the great escape
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lonesome travelers (holden)

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MessageSujet: lonesome travelers (holden) lonesome travelers (holden) EmptyMer 1 Avr - 21:55

"I believe a strong woman may be stronger than a man,
particularly if she happens to have love in her heart.
I guess a loving woman is indestructible."

New-York est sublime. Ce soir, elle a une robe de lumières, un visage en ciel, une bouche en petite perles jaunes de taxis et un nez édifié de buildings. Elle grogne une chanson et les voitures, toutes en choeur, ronronnent sur l'appel paisible de la ville. Lola goûte chacun de ses bruissements, chacun des bruits qui courent contre son oreille, lui déposent une caresse bruyante sur le tympan. Dans son petit appartement, Lola a souligné ses yeux d'une virgule noire et est monté sur le toit. D'en haut, elle a admiré a frénésie enivrante de sa ville, le firmament grignoté de grattes-ciel, la danse rectiligne des autos qui filent sur la bande grise de béton. Môme émerveillée, la moindre complainte bourdonnée de la grosse pomme la fait frémir. Le frisson délicieux qui grimpe le long de son dos a été fidèle compagnon de ses premiers jours. Sa terre promise ne savait la lasser. Lola était descendue du toit et puis Lola était partie dans les rues. Les rues bondées, les rues chantantes, les rues drapées de la rengaine de New-York, orchestre de milliers de bruits inextricables. Son ailleurs trouvé, Lola découvrait le plaisir subtil de la vie bohème. Dans son eden, elle vécut une semaine superbe. Et puis, ce mardi-là, Lola se souvint. Elle marchait dans une rue dont elle était incapable de donner le nom, la foule l'avalant comme un océan, son regard avait buté sur un entête. Les lettres noires d'un cinéma old school, suspendues comme des évidences, lui avaient sauté au visage. Elle était remontée trois ans en arrière, dans une de ces dernières soirées offertes par un temps avare, sous un ciel enflammé du crépuscule, la musique lancinante du jazz comme un susurrement, son visage qui trempait dans le vent des dernières heures de jours. Et là, la main chaude et forte grimpa le long de son épaule, sur sa peau nue. La main d'Holden. Et, debout dans cette rue de cette New-York qui lui plaisait tant, son visage lui revint, bondit dans sa mémoire, portrait de l'Homme. Traits, coups de crayons sur l'ovale miel de son visage sublimé de ses mimiques, du sérieux de ses expressions, du timbre grave de sa voix. Entité indomptable, rage folle de l'amour, maladie émiettée par ces lettres noires d'un cinéma  dont elle avait déjà vu le film avec Holden, graines d'obsession semées dans cet esprit purifié. Poison, oui. Tous ses souvenirs s'étaient envenimés, pourpres de l'insolent rayonnement de la douleur. Soudainement, Lola s'était souvenue de ce pourquoi elle était là. Alors ce soir, Lola souligne ses yeux de noir et elle part dans sa ville. Elle marche jusqu'à la porte noire d'un immeuble de l'Upper East Side. En route, elle a acheté un paquet de cigarettes, le premier depuis deux années de service auprès de l'étiquette, sorte d'éternelle insatisfaite, mère aigrie qui lui avait pourri la jeunesse avec ardeur et application. Elle s'asseoit sur les marches du pavillon. Sort de sa poche le zippo que lui avait donné Holden, un soir. Son doigt caresse le métal argenté qui lui renvoie un reflet déformé de son visage. Son doigt roule sur la petite roue crantée, la flamme sort. Lola a un goût âcre dans la bouche. La flamme danse au bout du briquet, Lola agite son bras, la petite goutte de lumière vacille, résiste. Elle coince une clope entre ses lèvres roses, approche la cigarette de la flamme. Le bout s'embrase. Elle tire une longue bouffée de nicotine, recrache une longue courbe grise qui ondule à son tour, danseuse sylphide et sensuelle. Elle savoure quand il arrive. Assise en tailleur sous le ciel en feu, elle fume en silence quand il arrive. Lola n'a pas prévu son discours. Qu'est-ce qu'on doit dire à l'homme pour qui on a abandonné études et famille ? Lola ne savait pas. Lola est belle dans cette lumière. Et Lola est toujours jolie quand Holden s'asseoit à côté d'elle, sans briser ce silence tâché des expirations fumeuses de l'enfant feu-follet. Elle laisse le silence se prolonger avec délice. Elle sait qu'à l'heure des au revoirs, ces minutes n'auront plus de prix. « C'est marrant, qu'elle commence, je suis passée devant un cinéma qui passait Drôle de Drame. C'est un film français, je crois. On l'avait vu dans une ville du Minnesota. Et j'ai réalisé que j'avais pas la moindre idée de ce que ce film raconte. Je me souviens juste de cette discussion qu'on avait eu. Sur la place de la femme dans le cinéma, je crois. » elle se souvient de la nuit d'après, aussi. Cette nuit où il l'avait embrassé devant la fenêtre d'un motel qui donnait sur la silhouette de la ville noyée par la nuit. Cette nuit où il lui avait demandé de ne pas repartir. Elle lève ses yeux vers lui, laisse sa clope se consumer entre ses doigts, fixe l'encre qui se répand dans le ciel, chasse les miettes de jour de sa coulée sombre. Et là, devant l'immeuble où il habitait, qu'elle avait mis des jours à trouver, devant la nuit qui tombait sur eux, protectrice de leur amour, Lola donnerait tout pour l'embrasser. Jeune femme sarcastique, pleine de ce réalisme teinté d'humour, joliesse érudite et insolente, toute offerte à lui. Créée par lui et pour lui. « Tu te demandes ce que je fous là, hein ? » qu'elle décrète en laissant le cadavre de sa cigarette tomber sur le trottoir. « Pour tout te dire, je sais pas exactement moi-même, tu vois. » elle a un petit rire mi-triste mi-sarcastique, hausse les épaules en se concentrant de nouveau sur le ciel. « J'adore New-York, c'est... beau. Le seul problème, tu vois, c'est qu'il y a des miettes de toi à chaque coin de rue. » elle a ce nouveau rire, se tourne vers lui, toujours maîtresse d'un elle-même sur qui elle maintient difficilement le contrôle. Il est si prêt, son homme, simplement coincé dans un costume qui lui sied moins bien que son torse nu sous la lune. « Enfin, j'appelle ça problème mais, elle marque une légère pause, sans trop savoir ce qu'elle doit dire ou non, ... je crois que j'ai pas envie de t'oublier. » Lola sourit dans l'ombre qui les bouffe peu à peu. Il rentrait simplement chez lui et il trouve une femme sur ses marches, pensa-t-elle. Drôle de cadeau. Elle se tourne de nouveau vers lui. « Tu m'embrasserais ? Je veux dire... si t'étais pas fils de ce gars-là, pas dans ce costume là maintenant tout de suite, tu m'embrasserais ? » nouveau regard jeté au firmament doucement coloré par l'obscurité. « J'ai juste envie de me souvenir. Ce que ça faisait, avant. J'essaie de... substituer ce moment. Comme ça, si tu me réponds oui, je pourrais revivre ce que ça faisait à l'intérieur de moi, les frissons, tes lèvres... tout ça. Comme ça, je pourrais retrouver un peu d'avant ici et maintenant. » Alors là, sous la lune, Holden sera le plus beau des hommes et elle, elle sera la plus belle des femmes, parce qu'elle vivra, ne serait-ce qu'un instant, la passion et la folie au plus profond d'elle. Même si c'est juste pour instant, juste pour une minuscule seconde de relâchement, où la tête en arrière, elle sentir la chaleur de son étreinte imaginaire, Lola pourra goûter à un ensemble parfait, à l'intemporel et inchangeable extase de ses sentiments, et tout son corps ne sera plus qu'amour. Pour eux. Pour lui.
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MessageSujet: Re: lonesome travelers (holden) lonesome travelers (holden) EmptyDim 5 Avr - 0:26

Honey, you're familiar like my mirror years ago,
idealism sits in prison, chivalry fell on its sword,
Innocence died screaming, honey, ask me I should know,
I slithered here from Eden just to sit outside your door.

