Les querelles s'étaient montrées absentes durant une longue période, pourtant, cette semaine, elles venaient d'être rappelées au galop, ramenées subitement par un vent glacial qui venait se heurter face à la chaleur annonçant l'été. 
Le cauchemar débutait alors deux jours plus tôt, découvrant la scène du crime en fin de soirée. L'angoisse s'était éprit d'elle, après l'avoir ensorcelée durant des minutes qui se métamorphosaient en de longues heures. Elle avait beau se concentrer sur l'organe qui lui permettait toute réflexion, son esprit ne parvenait pas à lui fournir une explication rationnelle qui parviendrait à résister contre la brume épaisse et noire qui encerclait ses sens. La certitude la hantait pourtant, elle était certaine de l'avoir laissée sur le parking, et sa certitude était si grande que ses lèvres ne s'autorisaient plus que des murmures dévoilant des paroles ne passant que par le désespoir. Non seulement elle allait devoir rentrer à pied, mais en plus de cette situation déjà bien déplaisante, elle devrait faire face à la fureur de son père qui ne serait qu'amplifiée face à la découverte de ce fait déstabilisant. Quinn s'était déjà autorisée cet emprunt sans doute inapproprié, mais le plus sombre restait encore à venir. Elle percevait déjà la réaction de son père qui la blâmerait pour avoir emprunter l'une de ses voitures à la place de la sienne, mais encore plus pour l'avoir égarée.

La folie ne l'habitait pas encore, et elle savait que la voiture de son père ne s'était pas volatilisée par ses propres moyens, elle se souvenait exactement du dernier regard qu'elle avait posé sur ses courbes, et ses portières verrouillées. Deux jours que cet incident s'était produit, et deux jours que l'ouïe de Quinn se voyait offrir les plus beaux murmures émit par son père. L'argent n'était pas facteur d’inquiétude, la seule raison qui le faisait sortir de ses gongs était sa naïveté qu'il blâmait par dessus tout.

La journée terminée, elle se voyait encore dans l'obligation de rentrer par ses propres moyens, punition exigée par son père qui ne semblait pas parvenir à maîtriser ses pulsions. Sa mère s'était alors bien proposée de venir la rechercher, mais sa vie professionnelle l'en empêchait .. Quant à son frère, il était inutile de lui demander quoique ce soit de ce genre. 
La tête inclinée vers le sol, ses yeux toisaient le parterre, tandis que ses jambes la menaient à l'extérieur des locaux. Sa main droite s'égarait dans les coutures sinueuses de son sac à main, cherchant habilement son téléphone portable, quand celle-ci releva la tête, les yeux soudainement attirés par l'objet de ses ennuis. Sourcils froncés, l'effigie de statue s'empara d'elle durant quelques petites secondes, avant que ses paupières ne viennent brisées cette immobilité qui n'était qu'apparence, son esprit tentant de recomposer les pièces du vase souillé. 

Avançant à un rythme égal à celui d'une chenille, ses yeux ne se détachaient pas de la voiture, sans doute par crainte que celle-ci ne se dérobe d'elle une seconde fois. Elle l'observait avec curiosité, comme envoûtée par sa présence. Un détail vint alors corrompre le fleuve de ses pensées, ce jeune homme qui se situait à une distance trop faible pour être innocent dans toute cette histoire. Le fixant avec intensité, le regard aux allures d'assassin, elle s'apprêtait à partager sa fureur, et après tout, peu importait les jugements hâtifs, elle était persuadée qu'il détenait un rôle majeur dans cette disparition. « Ca vous arrive souvent d'emprunter les affaires des autres? Ou plutôt devrais-je dire voler ! Oh mais je vous en prie, faîtes comme chez vous ! Oh pardon, c'est déjà fait! » Son ton n'exprimait aucune colère apparente, c'était tout le contraire. Elle était relativement posée et jouée la note de l'ironie. Elle observait minutieusement le jeune homme qui se tenait devant elle, et autant dire qu'il ne s'attendait certainement pas à voir arriver telle une furie, une jeune femme paraissant presque inoffensive. Seulement, les apparences demeuraient trompeuses, car si le jeune homme espérait s'en sortir sain et sauf, il se trompait largement.« Vous avez plutôt intérêt d'être convaincant si vous ne voulez pas que mon père vous colle un procès à votre arrière train. Ou alors, de posséder un avocat digne de ce nom. » Les menaces venaient d’être lancées, et Quinn s’impatientait de voir ce que le jeune homme allait bien pouvoir trouver pour plaider non coupable.

