Aussi longtemps que je m’en souvienne, j’ai toujours été contre l’abus d’alcool. A mainte et mainte reprise, mon père m’avait démontré l’aspect néfaste de cette chose. A l'époque, j’étais toute petite mais consciente du mal que cela pouvait engendrer autour de soi. Cette chose si bénigne au premier abord devenait rapidement un fardeau dont personne ne sait véritablement se débarrasser. Lorsque j'étais encore à Londres, je chérissais cette cause. J'étais bénévole dans un centre pour alcoolique. Toutefois, bien entendu, cela ne m'empêchait pas de boire de temps à autre sans pour autant devenir dépendante de la chose. J'avais beau mener une petite politique devant tous ces alcoolos, en dehors, c'était tout autre chose. Aujourd’hui, la boisson était d'ailleurs encore plus présente qu'auparavant. Elle faisait partie intégrante de mon existence comme chaque étudiant peuplant l'université. Comment pouvait-on résister ? A part en restant cloitré sans côtoyer la moindre ombre humaine, je ne voyais vraiment pas. N’ayant pas bu beaucoup en Angleterre, tout le monde aurait pu croire que je m’effondrerais à la minute où le fameux liquide s’infiltrerait dans ma bouche. Qui plus est, mon gabarit ne donnait pas chère de ma peau. Et bien pourtant, aussi étonnant que cela puisse paraitre, je gérais étonnement bien l’alcool. Aujourd'hui, malgré les verres que je m'étais enfilé, j'avais toujours ma petite tête.

Lorsque la jeune étudiante me fit savoir qu'elle ne saurait pas se lever sans aide de ma part, je lui tendis directement la main pour la tirer tout en essayant d'éviter une chute à mon tour. Seulement, avec ma force légendaire, il ne fallu pas deux secondes pour que je tombe la tête la première. La chute fut coriace. Je devais surement m'être fait quelques coups bleus. « Au moins, tu seras moins seules, on sera deux avec des auréoles sur les fesses, ça paraissera moins suspicieux » lui déclarais-je le sourire en coin. Finalement, après quelques vaines tentatives, je réussis à me relever malgré le verglas. Milena fit de même et rentra directement dans la voiture. Il faut dire que le temps n'était pas au rendez-vous. La neige n’arrêtait pas de tomber. Les vitres étaient toutes givrées. A tel point qu’on pouvait se demander comment je voyais. J’avais beau asperger mon pare brise du mélange savon-eau, rien n’y changeait. Après quelques minutes à parler de tout et de rien, j’entendis le son de gyrophares à l'arrière. Je jetai un rapide coup d’œil dans le rétroviseur, je n’y voyais strictement rien. Je décidais tout de même de m’arrêter sur le bas coté de la route estimant qu'il était peut être nécessaire d'éviter des ennuis ce soir. Un policier me fit signe de descendre la vitre coté conducteur. Vu sa tête à en faire pâlir plus d’un, je ne me fis pas prier. Je m’exécutais dans la seconde. « Mademoiselle, vous n’avez pas vu le contrôle ? Vos papiers et ceux du véhicule s’il vous plait. Oh et tiens, vous allez le passez ce contrôle, je vais chercher un éthylotest ». Son dernier mot me glaça le sang. Sachant que je ne me souvenais absolument pas combien de verres je venais d'absorber au courrant de la soiré, c'était un mauvais présage pour la suite.

« Soufflez ». Avec dégout, j’approchais le tube de ma bouche et je commençai à souffler. « Encore, encore ! » s'exclama-t-il. Le policier avait beau m’hurler dessus, je n’y arrivais pas. Mes petits poumons ne pouvaient supporter cela. Je n’avais aucun souffle. Depuis ma plus tendre enfance, je n’avais jamais su rester plus de dix secondes en apnée alors ici, vu le contexte, c’était encore beaucoup plus compliqué. « Monsieur, c’est impossible votre truc ! Mes poumons vont sortir là, je n'y arrive pas ». J'avais beau continuer encore et encore, j'étais à bout de souffle. « Nous allons devoir vous faire une prise de sang ». « Quoi ? Non je ne peux pas, monsieur, j'ai horreur de ça ! » Il faut dire que pour une interne de troisième année à l'hopital de San Francisco, c'était étonnant mais je n'y pouvais rien. Je prenais un malin plaisir à en faire aux autres mais quand il s'agissait de moi, il n'en était pas question. Le policier semblait étonnement perdre patiente face à mes multiples réactions. « Si vous n’obtempérez pas dans la seconde, je serais obligé de vous embarquer mesdemoiselles». « Monsieur, détendez-vous, on n’est pas des criminels. Ne vous croyez pas dans les experts Miami, on est de simples étudiantes » fis-je en rigolant. Cette tentative qui paraissait pour ma part comme une façon de détendre l’atmosphère ne fonctionna guère. Le policier n’esquissa pas le moindre sourire suite à ma réflexion. Rapidement, je me retournais vers ma copilote les yeux écarquillés à la recherche d’un moyen pour nous sortir de là.