Il est beau, Holden. Beau comme un prince dans son costume Armani sur mesure à plus de 3000 dollars. Il ne sait pas, il n'a pas compté, il s'est contenté de donner sa carte de crédit, on a hoché la tête pour remercier Monsieur Carlisle et on lui a tendu un grand paquet contenant le costume. Il le réserve pour le lendemain, et la perspective d'une nouvelle journée qui promet encore son lot de déceptions. Deuxième rendez-vous avec les actionnaires, le board réuni en entier qui jaugera une nouvelle fois de sa capacité à prendre la gouvernance d'une entreprise aussi puissante que Carlisle Telecoms. Sa tête, d'ordinaire si prompte à s'éparpiller d'un tout et d'un rien, ne fait que penser à ça. Les chiffres, les arguments, les excuses, les promesses. Son discours a été raturé, encore et encore, jusqu'au mot, à la virgule près. Son manque d'expérience le dessert. Que pourrait-il dire, pour paraître crédible ? Que peut-il se vanter d'avoir accompli, en vingt-quatre ans d'existence ? J'ai pris la route un beau matin de juin, à la Nouvelle-Orléans, et pendant deux ans j'ai oublié que le monde ne se résumait pas qu'à ça. Que quelque chose d'autre, de plus grand m'attendait. J'ai rêvé, j'ai aimé, j'ai ri, j'ai pleuré, et vous voyez, tout ce que vous me dites, je m'en fous. Vous pensez que j'ai pas la carrure pour le poste ? Vous savez quoi, vous avez raison. Je l'ai pas. Un sourire carnassier s'étale sur ses lèvres en songeant combien ce serait jouissif de pouvoir leur dire ça. De les envoyer se faire foutre, et advienne que pourra. Mais Holden est homme de parole, homme d'honneur, ne faillit pas aux promesses qu'il fait. C'est pour son père, qu'il le fait. Pour être enfin le bon fils, le fils dont il sera fier sur son lit de mort, auquel il pensera en rendant un dernier souffle agonisant en se disant qu'il est enfin devenu un homme. Il se raccroche à cette unique pensée pour tenir, avancer, affronter les regards jugeurs qui ne manqueront pas de le descendre à la première occasion. Il s'aide des meilleurs arguments : l'argent, encore et toujours l'argent. Qui met en confiance, qui rassure, qui fait se sentir puissant, indestructible même. Avec son costume hors de prix, ses Berlutti, sa Rolex en argent au poignet, il affichera une confiance qu'il n'a jamais possédée, endossera une nouvelle fois le rôle de sa vie. Holden se sent stupide. Comme si le fric pouvait acheter la moindre crédibilité. Au moment même où seront évoqués les chutes successives de l'action Carlisle Telecoms en Bourse, il en sera fini de lui. Un plaisir malsain se réveille quelque part dans son esprit, quand il réalise combien l'envie de le faire exprès est pressante. Combien elle l'obsède, quand il se réveille le matin, Thelma à côté de lui. L'envie de foirer, volontairement, pour donner raison à tout le monde d'abord, pour retrouver sa liberté ensuite. Sa liberté qui porte le goût des lèvres de Lola, qui continue d'hanter ses pensées. Il la cherche, entre les cuisses d'autres femmes auxquelles il assène des coups de rein marqués du sceau du désespoir. Il la cherche, dans les souffles rauques, dans les caresses, dans les baisers qui manquent de sincérité. Il la cherche tout le temps, sans arrêt, et personne ne réussit à la lui faire oublier, même pas un peu. Elle le hante, elle le hante depuis quatre ans, depuis qu'il a croisé pour la première fois son regard espiègle et provocateur. Elle le hante, et quoi qu'il fasse, son souvenir est douloureusement imprégné dans son esprit. Toutes les autres lui semblent fades, et ne lui apportent qu'un semblant d'abandon, falsifié, faussement amplifié pour y croire un peu. Il l'oubliera, qu'il se dit. Il l'oubliera, et dans dix ans, vingt ans, peut-être trente ans, il repensera à elle comme on repense à un amour de jeunesse : avec un sourire nostalgique mais sans le moindre regret. Holden rentre chez lui avec l'air du condamné à mort. Dieu seul sait où sera Thelma ce soir, Thelma qui vit sa vie comme bon lui semble, sans jamais lui demander son accord. Elle a raison de le faire. Thelma est facile à vivre, plus qu'il ne l'aurait cru. Parfois, il lit le doute dans son regard, et il sait que ce qu'il lui demande est injuste. Donner l'impression d'avoir tout, mais n'avoir rien. Rien de concret, rien de tangible, pas de je t'aime, pas de promesses, pas de couple. Ils sont l'image parfaite, mais factice. Tout est factice, avec lui, depuis qu'il est rentré. Tout, sauf la silhouette blonde assise sur les marches, qui lui semble être son premier contact avec la réalité depuis des semaines. Elle vient d'allumer une cigarette qu'elle fait danser entre ses lèvres, un geste qu'il avait l'habitude de la voir faire, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Dans sa voiture, à l'extérieur, dans une chambre, habillée, nue, au coucher du soleil, au coucher de la lune. Ce geste, qu'il lui rattache inévitablement, ode à la désinvolture qu'elle a fait sienne. Il ne lui demandera pas ce qu'elle fait là. Il le sait bien, ce qu'elle fait là. Elle vient le voir, peut-être pour insuffler un peu de folie dans un esprit qui ne demande que ça. Sans rien dire, il s'assied à côté d'elle, tire une clope de son propre paquet. Elle grésille lorsqu'il l'allume et l'espace d'une demi-seconde, il a l'impression d'être de retour au milieu de nulle part. Mais le trafic dans la rue ne trompe personne et lui rappelle qu'ici, il n'est pas nulle part, pas plus qu'il n'est libre de le croire. Lola prend la parole et il l'écoute sans prêter vraiment attention. Elle parle d'un film, lui se souvient de ce qu'ils ont fait après. Ils ont parlé, pendant des heures, c'est ce qu'ils faisaient de mieux, parler. Quand ils ne faisaient pas l'amour ou qu'ils ne se déchiraient pas. Ils parlaient, de tout et de rien, de ce qu'ils avaient vu, de ce qu'ils allaient voir, du passé, du futur, parfois du présent. Il se contente de tirer sur sa cigarette, dont les cendres menacent dangereusement d'abimer sa chemise, pendant que Lola parle. Elle ne l'a pas fait, tout le temps qu'ils étaient à Berkeley, elle ne l'a pas fait. Lola a toujours su choisir ses moments. Toujours quand elle le voulait, jamais quand lui le voulait. Il avait toujours admiré cette capacité qu'elle avait à n'en faire qu'à sa tête. Il l'enviait, la jalousait secrètement. Aujourd'hui, il est plus las qu'envieux. Elle lui demande s'il l'embrasserait, là tout de suite. Lui voudrait lui dire qu'il n'a demandé que ça, pendant les deux ans qui les ont séparé. Il n'a demandé que ça, mais elle n'a rien voulu entendre. Encore une fois, Lola, incarnation de la liberté, a choisi de n'en faire qu'à sa tête. Il garde le silence quelques secondes de plus avant d'enfin répondre. « Oui. » C'est un oui ferme et franc, qui ne saurait être remis en question. C'est la réponse la plus sincère qu'il a à lui donner. Oui, il l'embrasserait, là, maintenant, et pendant des heures. Pendant des jours, des mois, des années, toute la vie même. Il l'embrasserait jusqu'à en faire saigner ses lèvres, jusqu'à en asphyxier ses poumons, à en faire crever son cœur. Il veut qu'elle se rappelle ce que ça fait, de sentir le goût de passion de leurs baisers. Qu'elle se rappelle comment elle se sentait, à l'époque, quand il capturait sa bouche avec fièvre et qu'il en faisait vibrer son corps. Qu'elle se rappelle ce que ça faisait, de se sentir aimée et désirée. Qu'elle se rappelle de tout ça, pour que ça lui fasse encore plus mal quand elle réalisera qu'elle ne le vivra plus jamais. « Je veux que tu te rappelles de comment t'étais avant. De comment on était tous les deux. Et j'espère que ça te fera souffrir, de t'en rappeler. Tu m'as rendu malade d'aimer pendant deux ans, chacun son tour. Alors oui, je t'embrasserais. Mais uniquement si ça pouvait te faire mal. » Holden, le garçon de la route, n'existe plus. A la place, c'est l'homme fier et conquérant qui se tient devant elle, dont la plaie béante dans la poitrine se rouvre un peu plus à chaque seconde qu'il passe en présence de Lola. Sa Lola. Belle, farouche et indépendante Lola, à laquelle il ne goûtera plus jamais. « Fallait te décider avant. Maintenant c'est trop tard. Et pourtant je t'aime, Lola. Je t'aime encore un peu plus chaque jour, et c'est autant un supplice qu'une délivrance, de t'aimer à ce point. Mais y a pas de place pour toi dans ma vie, plus maintenant. »
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MessageSujet: Re: lonesome travelers (holden) lonesome travelers (holden) EmptyDim 12 Avr - 19:24

J'embrasse et je regarde la photo de ton visage
comme si je voyais pour la première fois la plage

