Ces derniers temps, je n’avais pas trop à me plaindre côté professionnel. Bien au contraire, j’avais un emploi du temps plutôt chargé. Entre le projet d’écriture du scénario de la biographie de Laurynn, le film érotique parlant de catins et de vampires que je réalise où Asheva adore me donner des conseils pour mieux me lâcher et cette toute nouvelle série dont le tournage a débuté ici récemment, je devais bien avouer que des fois, je ne savais pas trop où tourner la tête. En dehors de cela, je n’avais qu’un semblant de vie sociale. Je ne sortais que rarement. Avant, j’allais régulièrement plusieurs soirs par semaine aux réunions des dépendants anonymes. Ces rendez-vous avaient changé ma vie. J’avais réussi à totalement me sevrer. Mais en plus de cela, j’étais tombé sous le charme de la douce Romane. Ma marraine dans l’association. Très vite nous nous étions rapprochés au point de devenir amis et confidents. C’était drôle car nous parlions de tout et rien sauf de nos sentiments. C’était durant notre escapade à Las Vegas où nous nous étions mariés juste pour le fun devant le sosie de Freddy Mercury que l’on s’est avoué mutuellement ce que l’on ressentait. Malheureusement notre union n’avait pas fonctionné. Désespérément fol amoureux de ma future ex femme, je noyais mon chagrin dans le boulot. Faisant mine de rien à mes nombreux collègues. De nature réservé, je préférais rester dans mon coin le plus possible.

La journée de travail finie, je réunissais mes dernières affaires puis me dirigeais vers la sortie après avoir souhaité une bonne nuit à l’équipe lorsqu’une de mes collègues m’arrêta. «  Oui ? » Sawyer partageait un de rôles principaux avec moi. Les scénaristes gardaient le suspense sur les épisodes à venir, mais personnellement je parirais sur ce que vous voulez que nos deux rôles auront un jour ou l’autre une liaison. Ce qui me mettait légèrement mal à l’aise vis-à-vis d’elle. Je n’étais pas un coureur de jupons contrairement à Alcide. La génétique n’avait pas suivi ce terrain. «  Il y a un problème ? » Elle m’avait demandé d’attendre. Peut être qu’elle jugeait ma prestation d’acteur médiocre sur notre dernière scène et qu’elle voulait m’en toucher un mot en privé. Lorsqu’elle me proposait d’aller boire un verre ensemble et surtout maintenant, je me mis à stresser en confirmant mes soupçons. En même temps, je savais déjà que j’avais foiré en beauté. Trop absorbé dans mes pensées. Demain cela fera déjà quatre mois que ma femme m’avait quitté. On correspondait régulièrement pour se donner quelques nouvelles. Mais très étrangement cela s’était stoppé depuis une bonne dizaine de jours. J’avais un très mauvais pressentiment. Romane, que fais tu ? Où es tu ? Avec qui es tu ? «  Si tu veux Sawyer… Tu veux aller où ? »