Elle avait un visage fin, des fringues sans doute bien plus chères que les miennes et elle me regardais avec... suspicion. Comment lui en vouloir, cette jeune femme était la propriétaire de ce magnifique bolide et sa voiture avait du lui manquer cruellement pendant deux jours... Comme c'est affreux. Deux jours de pur bonheur pour moi. Déjà la course m'avait permis de m'enrichir, car mettre sa vie en jeu a, parait-il, un prix et comme c'était une course importante... elle m'avait permis de considérablement m'enrichir, de quoi me redonner le sourire.
Quelques vols comme ça, quelques courses gagnées et bientôt je pourrais me payer des leçons de vol et une bonne voiture. Tout ça ne pourra se faire que si la police n'est pas au courant de mes magouilles. Ca, ce n'est pas gagné, déjà parce que l'un de mes chers élèves de Chimie a menacé de me dénoncer pour la drogue et ensuite parce que la magnifique blonde qui se dirigeait vers moi, là, sur le parking de Berkeley, n'avait pas l'air de croire à mon air innocent.
Je souris légèrement. Elle avait de la fougue mais elle n'était pas en train de hurler de colère. Elle parlait presque avec... malice et... ironie. Étonnamment, j'aimais ça pourtant ses propos ne m'enchantaient guère. Menace de mener l'affaire devant la justice... Il en fallait moins pour me faire pâlir et d'un léger tapotement sur ma cuisse je remis mon pantalon en place pour que mon bracelet de localisation soit bien caché : si elle apprenait que je n'en étais pas à mon premier vol, elle aurait sans doute moins de scrupules à me voir croupir en prison quitte à peut-être condamné l'humanité entière en la privant du futur prix Nobel de physique nucléaire...

Bon, ne nous emballons pas. L'idée de retourner croupir en prison m'était insupportable. Les quelques mois que j'avais passé en taule m'avait beaucoup appris sur moi et je n'étais pas de ceux qui préféraient vivre en prison plutôt que mourir. Au contraire.
Je me haïssais donc là, sur ce parking, d'avoir été aussi peu prudent. J'aurais du laisser la voiture ailleurs, peut-être la revendre pour une bonne centaine de milliers de dollars. Ma gentillesse me perdra un jour, vous verrez. Je priais juste pour qu'elle ne me perde pas en cette belle matinée sur le campus de Berkeley quelques heures avant mon TD.

- Excusez moi... Qu'est-ce qui vous permet de m'accuser comme ça ? Je suis Joshua Lawrence, heureux possesseur de la Fiat là-bas et juste prof de physique alors, oui, j'aurais aimé monté dans ce véhicule... non, je n'ai jamais pu conduire un Lamborghini. Et hypothétiquement, pourquoi blâmer le voleur puisqu'il vous l'a rendue au lieu de la revendre... Il aurait sans doute pu en tirer 200 000, non ?

La fiat appartenait à un autre prof de physique qui n'en était pas très fier et donc personne ne savait à qui elle était. Désormais, elle serais à moi. Non, je ne la conduirais sans doute jamais, dieu soit loué mais ça me faisait une belle couverture. J'esquissai un sourire mais je n'étais pas fier. J'avais beau avoir le grade de professeur, j'étais juste le même petit voleur de médeux qu'hier à New York. J'esquissai un geste pour montrer que j'avais des choses à faire en salle de prof... c'était en partie vrai, j'avais encore passé une nuit blanche, carburant au red bull et à la vodka toute la nuit pour craquer les codes du FBI permettant de crypter mon bracelet et j'avais vraiment besoin de ce café. Et aussi de faire quelques photocopies.