polaroïd, granville

Les grandes mains souples du vent secouent ses cheveux. Le blond de ses mèches dore sous le soleil mourant. A cet instant précis, rien ne lui paraît plus stupide que d'être tombée amoureuse d'Holden Carlisle. Lola écrit mentalement son nom à l'encre, prend un pan de son esprit et le tâche de son prénom et de son nom de famille. Carlisle. Elle n'avait jamais considéré ces huit lettres entièrement. En fait, Lola n'avait jamais attaché de nom de famille au prénom d'Holden. C'était Holden dans la nuit, Holden sous le jour, Holden dans ses bras, Holden sous ses lèvres, Holden tout court. Et voilà qu'elle s'amuse à faire rouler un nouveau pseudonyme sur sa langue. Monsieur Carlisle. Dans sa bouche, les syllabes pèsent des tonnes, lui brûlent la peau, lui écorchent les gencives. Ces deux mots n'ont pas de goût, si ce n'est l'amertume de leur austérité. Ces deux mots n'ont pas de couleur, si ce n'est le gris de leur costume. Ces deux-mots n'ont pas de chant, si ce n'est le claquement sourd de leur prononciation. Que c'est laid, Monsieur Carlisle. Comme c'était joli, Holden. Combien de fois Lola a-t-elle dit ce prénom ? Prononcé, murmuré, soupiré, crié, sifflé, hurlé, râlé, marmonné, chuchoté, chanté, n'importe comment et n'importe où, Holden était le plus beau des mots. Ode à la liberté, refrain fugace qui court le long de votre oreille, l'appel chuchoté depuis le firmament, qui vous emporte et vous séduit du bout de ses sons. C'était ce nom-là qui s'échappait de ses lèvres quand celles de Mr. Carlisle glissaient dans son cou. Holden, ça avait le parfum de la nature, de la broussaille bordée de rosée, du sucre, des fleurs qui bourgoennent, de la sueur perlée sur la peau caramel, du jus sucré de la pêche coupée en deux. Holden, ça avait la couleur vaillante et rouge de la flamme victorieuse d'un briquet, du rose embrasé d'un crépuscule, de la déchirure pâle d'un éclair dans la nuit. Holden, ça avait le son des roues du van contre la poussière ocre du sol, le chant de sa voix rauque qui s'en va par delà les collines, du rock enragé qui lézarde le silence. Holden, ça avait le goût de la vie, du tourbillon argenté de l'espérance, un goût de miel et de questions. Lourdeur, lourdeur. Poids des souvenirs, arnaché à son petit dos de fille maigre. Lola se souvient et tire une taffe sur sa cigarette pour oublier les saveurs et les odeurs qui lui retournent le coeur. Qu'est-ce qu'elle devrait dire, Lola ? Elle sait pas. Elle doit s'effacer, ou pas ? Disparaître, mangée par la danse des passants. Elle doit continuer d'essayer, ou pas ? Être luciole dans les ténèbres de la foule. Elle ne sait pas, vraiment pas. Elle attend qu'il parle, simplement. Elle a peur qu'il parte, douloureusement. Le monde la glace, le monde est moche et flou, Holden est beau et possède au creux de sa paume toutes les couleurs de son arc-en-ciel. Il dit oui. Elle sourit. Il l'embrasserait, s'il n'était pas. N'était pas Monsieur Carlisle, n'était pas le gris dilué d'un ciel d'automne, n'était pas voilé de douleur autant que sa peau l'était de tissu. Lola croit sentir poindre la renaissance, la possibilité. Aurait-elle été trop pessimiste ? Et puis les autres phrases tombent, les mots s'égrènent contre sa peau, la gifle verbale terrasse le rayonnement tiède d'optimisme. Lola ne sait pas quelle réaction adopter. Elle pourrait pleurer, rire aux éclats, gueuler jusqu'à l'épuisement, elle est transcendée du passage furieux de millions d'émotions qui cognent contre sa cage thoracique. Merde, merde, merde, putain. Dans sa galaxie, Lola pose une main blanche sur son coeur. Le ciel est violet, la lune or. De sa peau coule un sang argenté qui lui tâche les doigts. Un sang poisseux de larmes couleur miel, versées depuis la falaise de ses yeux. Dans sa galaxie de couleurs folles, Lola assiste au doux spectacle de sa descente aux enfers. Sa cage thoracique s'ouvre en deux, d'une coupure propre et droite. Lola attrape son coeur avec ses mains et le pose devant elle. Son palpitant d'argent ressemble à une boîte à musique cabossée qui bute toujours sur le même morceau. Lola récupère son coeur musique, le lance sur Holden, statue au profil découpé net dans le marbre de sa peau. Ils se heurtent en poussière de papillons. Dans une réalité malade, le ciel est noir nuit et Lola immobile, entière, un coeur silence pompant du sang rouge. « C'est trop tard ? C'est tout ? C'est ton seul argument ? J'ai râté le train Holden Carlisle, le quai est vide, les rails déserts, c'est ça ? Lola lâche un petit rire, moineau aux ailes brisé englouti par le chant de New-York. Tu sais bien que je prend les trains en route, et sans payer mon ticket, Holden. » Lola se cramponne à des miettes d'espoir qui lui filent entre les doigts. Ses espoirs sont de gros lampions de papier qui brillent haut dans le ciel, trop loin pour que ses mains puissent les ramener à elle. Lola regarde voler ses espérances, sereines, loin d'elle et d'un enfer terrestre plein de gens qui ne sont pas lui, lui qui fuit sans bouger. Faute de pouvoir se raccrocher à des espoirs, elle se raccroche à des fragments de temps. De sa boîte à mémoires, elle sort mille et un trésors qu'elle embrasse, qu'elle punaise dans son esprit, comme un polaroïd fidèlement accroché à un mur. Oui, ça fait mal. « T'as raison, ça fait un mal de chien de se souvenir. » Crève-coeur. « En tout cas si c'est ce que t'attends, j'ai mal, là. » elle se tourne vers lui, lui lâche un grand sourire ravi. Folie semée doucement dans son esprit, Lola perd la raison, se tourne vers les masques de fer pour garder contenance. Ne pas pleurer, ne pas pleurer. Sa cigarette finie, Lola constate que cette douleur valait encore mieux qu'une vie passive. Tant pis. Lola se lève, sombre mais éclairée d'une étincelle de détermination humide au coin de l'oeil. Lola s'est regardée dans le miroir tout à l'heure. Lola est maigre comme un clou, mais ses tout petits kilos, Lola les posent sur Holden. A califourchon sur l'homme d'une nuit, d'une vie, Lola pose ses lèvres contre celles d'Holden. Dans cet unique baiser, elle laisse aller toute le désir qu'elle a gardé secret, retranché dans un coin de ses entrailles, des années. Tout ce qu'elle a à donner, elle le lui donne. Et puis, au terme de cette brèche d'amour, elle mord un coup dans la lèvre inférieure de ce qui aurait dut être le garçon de la route. Lola recule son visage, laisse tomber ses deux grands yeux soulignés de noir sur sa bouche. Une grosse goutte de sang rouge perle sur sa lèvre en même temps que deux grosses larmes perlent au coin des yeux de Lola. Elle se relève digne, les yeux luisant. « Ça te fera jamais aussi mal que ce qui me crève le ventre, mais j'espère t'avoir donné un bel échantillon. » qu'elle grogne en ignorant la larme, cristal rond, qui court sur sa joue. Elle ne se rassied pas, reste debout sur les marches, lui lance un regard torve. « Je suis désolée pour ces deux ans-là, pour mon départ, pour tout. Je suis là, maintenant. Je suis là, je t'offre ma vie, mon avenir, tout. Merde, Holden ! J'ai tout laissé derrière, pour qu'on ait des vies... parallèles. Me dis pas de partir, me dis pas que j'ai pas de place ici. » colère, tristesse, la môme balance entre violence et abandon. Elle réprime un sanglot, porte une main à son visage, constate l'humidité des sillons tracés sur ses joues. Lola craque, s'effrite. « Je suis toute nue là, Holden. Je suis toute nue devant toi et si tu me dis de partir, je vais me noyer. » nouvelle larme. Elle finit par chuchoter. « Je vais me noyer, putain. »
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MessageSujet: Re: lonesome travelers (holden) lonesome travelers (holden) EmptySam 18 Avr - 15:31


I still remember how it ended. How the sadness tasted like you sometimes
and the darkness could swallow me whole. How I kept coughing up little
bits of regrets, never big enough to make any sense. How you were still
around, but never close enough to make it hurt any less.



