonflait au plus haut point. « Mais je suis sincèrement touché par ta démarche. » Ajouta-t-il, remerciant à sa façon son élève éphémère. S'il avait longuement douté de l'utilité de sa présence au cours de l'après-midi, il savait désormais deux choses : la première, un enseignant avait pu bénéficier d'une bonne leçon, et la seconde, une élève s'était montrée réceptive. En fin de compte, peut-être que ces heures supplémentaires ne seraient pas totalement inutiles. « Bon courage pour la suite. » Dit-il sincèrement. « Et si jamais tu as besoin... » Il laissa sa phrase en suspens, ne sachant comment la terminer. Il était là, tapi dans l'ombre, prêt à agir si cela se révélait être nécessaire. En tant que militaire, mais aussi en tant qu'homme avec un sens moral aigu et des devoirs qu'il se faisait un point d'honneur à respecter. Voilà ce que cette petite phrase signifiait. « Bonne continuation, Catahleen. » Murmura-t-il avec une grande sincérité.