L'emportement pouvait s'avérer déclencheur d'ennui, accusant à tord des personnes suspectes, le tout sans preuves apparentes. Pourtant, un seul coup d’œil avait suffit à la blonde pour qu'un soupçon ne naisse en elle, laissant même ce comportement anodin sous un parapluie tissé anormalement. En seulement quelques secondes, elle devenait détective privée, ses yeux scrutant l'entourage, à la recherche d'un quelconque indice qui aurait pu lui souffler une bonne conscience, et chasser ces doutes, qui s'étaient formés sans complexité après ses belles paroles. Son regard le jaugeait entre deux repérages, et son esprit venait s'ajouter à ce manège initialement enfantin qui virait à l'enfer. Réfléchir qui s'avérait dans de nombreuses situations nécessaire, devenait en cet instant un handicap de taille qui se mêlait au soulagement. Son père risquerait sans doute de desserrer l’étau dans lequel elle se trouvait, mais ne lui accorderait certainement plus la même confiance.

Jetant un rapide coup d’œil, elle établissait une étude des alentours, émettant diverses hypothèses sur le potentiel fauteur de trouble. Son esprit bien enlisé dans sa première impression, possédait un mal sans nom à envisager un autre coupable que cet inconnu. Pourtant, son visage ne le dénonçait pas comme un fraudeur, mais c'était bien connu. Les personnes aux gueules d'anges étaient souvent bien plus amenées à semer la pagaille, profitant des préjugés noircis vis à vis des innocents.

Le jeune homme qui se postait en face d'elle se décidait alors d'exprimer son point de vue, affirmant ainsi ses préoccupations primitives. En effet, la jeune fille n'avait ressenti aucun malaise pour l'accuser à tord, s'étant manifesté sans scrupule. Et la suite de ses propos ne faisaient qu'envenimer la situation. Il se présentait comme un professeur irréprochable, sans argent et qui travaillait à plein temps afin de subvenir à ses besoins. Durant un laps de temps très court, son esprit succomba à sa version des faits qui paraissait beaucoup trop parfaite pour être valable. Et en plus, il osait insinuer que l'auteur de cet événement se devait d'être acclamer? Ses pulsions initiales qui l'avaient menées ici, reprenaient avec facilité le dessus. Emprisonnée dans son idée première, elle voulait pousser l'accusation plus loin, et décrypter sa réaction. « Votre titre de professeur m'est bien égal. » Ce n'était certainement pas son statut qui l'empêcherait de poursuivre sur sa lancée, le statut de sa famille participant grandement à cette détermination pesante. « Et vous, vous pourriez certainement en tirer quelques années d'emprisonnement. » Elle savait que malgré la restitution des biens, si la plainte était maintenue, la sentence serait elle aussi adoptée. Pourtant Quinn n'avait jamais étudié le droit, mais son père était assez maniaque pour en avoir déjà bien assez parlé. Elle bluffait partiellement, mais son visage ne laissait rien transparaître, la volonté de découvrir l'auteur se manifestant de façon intrépide.

Le professeur semblait alors occupé par ses pensées, une pile de copie l'attendant certainement de l'autre côté de son bureau. Croisant les bras sur sa poitrine, elle le toisait une énième fois, comme si elle pouvait lire à travers lui, tels les héros de Walt Disney. « Après tout, si vous n'avez rien à vous reprocher .. vous pourrez dormir sur vos deux oreilles, pendant que je serais devant mon avocat. » Sourire sur les lèvres, c'était carrément de la provocation, mais ses propos énonçaient une vérité. Si le professeur était innocent, il n'avait aucune raison de paniquer.

Les arguments de Quinn n'étaient pas fabuleux mais ils me prirent à l'estomac... plusieurs années de prison, une sueur froide parcourut mon dos, je ne pourrai sans doute même pas supporter la prison deux mois de plus alors plusieurs années. D'un coup, je relativisai, ce n'était qu'un vulgaire vol de voiture, aucune tromperie et le fait que j'ai ramené le bolide par moi-même sans avoir fait l'objet d'une menace serait très bien vu par un juge... Oui, même si la famille de cette jeune femme avait un grand avocat à ses cotés, je pourrais bien m'en tirer.

