(c) huntingtimedetective

« Stephenson, allongez-vous par terre. » Il avait pourtant dit cela de la façon la plus distincte possible, cependant personne dans la salle de classe n’avait bougé, aucune mouche ne s’était faite remarquée non plus. Avait-il dit quelque chose qu’il ne fallait pas ? « Un quelconque problème de surdité peut-être, Stephenson ? » Tous les étudiants se regardèrent, échangeant des regards surpris, presque gênés. Nick fronça soudainement les sourcils. Pourquoi semblaient-ils tous subitement incapable d’une quelconque action intelligence et digne d’intérêt ? « Un souci, peut-être ? Stephenson, merci de bien vouloir venir ici et de vous allonger. Vous allez me servir de victime, j’ai besoin d’illustrer mon exemple. » Le jeune homme de vingt ans quitta finalement sa place pour venir s’allonger juste devant son enseignant de criminologie dont le regard s’était comme subitement…assombri. C’était définitif, ce nouveau prof était carrément flippant ! Nick s’agenouilla, plaçant les bras et jambes de l’étudiant de façon bien précise, mais ce fut évidemment sans compter sur la crispation du jeune homme qui refusait clairement de se laisser faire. « Stephenson, comment suis-je censé vous expliquer si vous ne vous laissez pas faire ? » Sortie de son contexte, la question aurait clairement pu paraître déplacée. Heureusement, tous ici savaient très bien ce dont il s’agissait. S’ils souhaitaient réellement en savoir plus sur la méthode de déduction en criminologie, ils devaient se montrer coopérants, sans quoi ce cours n’avait absolument aucun intérêt, Nick le savait mieux que personne. Une fois que son étudiant eut accepté de se laisser faire, Nick commença à procéder au développement rapide des premières preuves ne devant pas laisser quiconque indifférent. S’ils étaient ici, c’était pour apprendre mais surtout voir les choses ! Et Nick s’assurerait de cela. Il n’avait certainement pas fait 10,000 kilomètres pour ne rien avoir en retour.

(…)

« Tâchez d’être plus réactifs et plus rapides la prochaine fois ! » Alors que les étudiants quittaient la salle de cours le plus rapidement possible, Nick Clark rassemblait en un rien de temps toutes ses affaires qu’il mit en vrac dans son sac avant de mettre sa veste de costume sur le dos et d’empoigner la hanse de son sac à dos. Refermant la salle derrière lui – sans pour autant la fermer à clef – Nick s’immobilisa quelques secondes, un petit sourire au coin de ses lèvres s’affichant. « Aucun patient à voir, docteur ? » Il se retourna alors, sensible au froncement de sourcils de son ami qui était clairement en train de se demander comment il avait possiblement pu savoir qu’il était derrière lui alors que rien n’avait pourtant laissé paraître que c’était effectivement le cas. « Oh je t’en supplie, ne sois pas aussi ignorant que ceux dont je viens de subir la présence pendant une heure, tu veux ! Je savais que c’était toi à la seconde où j’ai senti ton parfum. Eau de parfum de chez Armani. Tu te souviens, j’ai un article détaillant à peu près toutes les sortes de fragrances existantes, tu devrais le relire. » Fier de son petit effet, il continua, si bien lancé. « On sort ce soir. J’ai besoin de toi sur une enquête. »
La police était sur une nouvelle enquête concernant un meurtre ayant eu lieu quarante-huit heures plus tôt à l’est du centre de San Francisco. L’inspecteur en charge de l’enquête avait vite dû reconnaître que les preuves qu’ils avaient retrouvées ne les menaient strictement nulle part. Alors, comme cela arrivait régulièrement depuis quatre mois maintenant, il avait fait appel à Nick qu’il avait en horreur mais dont il connaissait maintenant bien les prouesses. « Oh, et n’oublie pas de ramener de quoi nous éviter une mort certaine. Quelque chose me dit que ceux-là ne seront pas des plus commodes. Un peu trop brutaux, ces Américains, tu ne trouves pas ? Vingt heures devant chez moi. » A peine eut-il fini qu’il commençait à partir, laissant son ami là, sur le tas. Quand soudain, il sentit une forte poigne lui saisir l’avant-bras. Intrigué, il se tourna vers son ‘attrapeur’. « Un problème, docteur ? » Il l’appelait très souvent comme ça, sans raison apparente. Il était bien médecin, après tout.

