Sahara… Un long désert, chaud et brulant. Il l’imaginait hostile et meurtrier et pourtant, Sahara était une jolie jeune femme, d’un an son aîné. Pétillante et joyeuse, elle apportait de nombreuses ouvertures à Sacha. Depuis que son monde se bouleversait, Sacha se repliait sur lui-même. Sortir sans ses habituels acolytes ou simplement loin du cocon qu’il avait pris pour habitude de fréquenter ne parvenait à le motiver. Pour la première fois depuis qu’il avait commencé à étudier, Sacha rencontrait des difficultés. L’homme brillant devait travailler dur pour parvenir à comprendre et garder le niveau. Le temps des facilités s’évaporait laissant Sacha au beau milieu d’un désert bien différent de celui du Sahara.
Heureusement que son amie prenait le temps de venir le cueillir en pleins travaux pour lui imposer des pauses. Le convaincre demandait une forme d’ingéniosité et de patience qu’il n’aurait jamais imaginer trouver chez cette jeune étudiante. Une fanatique de shopping. Combien de fois avait-il écouté ses aventures ? Combien de sujet mode avaient ils abordé ? Lui, il se contentait de s’intéresser sans réellement comprendre l’intérêt. S’habiller demeurait primordial mais de là à faire tant d’histoire… Est-ce que Sahara allait finir chez les Bêta ? Parfois, il la poussait à poser sa candidature pour entrer dans la confrérie.

Sacha s’appuya contre le dossier de sa chaise. Loin de toutes ses préoccupations, il n’avait pas quitté son bureau depuis le début du week end. Son problème de mécanique lui prenait la tête, au sens propre. Les mains glissées dans sa tignasse rousse massait son cuir chevelu comme s’il pouvait aider ses neurones à s’activer. Parfois, il se surprenait à parler à voix haute, comme s’il avait été plus facile pour lui de faire le trie dans l’ensemble de son esprit de cette manière. Il n’eut pas assez d’attention pour entendre quelqu’un frapper à la porte puis entrer. Durant un moment il cru que son colocataire souhaitait lui faire une plaisanterie. Il n’avait pas le temps pour tout ça. Ce problème était à rendre pour la fin de la semaine prochaine et il n’avait pas encore réussi à pondre une ligne.

« On donne un champ magnétique constant…et on considère un “spin 1/2” dont l’état pour t = 0 est d’écrit par le spineur… Non mais… on recommence… »

Nouvelle prise de tête sur un problème énoncé comme simple. Ses camarades de classe avaient déjà terminé cet épineux problème et sacha se sentait de plus en plus diminuer face à l’ampleur de la tâche. Et s’il s’était trompé de voie ? S’il ne parvenait pas à réaliser son rêve d’enfant ?

Redressant le nez en direction de la porte, Sacha patienta un instant. Avait-il entendu des bruits ? Serait-il en train de perdre la tête à cause d’une surcharge de travail ? Impossible, il se la prenait beaucoup trop pour pouvoir la perdre. Mais lorsque des coups plus importants se firent entendre, la certitude de ne pas être fou ne fut pas assez puissante pour lui interdire toute forme d’empressement. Sahara ! Visiblement, son occupation avait été si absorbante qu’il n’avait rien entendu des appels de son amie.

Son plus beau sourire aux lèvres prit place sur sa bouille, comme une arme fatale pour se faire pardonner de l’attente. Habituellement plus attentionné, il n’avait pas pour habitude de faire poireauter ses amis sur le pas de la porte. La jeune femme se trouvait sur le seuil, toujours aussi ravissante. Il se sentirait presque idiot avec ses cheveux ébourifés et en pagaille sur le sommet de son crane. La trace de crayon de couleur sur ses doigts et sa tenue un peu trop décontracte pour être sortable. Rapidement, il lissa un peu sa joue pour s’assurer qu’aucune trace ne pouvait s’y trouvait.

« Je le savais que t’en avais après mes fesses ! » Annonça-t-il triomphant et taquin.

Il prit le temps de jouer l’homme vaniteux, trop sûr de lui. Ses performances d’acteur laissaient à désirer mais nous n’étions pas tous doué pour la comédie. Déjà qu’il ne savait pas mentir… Son corps se décala pour laisser l’invitée entrer dans la pièce. Qu’elle prenne ses aises, elle connaissait les lieux après tout non ? Lorgnant son cahier d’exercices, Sacha se mordit la lèvre inférieure. L’idée d’échouer ne lui semblait pas supportable. Il devait finir cet exercice et en refaire trois ou quatre pour s’assurer d’avoir compris les théories fournies en cours. Mais rien n’y faisait. La tête avait changé de sujet, trop heureuse d’arrêter de se presser sur des choses incompréhensibles. S’arrachant à contre cœur de ses écrits, il jeta un coup d’œil furtif à la jeune femme.