Contrairement aux apparences, j’étais un gars plutôt sociable. C’était sûr qu’en ce moment, ce n’était pas très flagrant. La rupture avec ma femme m’avait brisé en mille morceaux. Je m’engouffrais totalement dans la solitude. Seul refuge possible à mes yeux pour laisser parler ma peine. En aucun cas je pouvais me faire consoler en pleurant sur l’épaule de ma colocataire. Car il y a quelques temps, Astor m’avait avoué ses sentiments amoureux à mon égard. Je l’avais fait suffisamment souffrir avec Romane. Sans en plus en rajouter une couche supplémentaire. Aujourd’hui même si elle affirmait que cela était du passé, je préférais me distancer un minimum d’elle. Pour la préserver. Oh non, ne croyez certainement pas que je me trouvais irrésistible au point de croire que les filles de puissent se détacher de ma personne. Je n’étais en rien comme ça. Loin d’être macho pour deux sous même. En réalité, je n’avais que très peu confiance en moi. Il n’y avait que devant ou derrière la caméra que je savais ce que je faisais. Quoique même là, il m’arrive de merder ces derniers temps. Je n’étais plus ce brillant acteur réalisateur que je l’étais il y a quelques années. Il y eu trop de souffrances dans ma vie ces trois dernières années pour rester indemne. Des blessures marquées au fer rouge qui ne disparaîtront pas même avec le temps. D’autres plaies se referment difficilement. Mais il me restera à jamais des cicatrices. En d’autres termes, merci à mon père. Sans qui je ne serais pas cet homme que j’étais devenu sans notre rencontre… Bref ! « Un bar ? Euh… Oui si tu veux. Ce sera plus pratique pour aller boire un verre effectivement… Donc je suis partant. » Arf ! Vive la logique selon Pacey ! Sawyer, je te plains à l’avance si tu décides tout de même de passer la soirée en ma compagnie. « Je te fais confiance… » Sur ces mots nous prenions la route ver le lieu dit. En chemin, ma collègue engagea la conversation. C’était sûr que si elle attendait que je le fasse, elle pouvait toujours attendre. Je ne savais jamais quoi dire. « Je suis sur l’écriture d’un script. Un projet qu’une étudiante de Berkeley m’a confié. Mise à part cela, je réalise un film. » Euh… Un peu osé. Oui. Mais je ne préférais pas donner de précisions. Cela me mettait déjà assez mal à l’aise lorsque j’étais sur ce tournage là. Inutile d’en rajouter en dehors. « Tu es étudiante à Berkeley toi aussi. Il me semble. Euh… En première année des arts cinématographiques, je me trompe !? » Je connaissais déjà la réponse. Dire que si je n’avais pas été viré suite à un scandale qui brisa ma carrière d’enseignant dès ses débuts, j’aurais pu être le professeur de Sawyer. A cette idée, j’étais nostalgique de ce poste là. Mes anciens étudiants m’adoraient. J’avais une façon tellement originale de diriger mes cours qu’à ces derniers, il n’y avait jamais assez de places pour caser tous les élèves. Bref ! J’espérais secrètement que Sawyer n’apprenne jamais les rumeurs qui circulent encore dans les couloirs de Berkeley sur mon passé. Surtout que la plupart était véridique. Nous étions arrivés devant le pub. « Mauvais genre pourquoi ? Il ne semble pas si étrange que cela ce bar… »

Et voilà que c’était l’interrogatoire concernant le film que je réalise… Pourquoi avais je mentionné ce stupide projet dans mes occupations en cours ? Un jour il va falloir que j’apprenne à tourner sept fois ma langue dans la bouche avant de prendre la parole. Car à force ça devient lassant de se sentir comme les gamins en faute pour un truc qu’ils ne font pas volontairement… Encore une fois, merci à mon agent de m’avoir embobiné la dedans ! Pfff ! Qu’allais je pouvoir bien dire à présent ? Le mensonge je détestais cela et ce n’était point mon genre de raconter n’importe quoi. Donc sur le coup du stress et de la nervosité, je plaisantais sur un des mots que la miss avait employé. «  Viable ? Heureusement que tu me trouves viable, sinon les gens se poseraient des questions si tu parlais à un mort… Ou pire encore : toute seule ! » Bon d’accord, ce n’était pas du tout risible. Surtout dans un pays aussi ouvert que le nôtre : les Etats-Unis d’Amérique. Ici on peut trouver de tout et n’importe quoi. Alors une fille parlant seule, ce n’était pas si étrange que cela. Cependant ma remarque montrait bien mon malaise en public. La cause principale étant les paparazzis qui s’étaient fait un malin plaisir à briser ma carrière au campus. Maudite célébrité ! Je revoyais encore les gros titres en passant devant un stand de ournaux avec Sawyer. L’acteur qui joue le professeur pour se farcir une étudiante ! Et j’en passe pour des vertes et des pas mûres pour toutes les horreurs publiées sur mon dos.C’était fou de voir à quel point l’encre noire déversée sur ces satanés bouts de chiffons pour enrichir les uns et faire le malheur des autres… Heureusement pour moi, Sawyer ne semblait être au courant de rien. «  Pour le film, je n’ai envie d’en discuter. Ce projet là n’est pas le meilleur que j’ai réalisé. En revanche, j’essayerai de te venir sur le plateau d’un autre tournage si tu veux. Mais bon il n’y a pas énormément de différences avec le tournage d’une série. Après c’est une question de budget surtout qui différencie le tout. Car avec des moyens financiers illimités, tu peux faire beaucoup plus de choses que si tu n’as pas de tune. Enfin logique quoi. » Comment savais je le statut de ma collègue en dehors du tournage ? Ce n’était pas avec ses questions, non. En fait, j’avais gardé contact avec la personne qui m’avait remplacé dans le corps professoral. Cette dernière étant dépassée par mes méthodes de travail hors norme, les étudiants lui réclamaient des cours plus interactifs. J’étais le genre de prof qui préférait la pratique à la théorie. Et les jeunes en redemandaient. «  Etudier, hum non… J’ai fait mes études à L’University of Southern California. » J’évitais soigneusement d’évoquer mon passage à Berkeley. Puis à force de papoter, nous nous étions déjà rendus au bar. Là où Sawyer me fit un mini cours sur les filles. Ce qui entre nous n’était pas négligeable. «  Ah okay ! Merci pour le tuyau. » Nous entrâmes dans le lieu et nous asseyons au comptoir. Le barman vint prendre notre commande. Pour ma part, je ne pris qu’un verre d’eau. Malgré ma séparation avec ma femme, je refusais catégoriquement de replonger dans quelconque dépendance. «  Sinon à part la série et les études, tu fais quoi de beau dans la vie ? »