(c) huntingtimedetective

« Pardon ? Ah non ! Non, Nicky, je regrette, pas ce soir. Aucun soir, d’ailleurs. Tu as déjà oublié ce qui s’est passé la dernière fois que tu m’as dit ‘j’ai besoin de toi, on sort ce soir’ ? » Nick sourit en se remémorant cette fameuse soirée où un couteau l’avait frôlé d’un peu trop près au goût du médecin qui avait dû s’occuper de l’homme, à peine blessé. « Il trompait sa femme ! Je ne pouvais pas ne pas le dire ! » S’exclama-t-il, levant les bras au ciel comme si ce que venait de dire son ami tenait de l’aberration la plus intolérable qu’il soit. « Tu….tu as dit : mort certaine ? Tu l’as dit, avoue ! Je te préviens Nicky, il est hors de question que cela se passe comme la fois dernière ! » Nick sourit à nouveau, de façon très discrète cependant. Il n’aura pas fallu plus de deux minutes pour que Noah craque et ne décide de venir avec lui, le soir venu. Evidemment. L’action lui manquait. « Relax, tout ira comme je le veux, doc’. Vingt heures. Ne sois pas en retard, je ne voudrais pas qu’on rate le plus gros du spectacle. » Toujours très vague dans ses propos, Nick se dégagea de l’emprise de son ami avant de partir en direction du bureau qu’on lui avait attribué à son arrivée ici, en Janvier. Le fait de savoir qu’il n’irait pas seul dans cette nouvelle « épopée » lui plaisait. Lui qui ne supportait pas la présence des gens de façon générale avait pourtant bien du mal à se passer de celle de Noah Clives, plus communément appelé « Docteur ».

(…)

Toute au long de l’après-midi, Nick avait envoyé des informations plus ou moins précises sur ce qui les attendait ce soir à Noah sans jamais avoir de réponse. Il le connaissait occupé, mais savait exactement la raison d’un tel silence. Il ne parvenait pas à avaler son absence durant ces dernières semaines. En effet, Nick était parti à la conquête de New-York pendant un certain laps de temps durant lequel il avait été affilié au FBI – qu’il avait d’ailleurs trouvé affreusement lent quant au bon déroulement de leurs investigations – au sujet d’une affaire de serial killer un peu...hors normes. Toute cette affaire s’était révélée un peu plus longue que prévue mais n’avait fait qu’occuper Clark, ce qui l’avait ravi plus qu’il n’aurait pu initialement l’imaginer.
Cependant, cette affaire l’ayant éloigné de la Californie pendant un moment, et n’ayant donné de nouvelles à personne, préférant éviter de mettre quiconque en danger – et en particulier son fidèle compagnon, Noah – le natif de Leeds avait préféré ne jamais répondre à ses nombreux appels et sms. On pouvait dire que ce médecin était des plus fidèles qu’il soit en amitié !

(…)

Huit heures sonnait. Tout comme la sonnette de sa porte d’appartement. Toujours à l’heure, décidément. Parfait. Nick qui avait revêtu une chemise violette alla répondre à la porte, l’ouvrant sur un homme apparemment peu ravi d’être là, aux premiers abords cependant. « Ne fais pas cette tête, veux-tu. Tout ira parfaitement bien ! Tu vas adorer ça ! » Nul besoin de faire tout un speech sur ce qu’ils savaient déjà l’un comme l’autre. Noah s’était habitué aux frasques de Nick, les ‘enquêtes’ personnelles en faisant clairement partie.