Ca, c'est sur le papier mais lorsqu'un délinquant a déjà échappé à la police grâce à un accord étrange passé avec une université, on ne lui fait pas de cadeau lorsqu'il dépasse à nouveau la ligne blanche. Je fermai les yeux et repensai à mon... cher... colocataire en prison, là-bas à New York... Très cher colocataire. J'avais beau être ouvert à tout et être bissexuel, le sexe entre homme ne me dérangeait pas... au contraire. Lorsqu'il n'est pas choisi, c'est autre chose.
Je déglutis. Je n'aurai sans doute pas la même chance cette fois, je ne trouverai sans doute pas de job en prison ce qui me permettait d'avoir un peu plus de pouvoir sur les autres détenus et compensai mon aspect... frêle.

Il fallait éviter ça. Et... merde, j'avais rendu cette voiture ! Ils n'en auraient que pour 10 000 dollars maximum de réparation, ce n'est même pas un dixième de la valeur du truc et sans doute même pas un jour de revenu pour eux. Ca fait quoi ? Un sac Chanel en moins ? J'étais certain qu'il y avait moyen de s'arranger.

- Tu ne peux pas faire ça...

Le tutoiement était venu tout seul, nous étions tous les deux jeunes, inutile d'être si formel même si on parle de mon avenir ou plutôt de ma perte.

- Tu vas me décrire à ton avocat, qui doit être le meilleur de la ville voire de l'Etat. Il se fichera de savoir si c'est moi ou pas et sera très convaincant. Il m'enverra pendant quelques mois en prison, c'est assez pour détruire ma carrière, me détruire mentalement et foutre en l'air le reste de ma vie. Tout ça sur un pressentiment et pour un vol qui n'a sans doute pas eu de grave répercussions sur la tienne.

Il suffisait qu'elle aille voir un avocat pour que je sois à jamais viré de Berkeley, ce qui ne serait pas un drame en temps que tel mais qui m'enlèverait à jamais mes chances de travailler pour la NASA ou de participer au programme nucléaire des Etats Unis. Une seule décision pouvait influer sur bien des vies.

Le ton ne gagnait aucune rapidité, et ce, malgré la situation qui était propice à toutes sortes d'emportements violents. La sagesse était une attitude à adopter, mais la volonté saillante se devait d'être suffocante. Elle avait proféré des menaces à son égard, et ne regrettait absolument rien. Ce personnage dont elle ne savait rien ne pouvait lui provoquer qu'un sentiment haineux qui se voyait amplifié à la perception de ce tutoiement soudain. Leur relation ne reflétait aucune once d'amitié et de respect, pourtant, son visage ne portait guère davantage de traces d'une vieillesse supérieure à la sienne.

Sa première déclaration suscita une somnolence réelle. Elle ne pouvait pas? Mais savait-il seulement de quoi elle pouvait être capable? La réponse était affirmativement négative. Son esprit ne pouvait même pas s'autoriser un détour dans cette sphère là. Si son coeur le souhaitait, elle pouvait décider de détruire la vie de n'importe qui, en soufflant uniquement de douces paroles auprès de ses tuteurs. Ses propos venaient plus qu'êtres simplement confirmés, ils venaient d'être adoptés. Ses lèvres quant à elles suivaient encore ce chemin sinueux. Savait-il ce qu'elle avait du endurer durant ces deux misérables journées? Ses pieds s'étaient vu offrir un châtiment, une douleur qui cependant restait moindre face à l'habitude coriace que possédait ses pieds. Certes, la peine qu'elle avait enduré n'était en rien comparable à celle qui le menaçait de toute part, mais elle ne possédait aucunement l'intention de sortir de son état d'esprit qualifié de têtu.