« Ca va ? » Fini-t-il par demander en cherchant à reboucher son stylo, excuse idéale pour se pencher à nouveau sur la montagne de calculs qu’il avait pu rédiger.

Ce n’était pas qu’il ne voulait pas la voir, juste qu’il n’arrivait pas à faire une chose à la fois, pire, il ne parvenait plus à quitter ses bouquins depuis quelques temps. Même son ordinateur le boudait de l’avoir tant délaissé.

« Tu t’es coupé les cheveux, c’est ça ? » Demanda-t-il en remarquant les lunettes de soleil.
Ah les hommes et leur faculté à ne jamais remarquer les bons détails…

Rire amusé répondu à la belle tandis qu’elle se plaignait d’avoir attendu dans le couloir.
« J’imagine que si ça avait été le cas, tu aurais crié si fort qu’il aurait eu les tympans d’explosé. Oh mais… T’as pas la garde royale avec toi de toute façon ? » Plaisanta-t-il à nouveau en imaginant sa petite princesse perdu dans un pauvre couloir miteux chez les Sigma.

Ici, tout était décoré. Son colocataire, spécialisé dans la peinture, avait exposé de multiple tableau ou toiles dans son coin de chambre. A tel point qu’une partie de son mur ressemblait étrangement à des vitre donnant sur des paysages. De véritables trompes l’œil. De son côté, Sacha semblait plus terre à terre, seul le petit chien robot venait tourner en couinant autour de la princesse. Il était programmé pour venir remuer de la queue quand une personne qu’il identifiait à la voix entrait de la pièce. Autrement, il passait son temps à grogner et aboyer. Sacha avait tendance à le faire évoluer en fonction de ses humeurs. Actuellement, il ressemblait à une boule métallique avec quatre pattes parfaitement inutile puisqu’il avançait en roulant. Bref, il ressemblait plus à une boule avec des oreilles et une queue mais Sacha y tenait. Il était son tout premier robot qui fonctionnait ! Mais voilà qu’elle se déshabillait et Sacha ouvrit de grands yeux ronds. D’abord incapable de détacher son regard de la lingerie fine de mademoiselle, il se sentit rougir de la tête aux pieds. Une bouffée de chaleur l’envahi alors qu’il se détourna rapidement. Le regard planté sur son cahier d’exercices, il tenta d’oublier la vision mais son charabia vira encore plus incompréhensible. Certes, elle était son amie et il tenait à son amitié par-dessus tout. Cependant, il restait un homme, jeune, très jeune et sans expérience. Aussi, son inexpérience montait vite et avec de jolies visions comme celles là, il ne pouvait que s’imaginer trop de choses.

« J’espère que tu ne fais pas ça dans toutes les chambres… Parce que tu sais que j’ai une salle de bain… quoique ça ne me dérange pas trop.» Souffla-t-il en attendant un peu pour reposer son regard sur elle. Il avait besoin de se calmer. Son corps de princesse était à en faire crever d’envie les plus chastes. Quand il revînt sur elle, sa robe était effectivement ravissante. Un peu trop habillé pour sortir faire des folies entre jeunes. Se penchant vers sa boule robotique, il l’attrapa pour la poser sur ses genoux et caresser entre les oreilles. Aussitôt, la petite boule commença à ronronner. Oui, son chien robot ronronne…

« Et bien… » Il plia son livre de sa main libre. « Là tout de suite, je me demande dans quelle circonstance tu vas mettre ça. T’as une soirée de prévu ? Un rencard ? » demanda Sacha avec intérêt.

Après tout, si sa meilleure amie se trouvait un copain, il aimerait en être informé. Pire, il la pensait un peu plus volage.

Malheureusement, au vu du prix que coûte le matériel pour faire le petit robot et le temps qu’il avait fallu à Sacha pour parvenir à terminer ce petit engin, il lui semblait improbable d’un faire un à Sahara. Cette fois, Sacha rit à gorge déployé. Elle était amusante cette petite ! Plaisantin et éternel bout en train, Sacha avait pour habitude de taquiner.