De l’atmosphère assez tendu, l’ambiance se détendait petit à petit. Le sujet sur les monologues tournaient à la plaisanterie. Ce que nous faisait sourire autant l’un que l’autre. « Oh mais tu sais, tu n’as pas forcément besoin de placer des mots pour que les gens te regardent bizarrement dans le métro. Je me rappelle de la fois où je partais auditionner pour un court métrage muet. C’était pour faire un remake d’un sketch de Louis De Funès. C’était un acteur comique français. Je devais interpréter une scène où il faisait énormément de grimaces. Enfin je ne sais pas si tu connais le personnage… C’était un sacré homme. Et je me suis rendu compte que je répétais ses mimiques sur le trajet pour me rendre au studio. Quand je revois les têtes des gens, c’est à mourir de rire. Mais bon je peux te bien t’avouer que sur le coup, je me serai bien caché dans un trou de souris ! » Enfin bref, nous, acteurs, en fin de compte, nous sommes tous les mêmes dans des circonstances comme celle là. « Une petite fille m’avait reconnu dans le people parce qu’elle adorait un des films dans lequel je joue et m’avait demandé un autographe. » Je restais pensive quelques secondes avec un petit sourire sur le coin des lèvres. « C’était la première fois que je signais un autographe. » Quel beau souvenir ! « Elle était blonde aux yeux bleus. Et devait peut être avoir sept ou huit ans… Elle s’appelait Candice… » Ca faisait chaud au cœur de se remémorer ça…

Nous parlions ensuite très brièvement soit il du film que je réalisais ces temps ci. Préférant passer à autre chose, Sawyer m’avoua qu’elle aimerait bien savoir l’effet que cela fait lorsqu’on est derrière la caméra. « Bon normalement je n’avais pas encore le droit d’en parler mais je vais te le dire quand même : le prochain épisode, je dois le réaliser. Je tenterai de convaincre le grand chef pour t’avoir à mes côtés en temps que… Euh… « Stagiaire » ? Si cela te tente… Mais je ne te promets rien. » Bizarrement, je sentais que j’allais me faire taper sur les doigts par le boss. Enfin nous verrons bien en temps et en heure ce que cela donnera…

Dans le bar, je m’étais commandé un simple verre d’eau. Sur le coup, c’était la première chose qui m’était passé par la tête. En réalité, depuis le départ de ma femme, je n’avais plus envie de rien. A seule exception de garder ma promesse envers mon ex. C'est-à-dire de ne plus toucher à une seule goutte d’alcool. « Tu es sûre d’être une simple secrétaire ? Parce que, je ne sais pas, tu sembles hésitante avec l’appellation de ton poste… » De mon côté, comme j’avais perdu ce qui n’était de plus précieux, je ne savais pas trop quoi dire. Mais je n’aimais pas mentir non plus alors… « Mis à part le travail, encore le travail et toujours le travail… Euh… Pas grand-chose… Le cinéma !? Enfin inutile de le préciser je pense… » Je pensais à Romane. Inlassablement, je me demandais où était elle et que faisait elle. Avec qui était elle… Mon sourire s’effaça et mon regard se plongea sur le verre d’eau que je tenais dans la main.