(c) huntingtimedetective

« Non. NON, Nicky ! Toi, tu adores ça ! Moi je ne fais que te suivre en espérant que…. » Manifestement, Noah n’était pas des plus ravis d’être ici en ce moment. C’était bizarre, depuis quand exactement n’était-il plus excité à l’idée de partir à l’aventure, comme il disait si bien ? « Qu’est-ce que c’est que cet accoutrement ? Depuis quand est-ce que tu aimes la couleur violet ? » Haussant un sourcil, Nick se regarda dans la glace située dans l’entrée de son appartement. C’était un petit deux pièces, tout ce qu’il y avait de plus simple. Nick avait trouvé son prix de location suffisamment attractif pour le prendre, le temps de son séjour ici, en Californie. Il savait que tout ceci ne durerait pas, de toute manière. « Quoi ? Qu'est-ce qu’elle a ma chemise ? » Il se regarda à nouveau dans la glace, ne comprenant pas ce soudain questionnement de la part du médecin. Ce dernier avait de ces questions parfois. C’est alors qu’il posa une question à laquelle l’enseignant en criminologie ne s’était guère attendu. « Tu as un rendez-vous galant ? » Nick se tourna vers son supposé ami, lui lançant un regard trahissant à la fois son incompréhension et son agacement. En quoi une chemise saurait déterminer ou non s’il avait un ‘rencard’ exactement ? Et puis, pourquoi sous-entendait-il que Nick pouvait avoir un quelconque ‘rencard’ au juste ? Voilà bien un sujet que les deux hommes n’abordaient strictement jamais, excepté ces fameux soirs où le médecin déprimait et buvait à outrance pour oublier, en la présence de Nick qui l’écoutait alors déblatérer tout ce qu’il pouvait bien avoir sur le cœur dont son terrible passé amoureux dont, certes, Clark n’avait cure, mais vu la façon dont toute cette affaire semblait toucher son seul ami, l’homme faisait l’effort de suivre, même s’il devait reconnaitre que Noah était des plus ennuyeux dans ces moments-là. Un jour, alors que Noah et lui discutaient de l’intérêt des relations et sentiments, le médecin lui avait expliqué que se montrer attentif aux problèmes des gens qu’on côtoyait était une marque de respect, en particulier en amitié. Les sentiments…voilà bien une chose que Nick n’avait jusqu’alors jamais tellement compris. Pour lui, tout ceci n’était qu’une histoire de sciences et de chimie, rien d’inexplicable en d’autres termes.

« Le seul 'rencard' que j’ai comme tu dis, tu l’as aussi, et c’est à King Street. D’ailleurs, nous ferions mieux d’y aller tout de suite si on ne veut pas manquer le grand spectacle. As-tu pris ce que je t’ai demandé ? » Il avait besoin de s’assurer que Noah aurait de quoi leur éviter de finir dans de sales draps. Quant à Nick, lui aussi disposait de quoi les ‘protéger’. Il alla jusqu’à son armoire dont il ouvrit le premier tiroir duquel il sortit un Sig Sauer noir. Voilà sa garantie face à un certain danger de mort. Qui sait ? Les rues californiennes ne sont pas les plus sûres que le monde ait connues. Du moins, comparé à Londres, ça ne l’était pas. « Prêt ? » Demanda-t-il alors qu’il planquait son arme dans son dos, l’attachant comme il pouvait à son jeans. Cette affaire serait réglée en moins de deux, il le savait déjà.

(c) huntingtimedetective

« Non, rien. Elle te va très bien. » Nick fut subitement comme…gêné. Voilà bien longtemps que quelqu’un ne lui avait pas fait le moindre compliment, que ce soit sur son apparence physique ou sur autre chose à vrai dire. Son habilité à la déduction laissait souvent les gens énervés, et les noms d’oiseaux fusaient plutôt qu’autre chose. Ainsi, présentement, l’homme fut quelque peu pris au dépourvu. « Me…merci. » Murmura-t-il, ne voulant pas prendre le risque de s’exclamer. Les formules de politesses, il les connaissait mais il n’en était pas un très grand adepte, il devait le reconnaître.

Quel soulagement ce fut pour le professeur en criminologie lorsque son ami lui présenta des seringues contenant de quoi apparemment assommer quelqu’un pendant un moment. Lui-même ne savait jamais sur qui ils pouvaient tomber, ainsi, Nick préférait ne prendre aucun risque – bien qu’il se fichait pleinement d’être blessé ou non. Ce qu’il ne voulait pas, c’est que le médecin le soit. Depuis qu’ils formaient ce « duo de choc » Nick devait reconnaître qu’il s’était habitué à la présence de l’homme dans sa vie et ne la considérait plus sans. On ne pouvait pourtant pas dire que Nick Clark était la personne la plus attirante au monde pourtant, alors évidemment, pour une fois que quelqu’un avait osé l’approcher et l’appréciait, il avait tout fait pour s’assurer de la survie de cette nouvelle forme de relation : l’amitié. Un mot que le jeune Clark n’avait jamais eu l’occasion de connaitre jusqu’à sa rencontre avec le médecin. « J’espère que nous n’aurons pas besoin de nous en servir. » Nick se retint d’ajouter un « Tu n’es pas le seul. » pour ne pas paraître trop faible face à la situation. Il devait être infaillible et ne jamais se montrer hésitant. Jamais. Lorsqu’une enquête s’offrait à lui, il sautait sur l’occasion, mais n’y allait jamais seul, du moins presque jamais.