Si sa vie n'est plus qu'une avancée dans l'inconnu et l'obscurité, il lui reste pourtant une seule et unique certitude. Il aime Lola. Lola, et ses quatre lettres qui roulent contre sa langue pour le faire frémir, Lola et ses cheveux blonds, l'espièglerie de son regard, Lola et la vague de souvenirs qu'elle projette dans son esprit simplement en apparaissant devant lui. Il l'a aimée à la seconde où il l'a rencontrée, mais n'en a jamais saisi l'essence, la substantifique moelle, jusqu'à ce qu'il la perde après deux ans à sillonner les routes. Leur couple était peut-être soumis à une date de péremption depuis longtemps dépassée, mais son amour pour elle, lui, n'a pas diminué en intensité avec le temps. Dire qu'il l'a dans la peau ne rendrait pas hommage à la façon dont elle s'est frayée son chemin en lui au rythme de coups de rein enfiévrés, à la façon dont il l'a faite sienne dès les premières heures et encore moins à la façon dont il voudrait la détester de tout son être sans jamais y parvenir vraiment. Pour Lola, Holden aurait tout sacrifié. Père, mère, idéaux, ambitions, peut-être même l'univers. Il a répété son nom à l'infini sur son carnet de route, à l'encre de son amour démesuré pour elle. Il s'y est accroché tout ce temps parce qu'il lui rappelait à lui seul tout ce qu'il espérait de la vie, l'amour et l'eau fraîche devenus finalement la distance et le poison insidieux longeant chacune de ses veines. Si ses traits restent impassibles, son cœur, lui, tressaute dans sa poitrine, s'agite, remue, l'appelle. En vain. Cet Holden-ci, celui qui parade dans des costumes à plusieurs milliers de dollars, n'écoute plus les cris désespérés de son cœur. Sa capacité à résister se réduit comme peau de chagrin mais il s'y accroche pourtant avec une énergie folle. Lola réplique, Lola tente de faire mal, mais ses mots ne font que glisser sur lui avec indolence. Son rire railleur s'échoue contre lui comme les vagues se fracassent contre les roches en ne faisant que les éroder. Holden est devenu l'insubmersible. Il toise froidement les deux prunelles noisette qui scintillent dans la nuit new yorkaise. Il lui semble y retrouver la même flamme qui dansait dans ses yeux quand il l'a rencontrée, emportant avec eux la promesse d'un infini sucré au parfum de miel. C'est comme ça qu'il l'aime le plus, sa Lola, quand elle le défie d'un regard flamboyant, qu'elle lui demande silencieusement de s'opposer à elle. Elle n'aime que les choses passionnées, il le sait bien. Calmement, Holden acquiesce. Oui, elle a raté le train. Et en temps normal, elle pourrait le rattraper en marche, comme il lui en laissait la possibilité toutes ces années, parce que c'était un train constant et inébranlable, dont la direction ne variait pas : il venait la retrouver elle, décrivait un cercle tout autour d'elle en espérant l'atteindre. Maintenant, son train s'ébranle à toute vitesse sur les rails d'une nouvelle trajectoire, une qui le laisse hors de sa portée. « C'est ça » confirme-t-il. « Ca te ressemble bien, ça, Lola. Pour une fois t'aurais peut-être du le prendre quand il était encore en gare, parce que celui-là tu pourras pas le rattraper. » Il répond avec un détachement qui ne lui ressemble pas et l'écoeure, sans pourtant pouvoir le contrôler. Le détachement, c'est sa solution miracle qui érige des remparts entre les gens et lui, entre les sentiments et la réalité, entre Lola et son cœur. Il lui fait mal ? Tant mieux. Après tout elle s'en foutait de lui faire du mal à lui. Elle n'a même pas tourné la tête vers lui une seule fois le jour où elle est partie. Elle s'est approchée de son bus, est montée dedans et l'a ignoré quand son cœur à lui saignait déjà de la voir s'éloigner. Ce n'est qu'un juste retour des choses. Du moins, c'est ce qu'il aimerait croire. Parce que la vérité, ce n'est pas qu'il cherche à lui faire mal. La vérité, c'est qu'il voudrait la prendre dans ses bras, l'embrasser, la porter jusqu'à chez lui et la garder captive de ses bras pendant toute une vie, mais qu'il ne le peut plus. Cette Lola-là ne rentre plus dans le cadre défini qu'est devenue son existence. Et ça, ça ne dépend pas de lui. « Lola, arrête » souffle-t-il dans un murmure audible d'elle et d'elle seule. Holden a menti, il l'embrasserait pour panser ses plaies plutôt que de les rouvrir. Il l'embrasserait pour lui rappeler l'époque bénie de l'insouciance, pour redevenir éternellement le garçon de la route, pour se retrouver lui et pour la retrouver elle. Et comme si elle le savait, elle vient demander son dû, s'empare de ses lèvres avec violence jusqu'à l'en faire littéralement saigner. Comme toujours, elle n'attend aucune autorisation, fait ce qu'elle a envie de faire en laissant une empreinte indélébile. Elle se détache aussi brusquement, il efface le sang du dos de la main sans pouvoir empêcher le goût métallique et amer d'envahir sa bouche. Lola prétend lui donner tout ce qu'il veut, avoir tout sacrifié pour lui et il meurt d'envie de lui rappeler que ce qu'elle fait, il l'a fait avant et en vain. Tout comme il voudrait lui rappeler qu'elle ment, qu'elle n'est pas à nu devant lui, qu'elle ne l'a jamais été. C'est elle qui contrôle tout, qui pose une grippe ferme sur son cœur et le serre jusqu'à l'en faire imploser. Il n'a jamais été qu'un pantin soumis à sa volonté, trop heureux de croire à l'illusion d'être aimé d'une telle femme. Parce qu'elle ne l'aime pas, pas vraiment, certainement pas autant que lui. Ce constat qu'il a si longtemps refoulé a fini par revenir le frapper de plein fouet, quand elle est venue à lui pendant la remise des diplômes. Deux longues années d'attente pendant lesquelles elle n'avait rien fait. Lui a remué ciel et terre pour elle, se pliant encore à son rôle dévolu d'amant éconduit. La satisfaction de la retrouver finalement, livrée à elle-même, prête à se noyer, aurait du faire naître chez lui une forme de satisfaction malsaine mais là encore il n'en est rien. Qu'importe, si elle ne l'aime pas comme on aime vraiment, qu'importe si c'est elle qui tient les rênes de leur amour et décide d'en faire ce qu'elle veut, la seule idée de la voir se décomposer sous ses yeux indifférents arrache un cœur depuis si longtemps à l'agonie hors de sa poitrine. Lola ne peut pas se noyer, pas tant qu'elle sera aimée de lui. En désaccord total avec ce qu'il s'efforce de devenir, il attrape la main de Lola pour l'obliger à revenir sur lui, avec le même empressement désespéré qu'elle. « Je te demande pas de partir. »  Il l'enserre entre ses bras, s'imprègne du parfum familier de la désinvolture qu'elle transporte avec elle, noie son manque d'elle dans une ligne de baisers, dans son cou puis le long de sa clavicule, ferme les yeux pour se laisser porter par l'habitude qu'il retrouve enfin. Son cœur regagne sa poitrine, mais palpite à un rythme infernal dont il avait tout oublié tant que Lola se trouvait loin. Ses lèvres regagnent les siennes et s'en emparent avec violence, sans plus chercher à obtenir le moindre accord. Il fera ce qu'elle fait : prendre sans demander la permission. Il glisse une main sous ses fesses pour la soulever en même temps qu'il se relève lui aussi, prend soin de ne jamais quitter ses lèvres et monte les marches du perron. Ce n'est pas ici qu'il habite, ce n'est qu'une annexe de son appartement huppé, une garçonnière qui abrite les secrets les moins glorieux du golden boy en devenir, et qui se fera pour ce soir gardienne de son amour pour Lola. Tout est précipité, sans douceur, depuis l'ouverture de la porte jusqu'à la façon dont il la plaque contre elle pour la refermer, depuis l'empressement qu'il met à la déshabiller jusqu'au moment où il fond en elle, étouffant le soulagement au creux de son cou. Son amour pour elle se perd entre les deux cuisses fines qui enserrent solidement le dos d'Holden, et il tait les deux mots qu'il voudrait lui rappeler d'un baiser fiévreux. Il rouvre les yeux et cherche son regard, mais pas l'assentiment. Deux ans de désir pour elle qui touchent enfin leur paroxysme. Le besoin de la posséder est si fort qu'il craint de ne jamais pouvoir arrêter, alors Holden continue ses va-et-vient sans retenue, sans se soucier de ce que Lola veut. Elle ne voulait pas qu'il lui dise de partir, mais elle ne sait pas, Lola, que rester pourrait être pire.

(d'emblée , nous fûmes passionnément, gauchement, scandaleusement, atrocement amoureux l'un de l'autre)
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MessageSujet: Re: lonesome travelers (holden) lonesome travelers (holden) EmptySam 1 Aoû - 0:13

Lola is feeling alone tonight
when the city is full of light

(izia higelin, lola)