« Je veux bien t’accorder que les Sigma ont des styles vestimentaires parfois étranges. C’est peut être pour ça que tu penses croiser des clodos ! »

Les artistes vivaient sous ce toit et la majorité avait leur personnalité. Des trucs parfois totalement barrés qui rendaient les autres fade et pâle. Mais pour ceux qui ne savaient pas les regarder comme des marginaux, ils tombaient dans la case clochards !

« Mais c’est moins mal fréquenté ici que chez les gammas ! » Assura-t-il dans un sourire malicieux.

Il lui céda son petit chien en levant les yeux au ciel. Il avait tendance à oublier que son amie voyait les choses d’une manière particulière. A sa façon, elle était un peu artiste aussi. Ne pas se changer à côté des toilettes. Etant donné que son colocataire était un maniaque qui devait laver la chambre et les sanitaires deux fois par jour, elle pouvait se rassurer quant à la propreté des lieux. A son propos, Sacha ne comprit pas où elle voulait en venir. A vrai dire, il était souvent à côté de la plaque. C’était pour cette raison qu’aucune fille n’avait terminé dans son lit. Encore innocent des plaisirs entre hommes et de l’attrait qu’il pouvait en éprouver, il ne jugeait pas de son potentiel avec eux. Il jugeait son baiser avec un membre du même sexe comme erreur commise sous l’emprise de l’alcool. Le dénie était si puissant qu’il refusait d’en parler à quiconque. Imaginez ce que son père en penserait. Alors qu’il venait tout juste de retrouver son paternel, il refusait de le perdre parce qu’il ne rentrait pas dans le moule, encore une fois. Mais les propos de Sahara lui passèrent au dessus de la tête.

« Tu devrais pas mettre cette robe là alors. Comme ça, tu seras tranquille. Je te prête des vêtements si tu veux ! » Proposa Sacha dans toute sa naïveté. « Personne n’ira draguer un sac ! »

Mais pourquoi ? Il se posait sincèrement la question ! Pourquoi est-ce qu’elle passait son temps à se foutre à poils ? A peine commença t elle à se dévêtir qu’il détourna à nouveau le regard. Les filles… Trop complexe ! Alors qu’elle s’admirait avec l’un de ses T-shirts, Sacha redressa un sourcil perplexe. Son sens de la mode et de l’esthétique laissaient à désirer, Rayan, Delta et fier de l’être, s’arrachait parfois les cheveux devant les tenues qu’il pouvait choisir.

« Il faut avoir le genre pour porter des vêtements comme ça, tu vois. Genre, roi des Geek… » Taquina Sacha avec un sourire en coin. « Les princesses, ca ne fonctionne pas ! »

C’était un compliment déguisé mais il se doutait qu’elle comprendrait. Les filles adoraient se faire un peu flatter non ?  Mais quand les reproches fusèrent, Sacha ne comprit pas tout. Seule une information germa dans son esprit, une information capitale !! Elle le menaçait de le saouler avec les news people ! Aussitôt, Sacha bondit hors de sa chaise pour se précipiter vers son armoire et attraper une chemise et un jean. Il était sûr d’être bien habillé pour sortir avec cette tenue. Rayan lui-même lui avait conseillé de la mettre. Personne ne contre-dit Rayan en matière de mode.

« Je me prépare ! » S’écria-t-il en espérant qu’elle ne commence pas avec les nouveautés mode du mois. Parfois, il fallait savoir rendre les armes ! Sérieusement, il ne supporterait pas toute une soirée de ragots, non merci.

Depuis la salle de bain, dont la porte était fermée à clef, il écouta la demande un peu particulière de son amie. Ce qui n’allait pas ? Tellement de chose. Un petit rire répondit à la jeune femme.

« Si tu devais casser la tête à tous mes problèmes tu risquerais de perdre ton temps.  Ce n’est que temporaire. Les examens sont bientôt là et aussi bientôt terminés.»

La porte s’ouvrit sur un garçon totalement métamorphosé : jean ajusté, chemise légèrement ouverte, ceinture en cuir et chaussures de circonstance. Il était prêt à sortir là où elle le désirerait, tant que le jeune homme n’avait pas à se ruiner. Sahara devait bien se douter que le jeune homme ne courait pas sur l’or et que cette tenue lui était possible parce que les soldes le lui avait permit. Ce n’était pas de la haute couture, ni de la grande marque mais c’était assez pour avoir l’air bien.

« Alors ? On va où déjà ? »