Une voiture les attendait en bas. En effet, Nick avait au préalable appelé un taxi qui les conduirait jusqu’à la rue ou il pensait pouvoir trouver le pourquoi du comment d’une enquête sur laquelle la police locale semblait avoir bien du mal à avancer. La course fut rapide. Il ne leur fallut pas plus de quinze minutes pour être sur les lieux du crime s’étant produit quelques temps plus tôt. Payant le chauffeur de taxi, Nick sortit le premier du véhicule, laissant à peine le temps à son compagnon de comprendre. « Alors nous y voilà. » Se frottant les mains, Nick parut tout à coup excité. Enfin quelque chose à se mettre sous la dent dans cette ville ! Le champagne aurait presque été de sortie. « Les inspecteurs m’ont dit n’avoir pas trouvé l’arme du crime, et le peu d’empreintes laissées par les agresseurs n’ont rien donné. Je sais ce que tu vas me dire. Oui, les agresseurs. Ils sont persuadés qu’il était seul, mais c’est impossible. La victime était âgée de quarante-sept ans et faisait quatre-vingt-douze kilos. Comment un seul homme aurait pu transporter le corps d’une personne d’une telle corpulence ? Ils étaient forcément deux. Des hommes ? Evidemment, des hommes, mêmes trois femmes n’auraient pas suffisamment de force pour cela. Sans compter que les traces de pas que tu vois là… » Il désigna de légères traces au sol, non loin d’eux. « …sont définitivement celles de pas d’hommes. » La machine à déductions était lancée et plus rien ne semblait pouvoir l’arrêter actuellement.

« Henry, grouille-toi ! On récupère l’arme et on s’taille d’ici ! » Nick fit signe à Noah de ne plus bouger. « Pile à l’heure. » Murmura-t-il en se cachant derrière deux bennes à ordures, accompagné du médecin. « Qu’est-ce que je disais… » Lui dit-il, toujours en murmurant. Le tout était de rester le plus calme possible. Il était maître de la situation, comme toujours.

(c) huntingtimedetective

Nick Clark était et restait quelqu’un de détaché, une sorte de Spock des temps modernes. Aux yeux du monde entier, du moins. Cependant, il lui était clairement impossible de laisser quoique ce soit arriver à ceux à qui il tenait. Autant dire qu’il ne s’agissait pas de beaucoup de personnes. Mais Noah était malgré tout l’une de ces personnes. Bien qu’il l’entraîne constamment dans des aventures relativement extravagantes et parfois dangereuses, jamais, au grand jamais il ne laisserait quiconque faire du mal à son ami. Jamais. « Et maintenant, qu’attendons-nous au juste ? » Nick eut un petit sourire en coin, ravi qu’il ait posé la question. Murmurant à son tour, le détective consultant répondit. « Il se trouve que je compte les prendre en flagrant délit. Ces deux types ne sont pas venus ici pour une promenade de santé, vois-tu, docteur. » Il mit ensuite son doigt devant ses lèvres, faisant alors signe à son acolyte de ne pas dire un mot de plus, au risque d’être découvert, cela étant à éviter du mieux possible. L’heure était à la patience et non à la précipitation.

Observant avec précisions les deux criminels activement recherchés par la police de San Francisco, Nick ne mit pas longtemps avant de remarquer la claudication de l’un des deux, comprenant alors où s’était logé le coup de feu dont certains témoins disaient avoir entendu la portée de l’autre côté de la rue. En effet, le rapport de police indiquait une défense plutôt costaud de la part de la victime qui était apparemment parvenue à se saisir quelques instants de l’arme de l’une des deux criminels pour le retourner contre l’autre. Une chance qu’elle n’eut que très peu de temps puisque sa mort avait suivie.

« Tu l’as trouvé ? » L’autre homme nia d’un signe de tête rapide. Ils semblaient pris au dépourvu. « Putain mais elle doit bien être là pourtant ! » Nick eut de nouveau un sourire au coin des lèvres, regardant son ami jouant pour le moment le rôle de son ‘assistant’. C’est alors qu’il se leva, se montrant à jour aux deux assassins. « Vous cherchez quelque chose, messieurs ? » Nick leva vers eux le bras droit au bout duquel se trouvait une arme à feu qui n’était définitivement pas la sienne. « Oh, mais ne serait-ce pas l’arme qui vous a servi l'autre jour ? » Les deux hommes se regardèrent, pris de court, incapables de prendre la moindre décision sur la bonne manière d’agir actuellement. Devaient-ils lui sauter dessus et le finir à coups de poings et pieds ou devaient-ils jouer la carte de la surprise.