Il était une fois l'amour tordu d'une petite maigre tordue et d'un grand dur tordu qui courent dans les villes un peu trop droites. C'est l'histoire de tout et de tout le monde, c'est l'histoire des histoires, c'est l'histoire des amours un peu trop fortes. Tout le monde la connaît, c'est la petite faiseuse de larmes, la petite sculptrice de plaies, la petite ingénue cracheuse de dynamite. C'est l'histoire de tous les temps, celle qui s'effile et puis revient. C'est celle qu'ils chuchotent tous et que certains vivent. Les certains, ce sont les petites indécises et les grands décidés, les minuscules vauriens, les gigantesques touts avec leurs dorures, c'est ceux qui ont les mains chaudes et le coeur vierge. Lola, c'est l'absente. La fuyante, désirée et sacralisée, le corps laiteux duquel on ne sent que ses propres bras tentant de le serrer, comme dans un rêve. Elle est la brume, elle est la féminité et la cassure. Il y a les femmes flambeaux, elles sont papillons, elles sont colorées comme le rougeoiment du désir et du bonheur, elles ont des lèvres rouges comme le sang, elles sont la sensualité, le plaisir, la volupté. Ce sont tant de femmes aux seins ronds et aux yeux rieurs, à la peau lisse et ambrée. Ce sont tant de femmes en robes longues et en talons hauts. Ce sont tant de futures épouses, tant d'annulaires enlacés d'un cercle d'or. Des femmes à épouser, des femmes à embrasser. Des baisers comme des envols, des pétales de roses rouges contre le galbe d'une hanche. Ce sont tant de ventres ronds, de félicitations. Elles représentent d'une grâce sucrée un classicisme élégant et jalousé. La réussite du sexe féminin. Dociles mais jamais soumises, fidèles mais toujours à conquérir, équilibrées et jamais excessives. Sublimes icônes d'une féminité triomphante. Les femmes à marier. Et Lola, grêlée de chair de poule se sent sale comme une femme à baiser. Lola est un corps androgyne plein d'angles et de falaises. Lola c'est l'audace et la liberté, mais Lola c'est la douleur de l'inconstance. La femme rose est l'oxygène de l'homme, Lola est sa clope. Elles sont le miel, elle est le vin. Lola est infidèle, superlative et violente. Dans la petite histoire tordue de toute les vies, elle tâche le récit de son sang mauve. Mais lui non plus c'est pas le type, vous savez. Lui non plus n'a pas le coeur chaud et les lèvres tendres. Lui non plus n'est pas l'homme. Pas de ces barbes de deux jours qui vous piquent les joues au petit matin. Pas de ces types qui épouse. Pas de ces types simples, plus maintenant, non. Bête pleine d'engrenages. Rouages huilés qui tournent trop vite. Le tourni de l'amour et la violence de la descente. Combien d'écrivains ont déjà fait remarqué qu'on ne s'envolait pas en amour ? Et lui ne veut plus être de ces types qui aiment. Alors Holden sera de ceux qui baisent. Et c'est comme ça que deux âmes tordues aux dos pliés sous le poids des amours sang se retrouvent sur le pavillon crème d'un immeuble à la façade muette. C'est comme ça que les failles partagent leur amertume autour de la colonne bleue de fumée d'une cigarette à demi consumée. Pas de charmes vertueux ici bas dans la peinture abstraite de leur amour dur et maladroit. « Si tu savais, Holden, qu'elle proteste en fixant la rue vide, toutes les routes qui croiseront encore et encore le chemin de ce foutu train que j'ai raté. » Elle sourit dans la pénombre tiède de l'été. « Il y a mille façon de retrouver une gare où il passera, un bout de ciel d'où sauter pour y atterrir. Je prendrais des bagnoles, d'autres rails, un avion, un hélicoptère... J'irais voler un vaisseau spatial, je m'en fous. » Avec ses petits doigts de gamine, elle triture sa logique implacable, délie l'équation qu'il lui pose. Les cheveux blonds de Lola meurent sur ses épaules et ses lèvres s'étirent d'un sourire triste. Elle est belle comme une lune rouge. A l'intérieur de son squelette, comme une cage à oiseau étroitement couverte du tissu blanc de sa peau, renaissent le désir et la violence. Comme une convulsion brutale qui lui tord l'estomac et lui barbouille le coeur. Et alors elle le questionne, il lui intime le silence. Elle découvre les tristement célèbres amours mortes. Eteinte par le souffle de la providence, par la disparition brutale et irrémédiable de celui qu'avait été Holden. Alors elle implore, supplie, lui annonce la triste réalité ; elle voulait être la plus forte, elle a les poumons noyés d'orgueil. Elle va couler dans le chaotique décor de son échec parce que le seul port, la seule gare qu'elle ai jamais voulu gagner se détache d'elle. Et puis il y a le regard d'Holden, cette puissante étreinte que ses yeux ont sur les siens. Il n'y a plus de détresse, seulement le désir brut et incontrôlé qui pétille derrière ses prunelles. Il ne lui demande pas de partir. Le temps d'un soupir, elle est contre lui. Ses grandes mains chaudes entourent ses cuisses. La bouche d'Holden est un croissant de lune, les deux coussins de velours de ses lèvres écorchent les siennes. Il la baisera comme il la tuera. Elle a mal d'amour plus que jamais, tout est trop fort, tout est brûlant. Ses mains se glissent sous la chemise d'Holden, touchent sa peau tiède, repassent contre l'étoffe chair, elle voudrait la griffer, la mordre. Lola ne respire plus, ne voit plus, quand la bouche descend dans son cou, elle boit une grande goulée d'arsenic dans l'écrin onyx de leur passion. Quand il entre en elle, qu'il noie tous les mots qu'ils voudraient dire dans un baiser, elle n'ose plus le regarder dans les yeux. Lola se fend en deux. Elle se cambre de plaisir comme elle se tord de terreur. Car quand Lola regarde le visage d'Holden, quand elle regarde dans les ombres leur profil commun, agité de ce mouvement frénétique et désespéré, elle voit dans leur sueur ruisseler leur violence. Chaque coups de rein est un coup de poignard. Elle n'a jamais vécu aussi pleinement, aussi violemment, jamais vécu comme elle vit là, comme vibrante d'une pulsion mystique, comme trois comètes coincées dans ses poumons. Au terme de ce à quoi elle ne saura jamais donner de nom, Lola se sent aussi salie que comblée. (...) En apercevant le jour rose derrière les vitres, elle soulève ses membres dolents de sommeil. Elle traîne son petit corps d'alumette jusqu'à la fenêtre d'où elle salue New-York d'un hochement de tête. Etait-ce le bonheur ? Ce goût de cendre et de miel et cette sensation que chaque caresse sera griffure ? Lola enfile la chemise d'Holden, comme elle l'avait toujours fait dans leur Amérique bien aimée. Elle ne la ferme pas, laisse le tissu dévoiler l'ombre triangulaire de sa féminité. Elle plonge une main audacieuse dans la mallette d'Holden, récupère un crayon et ce qui semble être un agenda. Lola s'assied dans un coin de la pièce, cherche une page au hasard. Quinze septembre 2015. Page à peine anotée. Elle lève un crayon malhabile et commence à dépeindre à grands traits de bic le portrait de la virilité endormie. Elle déploie un soin tout particulier à dessiner l'angle de sa mâchoire et les muscles de son bras. Elle referme sur l'image noircie la couverture de cuir et replace le sac dans la mallette. Une petit heure s'est écoulée, peut-être, depuis sont bonjour réservé à la ville qui a bercé la première nuit d'amour - Lola aurait aimé appeler ça une nuit de coups de reins-poignards - de ce nouveau chapitre de leur histoire. Lola ne peut pas savoir, mais elle ouvre une des pages les plus sombres de leur histoire. Quand Holden se réveiller, elle s'est rassise dans le même coin de la pièce, le menton posé sur le poing fermé, en contemplant ce jour timide poindre derrière le verre translucide. « On a fait l'amour. » décrète-t-elle simplement. « Je me souviens de la première fois qu'on est venus à New-York, quand on était sur la route. On avait dormi dans un studio pourri dans le Queens. On était resté deux nuits dans ce genre de deux pièces qui servait à stocker les instruments de musique d'un pote de Jane, je crois. La deuxième nuit a été celle de notre première engueulade. Il y avait eu ce type, un genre de poète avec ses bouquins de Verlaine et ses vinyles de Jimi Hendrix... Et puis toi ça avait été ce genre de brunette qui chantait dans le bar où on était allés. Je sais même plus qui avait voulu se venger de qui. Toi de moi, probablement. Quand on s'est disputé j'ai donné un coup de pied tellement énorme dans la guitare du pote de Jane que j'ai toujours la cicatrice, je crois. Mais t'étais beau, t'étais tellement beau énervé comme ça dans ce studio tout plein de la nuit qui l'envahissait et sans lumière pour la faire fuir. » elle contempla la petite ligne blanche qui s'étendait juste en dessous de quatre de ses orteils et repensa à cette guitare, déjà amochée et brisée par les années, au coeur de laquelle son petit pied était venu se loger, avec une force rageuse. Lola rit doucement. « New-York ça a été la ville des désillusions, après ça. Et encore cette année. New-York n'a jamais été qu'une grosse pomme pleine de déceptions. » elle fixe le sol obstinément. « Alors cette nuit... C'était un au revoir ou une invitation ? »
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MessageSujet: Re: lonesome travelers (holden) lonesome travelers (holden) EmptyDim 2 Aoû - 19:47


Lola, j'suis qu'un fantôme quand tu vas où j'suis pas.
Lola l'a dérouté dès les premières secondes. C'était un truc chez elle, quelque chose qu'il ne s'expliquait pas, les lèvres rosées et pulpeuses, l'insolence dans le regard, sa nonchalance dans la façon qu'elle avait de s'adresser à lui. Il a su, dès le départ, qu'il serait incapable de vivre sans le souvenir de cette fille gravé contre ses rétines. Il l'a aimée presque aussi vite. Peut-être pas pour les bonnes raisons, peut-être pas de la bonne façon, mais cette fille pouvait pas laisser qui que ce soit indifférent. Il se rappelle encore du regard que lui jetaient tous les mecs qu'ils croisaient. Ca le rendait dingue, Holden. Ca le rend toujours dingue. Imaginer qu'elle ait pu passer entre d'autres bras, ça lui donne envie de tout flinguer, à commencer par elle. Parce que Lola il l'aime passionnément, mais surtout à la folie. Elle a toujours su comment faire avec lui, comme si elle avait été créée pour lui, pour hanter ses jours et ses nuits, ses rêves et ses cauchemars, pour le dévaster comme une monstrueuse tempête. C'est ça qu'elle réveille chez lui, encore maintenant. La tempête qui gronde, sourde, impatiente, colérique, qui embrase tout sur son passage et se fout des dégâts qu'elle cause. Il l'a détestée, aussi. Dès le premier regard posé sur elle, il l'a détestée de toutes ses forces, parce qu'elle lui refusait ce qu'il demandait avec tant d'acharnement : la posséder tout entière, la faire sienne, la faire reine, créer un empire dans lequel il aurait pu l'enfermer pour toujours, à l'abri des autres, trésor secret qu'il se serait réservé égoïstement. Mais Lola, elle riait aux éclats en fumant ses putains de clopes, se livrait juste assez pour entretenir le doute, pas assez pour lui donner l'assurance. Parfois, entre deux volutes de fumées langoureusement recrachées, elle se tournait vers lui pour lui susurrer des mots d'amour qui lui donnaient envie de bâtir des temples pour elle. Il lui faisait l'amour avec acharnement, pendant des heures, d'une façon presque bestiale pour se graver en elle. Il fallait qu'elle sente, qu'elle sache, qu'elle reste. A tout prix. D'autres fois, Lola rencontrait des types aussi paumés qu'elle, et il assistait impuissant au spectacle, rongeant son frein pour s'empêcher de leur casser la gueule en les voyant s'approprier ce qui lui revenait de droit. Elle croisait son regard, et alors, alors, elle continuait avec une insupportable insolence, flirtant toujours plus avec les limites de l'indécence. Il la soupçonnait de le faire pour elle plus que pour lui, pour s'assurer qu'elle restait encore libre. Mais elle se trompait, Lola. La vérité, c'est qu'à la seconde où ils se sont croisés, ils tiraient une croix sur leur liberté. Alors quand elle lui dit qu'elle trouverait n'importe quel chemin pour revenir à lui, il ne peut pas s'empêcher de sourire. Il sait qu'elle en serait capable. Lola serait capable de n'importe quoi, le pire comme le meilleur, c'est ce qu'il y a de plus exaltant avec elle. Elle continue de le surprendre de toutes les façons possibles, avec cette même audace dans les gestes, ce même désespoir dans le regard. Il a si longtemps voulu la posséder qu'il ressent le besoin d'elle dans chaque battement de son cœur, dans les hurlements muets de son corps qui s'embrase au moindre contact. « Celui-là marquera d'arrêt nulle part, Lola. C'est trop tard » qu'il s'entête à dire, pour se convaincre au moins un peu. C'est ça, le plus difficile : se convaincre qu'il veut plus d'elle, après l'avoir désirée si longtemps. Mais c'est un effort vain, personne n'est dupe, surtout pas elle qui lui donne ce qu'il espérait. Baiser, promesse, nostalgie, peu importe ce que ça veut dire, c'est là, réel, concret, ça le dévore de l'intérieur et le monstre qui sommeillait se réveillait. Pas avec elle, mais surtout pas sans elle. Il retrouve les gestes familiers, la cadence infernale, la passion de leurs étreintes. Mais celle-là, elle a un goût bizarre. Il y met de la violence, de la rage, accélère quand il l'entend gémir, se perd entre ses reins sans la moindre retenue, et à chaque coup qu'il porte, elle en rend un autre. Ils se livrent à un ballet sans merci, enfiévré mais hargneux, comme si l'issue inévitable scellerait une victoire, ou un échec. Il ne perd pas une miette du spectacle qu'elle lui livre malgré elle, les prunelles qui se ferment sous ses assauts, les ongles qui s'enfoncent dans sa peau, les dents qui mordent son cou, les gémissements qu'elle ne se donne pas la peine de retenir, tout. Et lorsqu'ils cèdent enfin, Holden reste silencieux, échevelé, pas même heureux. Il n'est jamais heureux avec Lola.

Il a rêvé tellement souvent de réveils auprès d'elle qu'il lui faut un moment pour s'assurer que la Lola qui lui fait face est bien réelle. Il a le visage ensommeillé, les traits lisses qu'il arborait à l'époque, quand ils fendaient les kilomètres dans une vieille bagnole sous le soleil écrasant. Il a l'air d'un gamin, comme ça, un gamin auquel on donnerait le bon dieu sans confession. Le poids des responsabilités s'est envolé, pendant quelques bienheureuses secondes durant lesquelles il se sent revivre. Ca ne durera pas, il le sait. Ces moments là, ils ne durent jamais. Il fixe Lola, seulement vêtue de sa chemise, et Lola le fixe en retour. Puis les mots cinglent, avec une violence doucereuse, et le rêve s'écrase dans sa chute. Ses traits ne sont plus si lisses et innocents, son regard n'est plus si tendre. La parenthèse dorée et passionnelle s'est évanouie, tandis qu'elle lui rappelle combien ils étaient malheureux, ici. Elle se tait finalement, et le silence les enveloppe de son manteau cruel. Il se souvient de cette soirée-là. C'est à ce moment précis qu'il a compris qu'elle ne quitterait jamais vraiment sa vie, peu importait ce qu'il faisait. Qu'elle serait toujours là, l'ombre dans son ombre, la flamme incandescente d'un cœur gonflé d'amour et de désir. Elle flirtait avec ce type, et lui il la regardait faire en serrant les dents. Il a fini par se taper une autre fille, pour la rendre dingue. Mais elle l'avait devancé, et lui avait renvoyé sa vengeance en pleine gueule. C'était lui, le plus faible des deux. Elle était capable d'entrer dans des colères noires terrifiantes, et lui, il ne pouvait pas s'empêcher de se dire que c'était comme ça qu'il l'aimait le plus. Quand elle se révélait entièrement, lui laissait voir l'obscurité derrière la façade enchanteresse. Quand elle ne se maîtrisait plus, quand ses émotions débordaient et qu'elle ne se donnait plus la peine de les retenir. Lola avait toujours été la passion personnifiée, les sentiments exacerbés, mais elle n'était jamais aussi belle qu'en colère. Il aurait du le savoir, que ce serait les prémices d'une sombre histoire. Mais il a rien voulu entendre, à cette époque. Maintenant, il sait. « On a baisé » corrige-t-il froidement. Il n'est pas sûr qu'il y ait eu de l'amour dans leur étreinte. Il y avait le manque, la passion, l'adieu, mais pas vraiment d'amour. Il l'a prise comme il aurait pris n'importe quelle autre femme, lui a seulement donné un peu plus, en hommage à ce qu'ils avaient. Il s'est laissé emporter par la nostalgie, mais ça n'a pas duré longtemps. « Je m'en rappelle. C'est ce jour-là que j'ai compris que tu serais jamais qu'un courant d'air dans ma vie. » répond-il, d'un ton neutre. Elle a raison sur un point : New York, ça a été la ville des désillusions. Elle l'est encore. « C'était un adieu. T'étais désespérée, tu m'as fait une grande déclaration et j'ai cédé, pour te faire plaisir et par respect pour notre histoire. » Il serait presque crédible, Holden, mais il sent la malhonnêteté qui se déverse en lui. Tant pis, s'il doit mentir comme il respire. Il faut simplement qu'il la convainque, elle, il aura tout le temps pour finir par se convaincre lui aussi. C'était un adieu, oui, mais parce qu'il ne l'aime plus. C'était un adieu parce qu'il l'aime trop, et qu'il n'a plus de place à lui accorder dans sa vie. « Ca voulait rien dire Lola. Si tu crois que t'es la première à passer dans ces draps... » Il dit ça avec désinvolture, ne s'attarde même pas à rencontrer son regard. C'est vrai, qu'elle n'est pas la première. Mais elle est la plus importante, et il n'y a que ça qui compte. Holden continue de mentir, mais pour la première fois, il aurait presque envie d'y croire, à ces mensonges. Parce qu'il n'y a pas de hargne, pas de volonté de lui faire du mal, seulement la franchise brutale. Il n'y a plus de Holden, devant elle, seulement Mr Carlisle.


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MessageSujet: Re: lonesome travelers (holden) lonesome travelers (holden) EmptyLun 3 Aoû - 12:41

"I don't think," he insisted. "I feel."

Elle mourra avec lui en travers de la gorge. Elle mourra les poignets constellés de baisers de seringues dans lesquelles elle n'aura jamais retrouvé le grisement de leurs jours. Elle mourra noyée dans son parfum de musc et d'agave. Elle mourra dans une de ces postures terrifiantes où son corps nu sur le grand fauteuil de velours fera comme une grande tâche couleur astre contre le pourpre. Elle mourra en morte mystique, elle mourra d'une mort nue, elle mourra pour qu'il découvre l'image délicatement peinte de chair de son cadavre encore chaud de leur amour. Lola mourra en amoureuse malsaine. Lola ira frôler les confins de la folie en l'attendant encore. Lola mourra le regard éternellement barbouillé du sien. Lola mourra en reine parce que Lola ne sera plus rien. Elle se sera perdue entre lui et elle. Elle se sera perdue dans l'océan de ses larmes. Dans la chaleur de son désir. Dans la soie de leurs peaux mêlées. Elle mourra étouffée par l'insolente image de Mr. Carlisle dévorant l'Holden de ses vingt ans. Parce qu'elle se souviendra de tout. Elle se souviendra de ce matin de septembre où elle était montée dans un car couleur rouille qui avait roulé jusqu'aux bords de sa galaxie. Elle se souviendra de la façon dont elle avait quitté les bras chauds de la Californie, de cette manière brusque et délicieuse de laquelle le monde s'était ouvert grand, d'un seul coup. Elle se souviendra de l'immense chaîne dont chacun des visages rencontrés fut un maillon, de tous les rêves, les idéaux, les bagnoles et les dîners, partagés autour de la musique suave des villes américaines. Elle se souviendra de l'ondulation langoureux du paysage derrière les vitres sales d'un pick-up vert bouteille. Elle se souviendra des chants en chœur et toutes les danses félines sur des rocks un peu trop forts. Elle se souviendra de la faim et de la lecture extatique des pages d'un bouquin jaune qu'elle découvrait pour la première fois. Elle se souviendrait de la transition violente découpée dans cette fenêtre rectangulaire devant laquelle ils avaient fumé. Elle se souviendra de cette veine qui grimpe le long du cou d'Holden et dans laquelle son cœur bat, avec toute la hargne de la colère. Elle se souviendra de la première nuit d'amour, de toutes celles qui suivirent et elle se souviendra de tous les soirs d'orage et de tous les cris et les blessures qu'ils engendrèrent. Elle se souviendra de la simplicité de sa beauté, de l'étau brut de ses bras, de la façon qu'elle avait d'en caresser d'autres dans la foule, pour le sentir bouillonner, tout près. Elle se souviendra de ce voyage initiatique, des au revoirs bâclés et de la façon qu'elle avait toujours eu de garder le contrôle, d'envenimer l'amour car la violence leur seyait bien mieux. Elle se souviendra, aussi, de cette nuit-là, où il lui fait payer toutes les étreintes à d'autres, revendique son coeur sien et où Lola perd le contrôle, redescend parmi les Hommes. Elle se souviendra des enfers, des flammes qui lui lacèrent le coeur, de l'orgueil dans ses poumons et des trois comètes dans sa cage thoracique. Elle se souviendra, dans ce grand fauteuil poupre où elle décidera d'attendre nue, de la brêche irrémédiable qui l'avait sciée d'un seul coup. Lola déchue de toute sa féerie, Lola le coeur frappé d'amour, Lola qui nage en sens unique, Lola qui meurt dans son bateau. Lola l'écoute parler, elle regarde le ciel ouvert sur une aube placide et froide dont les couleurs criardes l'aveuglent sans beauté. Dans la galaxie paralèlle de Lola, ce n'est plus sont coeur musique qu'elle a lancé. C'est Holden qui tient un revolver d'une main gantée, qui tire en la regardant de ses yeux cristaux. Et Lola vibre sous la douleur et étouffe un million de cris, de larmes, laisse son corps avaler la balle en crachotant son sang argenté. Dans sa réalité, elle le fixe simplement et laisse le manteau bleu du mépris arquer chacun de ses traits. Deux grosses larmes dévalent le mur rose de ses joues, mais ça n'a plus d'importance. Il n'y a que ce face à face muet de quelques secondes et toute la dualité de leur nature qui s'entrechoquent en fracas métalliques qui puisse signifier quelque chose. Elle le regarde. Il est cruellement beau de ce charme simple et racé. Elle découperait bien son visage au couteau, pour le plus voir le relief de sa bouche et les palpitations de ses paupières. La môme n'a pas fini de parler. « Mets un peu de consistance à ce rien, Holden. Montre-moi comment est notre histoire, comment tu me fais la charité. Montre-moi que je ne suis pas la première à me faire sauter par Mr. Carlisle dans ce lit-ci, montre moi ce rien, cette fin d'histoire, montre-moi le vide d'amour. Sois un peu convaincant. » Montre-moi nos amours mortes, nos cœur brûlés, nos peaux griffées, montre-moi le jour, la nuit, les coups de reins-couteaux et la violence de notre nature, montre-moi tant de termes trop utilisés déjà, qui fâchent et qui blessent, comme tant de chairs accordées sur lesquelles faire saigner le prix du désir. Il est debout face à elle, debout face à ce tout petit bout de femme, qui pèse trop peu de kilos, dont les côtes pointent comme des couteaux à travers la robe en soie de sa peau. Entre eux, le lit. Ce lit qui a assisté à la face la plus perturbée, à l'urgence bestiale et douloureuse de leur relation. Ce lit qu'il prétend être le recueil de chacune des blondes qu'il ramènera. Peut-être, oui. Peut-être que c'est vrai. Probablement, même. Probablement que d'autres corps sont passés ici. Mais pas comme le sien. Jamais comme le sien. Jamais comme ce corps squelette qu'il chérit en se haïssant. Lola contourne le lit, se place face à lui, face à Holden qui s'efface sous la masse indissociable de quelqu'un d'autre qui a ses traits. Elle se hisse sur la pointe des pieds, laisse ses lèvres frôler son oreille. Elle chuchote. « Montre-moi que plus rien de tout ça n'est à moi. » elle laisse sa bouche descendre le long de son cou, puis sur son épaule. Elle dessine du bout des lèvres le chemin de leur passion, la carte des enfers, la cicatrice brûlante et indélébile de son territoire. « Montre-moi que je ne connais pas tes grains de beauté par coeur, que tout ça c'est du vent. » Les yeux fermés, elle laisse son index dessiner mentalement chacun des grains de beauté en caressant le torse encore bruni de liberté de ce qui avait toujours été l'homme de la route. Jusqu'à ce déplaisant aujourd'hui. Elle sait qu'il sent, qu'il sent chacun de ses doigts, chacun de ses baisers, elle sait qu'il ne bouge pas, que tous ses muscles sont tendus pour résister à Lola, à Lola à moitié nue qui lui rappelle combien les plaies sont fraîches, combien les panser sera long, combien la douleur est vive, combien le contrôle se perd en une petite seconde. Dans une dernière provocation, elle se hisse jusqu'à son visage, laisse ses lèvres frôler les siennes, s'embraser du picotement comme électrique de ces minuscules millimètres qui les séparent. « Prouve-moi que ça ne veut plus rien dire » qu'elle murmure, pour lui et lui seul.
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MessageSujet: Re: lonesome travelers (holden) lonesome travelers (holden) EmptyLun 3 Aoû - 23:42

I call her “A.Z.” because it all begins and ends with her.
Il a regretté les mots à la seconde où il a croisé son regard. Il y lit un truc qu'il avait jamais vu avant chez elle : la tristesse. C'est pas elle, c'est pas sa Lola. La sienne, elle brille au firmament, elle embrase tout ce qu'elle touche, elle fout le feu à ses entrailles, elle demande pas pardon, s'excuse de rien, elle a jamais mal. Et si elle a mal, elle le dit pas. Même hier, ça avait qu'un goût de provocation, d'égo blessé qu'il fallait panser. Il croit pas l'avoir jamais vue pleurer, jusqu'à aujourd'hui. Il y a quelque chose qui se brise en lui, et le besoin irrépressible de la serrer dans ses bras à l'en étouffer est difficile à contenir. Il ne veut pas voir la poupée fragile, ne veut pas s'imaginer capable de la briser en deux. Il voudrait lui dire mille choses, qu'il est désolé, qu'il le pensait pas, faut pas que tu pleures Lola, surtout pas. Mais ses traits restent obstinément neutres, se voilent d'un masque d'indifférence méprisable. C'est pas à elle qu'il veut faire mal, c'est à lui. Il s'arrache le cœur, le mutile, le réduit en miettes, parce que son cœur n'est plus le guide qu'il était autrefois. La raison et l'amour bataillent sévèrement, mais il sait bien qu'il n'y aura qu'un seul gagnant, dans cette histoire. Pas elle, pas lui non plus. Leur amour se brisera sur les vagues, il ne résisterait pas à la tempête qui le menace. La parenthèse dorée s'est refermée sous leurs regards indolents, et ne restent désormais plus que les cendres encore fumantes. Lola flirte à nouveau avec les extrêmes. Elle n'est plus triste, elle l'est désespérée, il l'entend à sa voix qui se casse, suppliante. « Pourquoi ? T'en as pas eu assez ? Ce rien-là te suffisait pas ? Sois pas ridicule, Lola, moi j'ai rien à te montrer. » Il ment éhontément, parce que des riens, il voudrait lui en donner des centaines, des milliers, s'abreuver encore et encore de ce corps si familier qu'il pourrait le dessiner en rêve. Quand les hommes rêvent de courbes voluptueuses et graciles, lui s'enflamme pour celui d'allumette qui prend feu à chaque étreinte. Il en veut pas, des autres femmes. Elles n'auront jamais ce goût-là sur ses lèvres, le goût de nostalgie, le goût de route, de jalousie, de colère, de passion. Elles ne seront jamais Elle. Et Lola ne sera jamais une de plus. Elle sera toujours la première, la dernière, la seule. Lourd de ce constat, il continue de la toiser froidement mais son cœur marque une cadence infernale. Les larmes coulent et creusent des plaies déjà béantes. Lola fait plus de mal que de bien, il l'a toujours su. Aujourd'hui encore, elle balance des coups de poignard dans sa poitrine et lui ne sait pas les empêcher d'atteindre leur cible. Elle a l'air d'une gosse, d'une gosse qui refuse de s'entendre dire non, d'une gosse qui veut avoir raison coûte que coûte, même s'il faut pour ça tout détruire sur son passage. Elle veut des preuves ? Il peut pas les lui donner, et elle le sait. « Lola, arrête... » soupire-t-il quand elle essaie de s'approprier quelque chose qu'elle ne possède plus. Mais son soupir, il ressemble surtout à une supplique. Holden est faible face à elle, il l'a toujours été. Lola est trop égoïste pour aimer vraiment, elle s'aime à travers le reflet qu'il lui renvoie, elle y découvre une femme belle, désirable, mise sur un piédestal dont il est incapable de la faire chuter. De leur duo, elle a toujours été la pièce maîtresse, celle qui guidait, commandait, ordonnait. Lui, il ne faisait que suivre en prétendant rester indépendant. Il n'aurait jamais pu la quitter comme elle l'a fait, sans un regard en arrière. Deux longues années d'aventure balayées en un rien, comme si rien de tout ça n'avait existé. Ni les disputes, ni les baisers, ni les réconciliations, ni les autres, ni eux. Parfois, il en vient même à se demander s'il ne l'a pas imaginée. Mais son imagination n'aurait jamais pu dessiner ces traits-là, ni ce corps-là, ni cette passion-là. Elle n'aurait fait que dessiner un modèle redoutable d'imperfection, un peu flouté, incomplet. Lola est là. Elle existe vraiment, elle n'a rien d'une chimère. Il la sent pleine de lui, gorgé d'un amour égoïste qu'il aurait presque pu toucher. Ses baisers dévalent son cou et il se laisse faire, renouant un instant avec ce qu'ils ont été. Elle redessine les marques de son corps, et Holden ne fait rien pour l'en empêcher. C'est un instant suspendu dans le temps, où plus rien n'a de prise sur eux. Un instant confondant de sensualité, de passion, d'impatience, voué à se terminer aussi soudainement qu'il a commencé. Et, parce qu'il sait que c'est à lui d'y mettre, il finit par capture ses poignets avec fermeté. Il rouvre les yeux, pour rencontrer les siens, et reste ainsi immobile de longues secondes. L'idée saugrenue de se jeter sur elle lui traverse l'esprit, pour lui prouver tout l'inverse de ce que ses mots ont dit, mais il s'arrête presque aussi sec. « Tu veux quoi Lola ? Que je te baise comme je les baise elles ? Tu sais bien que ce sera jamais le cas. » Ces femmes-là, elles n'ont qu'une vision partielle de ce qu'il est. Lola aussi, désormais. Il ne sera jamais que l'homme de la route, pour elle, et cet homme-là n'existe plus. Ou s'il existe encore, il ne lui est plus accessible. C'est triste, comme histoire, c'est triste de s'être manqués de si peu, d'avoir laissé le temps saccager leur histoire, à défaut de saccager leur amour. Ils auraient pu être heureux, ouais. Mais ils le seront plus, parce qu'ils veulent se raccrocher désespérément à un temps passé. « Bien sûr que tu les connais. Ce serait ridicule de prétendre qu'on ne connaît pas par cœur le corps de l'autre après avoir passé tant de temps à l'explorer. Mais t'as tort de croire que ça te donne un droit sur moi. Le droit, tu l'as eu pendant longtemps et t'as jamais voulu le saisir. T'es comme une gosse, en fait, tu veux que ce que tu peux plus avoir » cingle-t-il froidement. Elle sait qu'il a raison. Lola est capricieuse et ne résiste jamais au goût du challenge. « C'est même pas de l'amour. Tu m'aimes pas, Lola, je sais même pas si tu m'as aimé un jour. Tu t'aimes toi, t'aimes ce que je te renvoie, t'aimes savoir que j'aurais pu tout faire pour toi, et maintenant que tu réalises que c'est plus le cas, tu veux tout recréer pour que ça recommence. Ca marche pas comme ça. » Il se détache d'elle, mais continue à observer ses traits de porcelaine se briser sous ses mots. Tout ça, il le lui a jamais dit avant. Mais avant, dans son monde, y avait que Lola. Son monde, c'était Lola. Aujourd'hui, dans son nouveau monde, y en a plus une trace.
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MessageSujet: Re: lonesome travelers (holden) lonesome travelers (holden) EmptySam 22 Aoû - 22:17

When she says everything is fine,
over her head,
clouds that looks like mines,
Oh why can't she wish for brighter skies.

look at them, jeanne added

Holden et Lola n'ont jamais su aimer. Ce savoir précieux, acquis ni par apprentissage ni par procuration, cette capacité innée, qu'on a ou qu'on a pas, ce don de régulation, d'équilibre, de douceur, est donné, ou pas. Dans leur cas, pas. Ils ne connaîtront jamais les amours sucrées et n'auront jamais la figure placide, pour eux l'espace lisse et calme des relations sera toujours hérissé de lames, n'aura jamais le goût de fruit qu'ils décrivent tous, les amours pêches, les amours abricots, issus des confins d'un agréable printemps que tout le monde connaît, sauf eux. On dit que c'est grisant, on dit que c'est beau et doux, que ça vous prend comme des remous au creux du ventre et que ça monte en frissons dans tout le corps, que ça s'étire en une vague paresseuse, plongé dans un cocon, à l'abri de tout. Non, non, l'amour ne c'est pas ça pour eux, ce n'est pas le fleuve au courant lent qui charrie les sentiments d'une source à l'autre, plateforme d'échanges diffus de mots, d'étreintes, perpétuant les jolies romances depuis la nuit des temps. Non, non, l'amour commence sous une lune ronde et vous prend à la gorge, comme une odeur d'amoniac, vous étouffe, descend dans les veines en grand convoi glorieux, bravo, vous êtes déclaré amoureux, la sentance sera de vivre, évidemment. Métanphétamine de leurs nuits, héroïne, poudre de nacre à crever de trop sentir, comme si chaque bouffée était la menace grondante et imminente de l'overdose. Ne jamais savoir réguler, ajouter un peu de sérénité, un peu de confiance aux strucures branlantes et ébranlées, incapables de colmater leurs propres failles. Elle ne sait pas comment il aime, lui. Elle sait juste qu'elle aime comme si il y avait un milliard de couteaux qui lui ciselaient le bide dans un concert de couinements métalliques, comme si le sang c'était pas grand chose, au fond, tout ce sang, répandu jusqu'à la mer, l'actuelle plateforme de leurs échanges – pas de rivières cristallines, donc. Elle sait qu'elle aime avec la honte d'une amante trop investie, de toute façon c'est ce qu'elle est, et elle se cache derrière la fureur de son tempérament pour faire tair cette enflure qui lui pousse jusque dans les poumons. Et elle se sent ridicule. Elle voudrait être comme tous ces habiles régulateurs de sentiments, qui font tinter leurs fioles, les petits chimistes de l'amour, les plus utiles scientifiques du globe. Si communs, debout à chaque coin de rue, une main occupée par l'étau tendre de celle de l'être choisi, si communs et pourtant, elle est une de ces diabétiques qui produisent trop, avec un corps mâchine malade qui tourne trop vite. Lola aussi voudrait flotter dans une blouse blanche et mêler toute l'ardeur à un peu de contenance, de raison, de confiance et d'innocence. Lola a cassé ses fioles, de toute façon. Dans la lumière du matin qui éclabousse leur deux minois, le relief de chaque plaie laissée par le passage de l'autre est exacerbé de la blancheur tâchée d'oranger des sept heures tout juste sonnées. La forme sagittale de leurs émotions à érafler les peaux des fois de trop, et toutes les douleurs se mêlent à un silence contrit. Le lit défait arbore la mer couleur lait des draps plissés, ondulant, dernière trace de cette nuit qui n'appartiendra jamais plus qu'à leur mémoire butée et cadenassée, comme des trésors de gosses. New-York frémit dehors. Lola détourne le regard, vers la beauté fauve de la ville au petit matin. La skyline se frotte aux nuages, une moto lui chante de s'enfuir, casse-toi, casse-toi, cours avant que tout sorte, elle a raison de vrombir, la moto, elle a raison, Lola elle devrait se casser, parce qu'une fois prise dans le tourbillon de la lucidité, c'est tous les mots qui vous noient la bouche comme des trombes d'eau. Les pieds enracinés dans le parquet d'une étrange garcionnère vers laquelle tous semble converger dans un vacarme d'âmes cassées, elle goûte à l'immobilité soumise, les poignets ancrés contre les paumes d'Holden. « T'es bon acteur, Holden. Voyons si je peux faire mieux que toi. » et ses deux yeux lui peignent dans un bleu canard un regard torve qui tombe dans les siens. « Dans le fond, t'as raison, ça veut rien dire. T'es juste une paire de bras parmi d'autres. Il y a eu plein de types avant, il y aura plein de type après. Et plus tard je me souviendrai du type de la route et je sourirai. Parce que je sais que t'auras jamais pu me rendre heureuse. » elle se fend d'un gigantesque rictus ravi. « C'est douloureux, hein ? Ça te pince là, elle place un index sur la partie gauche de son torse, hein ? » une nouvelle moto passe. Casse-toi. « En tout cas j'espère que tu dérouilles. Que tu vois comment tous tes petits mensonges de merde, c'est pas que des mots, connard. » elle grimace, son visage se chiffonne, mi-colère mi-fatalité. Il a l'air mauvais comme le sont tous les hommes touchés. Holden a les lèvres ourlées d'un je-ne-sais-quoi de douleur et elle sourit. Elle aurait bien aimé avoir quinze ans. Qu'ils se bécottent sur le banc en bois qui fait face à l'herbe verte du parc de quartier, se séparent tous les deux jours dans des simagrées savamment mimées et se retrouvent le surlendemain, se promettent la lune et les étoiles en souriant. Elle envie l'amour adolescent, semblable au leur, dont la matière première est l'excès, dont le seul point d'ancrage est le corps de l'autre et les instants volés. Elle rêve de simplicité, de promesses échangées sur une plage, sans se demander qui d'eux deux les tiendra, sans avoir la peur constante de la surimplication, sans craindre la réciprocité et les angoisses criées au firmament, sans que jamais, jamais, l'étau ne lâche la gorge. Elle le regarde les yeux luisant de furie et de larmes, la mâchoire inférieure légèrement avancée, les lèvres tremblantes. Un jour, ils ont plaint ces couples tempérés. Ces équilibres trouvés et toutes ces maisons de banlieue avec labrador, ces concubinages proprets et joyeux, toutes ces bonnes volontés et autant d'enfants joufflus élevés dans le respect l'un de l'autre, les anniversaires de mariage arrosés sagement d'une coupe de champagne et d'un dîner au restaurant. Ils avaient loué leur amour, où tout s'effritait dès qu'on touchait trop longtemps, avaient loués les nuits blanches et les joints échangés sous la lune, les rocks endiablés dans des pubs du bout du monde, l'euphorie constante, avaient prôné la passion et l'ardeur. A cet instant précis, quand les sanglots lui barraient les yeux et la gorge, elle aurait tellement aimé être de ceux qui fêtaient les anniversaires des mômes rieurs et regardaient le journal télévisé dans le sofa en s'aimant sagement, en dosant, tempérant. Elle aurait voulu crever d'amour et ne pas revenir à cette réalité glaciale qui l'enveloppait d'un manteau trouble. Il fallait réparer les vivants. « Confond pas ma réalité avec celle que tu voudrais entendre. Non, je sais pas t'aimer correctement, oui, j'aime avec éraflures, éclaboussures, douleur et dérapages. Non, je ne saurais jamais t'aimer autrement et non, je ne saurais jamais contrôler mes haines, mes désirs. Non, il n'y aura jamais de promesses de facilité, de douceur. Non, je ne sais pas où je vais, je fonce dans des murs, j'ai mal et puis... Et puis tu sais quoi, Holden ? J'emmerde tous ces gens qui savent s'aimer proprement, qui savent aimer tout court. Je sais pas, je sais pas comment on fait, je me foire, je donne trop, rien du tout, pas assez, d'un coup, mais j'essaie, tu vois. Alors tes conclusions de merde, garde-les, Holden. » Lola retire ses poignets de ses mains, retire la grande chemise bleutée qui lui couvre les épaules, la jette aux pieds de la stature rouées de mots qu'est Holden, enfile ses vêtements, et sort. Parce qu'il est bien connu que les lisières de la haine et de l'amour sont des frontières troubles.
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