Son destin venait d'être légué entre les mains habiles de la jeune fille, et pourtant, la responsabilité qui aurait du peser sur ses épaules étaient inexistantes. La certitude régnait malgré les possibilités avantageuses qui se mesuraient à elle. Ses intentions n'étaient pas celles d'une personne détestable, mais ne correspondait nullement à celles d'une fleur désarmée. « Vraiment, je ne peux pas? Mon père n'aura aucun scrupule sur ce sujet là. » Elle énonçait une vérité qui ne pouvait être désapprouvée. Quand il s'agissait d'affaire et de justice, son père était impardonnable, détestant ce sentiment qui amenait une quelconque nécessité de se rendre compte de ses erreurs. Rancunier? Cela ne faisait aucun doute, et la jeune fille ne cessait de se voir illuminer par cette absence d'hérédité. Cependant, elle serait dans l'obligation d'expliquer cette réapparition mystérieuse à son père, et si elle ne décidait de fournir que le cadre de la scène, les jugements excessifs de celui-ci se suffiraient à eux mêmes pour en tirer des conclusions hâtives. « Je sais tellement mieux maîtriser l'art du mensonge quand la vérité m'appartient. Dans le cas contraire, je peux me montrer désastreuse. » Cette phrase claironnait sur un air qui sifflait l'arrangement. Était-ce réellement ses intentions? Quinn se situait encore entre deux mondes qui la blâmeraient pour une prise de décision trop rapide. Ce qu'elle savait, c'est que le destin du jeune professeur n'appartenait qu'à lui même. « La vérité sort de la bouche des enfants Monsieur Lawrence. » Une énième certitude qui balayait cette fin de journée. Après tout, son corps avait beau avoir vécu durant vingt et une année, elle n'en restait pas moins une enfant aux yeux de ses parents.

Il fallait la jouer fine. Je savais que le reste de ma vie se jouerait sans doute sur les quelques minutes qui allaient s'écouler. La jeune femme en face de moi avait un regard vif et semblait plutôt intelligente, assez intelligente pour ne pas bousiller la vie d'un homme juste pour une minuscule vengeance. Du moins, c'est ce que j'espérais, je n'ai pas toujours eu de bons pressentiments sinon je n'aurais jamais fini en prison.
Elle voulait sans doute comprendre pourquoi.Pourquoi j'avais voler sa caisse et surtout pourquoi je la lui rendais. Je remis ma veste en place dans un geste rapide et répondis d'un bref hochement de tête à un élève qui me saluait de loin. C'était sans doute l'un de mes meilleurs élèves mais peu importait à ce moment là.

- La vérité ? Ecoute... tu peux dire à ton père que tu as un ami très stupide qui t'a volé la clé de la caisse et te la caché pendant deux jours pour te faire une blague.

Je hochai la tête, ça me semblait assez probable, les étudiants riches de Berkeley font souvent ce genre de blague à deux balles.

- Si ton père a besoin de voir cet ami pour lui remettre les points sur les i, je veux bien me porter volontaire et... je suis prêt à t'acheter une pair de basket et t'offrir une bière pour les ennuis que ça a pu te causer pendant deux jours. Ou des louboutins si tu préfères.

Je souris légèrement mais pas trop pour ne pas paraître insolent. Juste comme il faut pour essayer de la mettre demon coté. A vrai dire, j'aimais son regard, en quelques minutes, elle avait commencé à me plaire et il était vrai que lui payé une bière ne me dérangerait pas du tout... même une coupe de Moët s'il le fallait. Après tout la course avec la Lamborghini m'avait fait gagné un petit pactole et je pouvais me permettre quelques excès.

Sa détermination initiale se voyait authentique, inchangée et coriace. Et celle-ci ne percevait aucun affaiblissement quelconque, ce même en présence d'une personne placée plus haut qu'elle au sein de l'université. Après tout, son porte-feuille devait représenter une part infime de la fortune complète de sa famille, et la vérité appartenait aux moyens financiers. Personne ne se trouvait en mesure de nier les faits, l'argent demeurait source de curiosité, d'avidité.

Le jeune professeur semblait quant à lui entêté à ne rien dévoiler sur le fait qui lui avait causé quelques ennuis familiaux. Tous les opposaient: leur sexe, leur état civil, la longueur de leur cheveux, leur point de vue et leur objectif. Quinn souhaitait lui faire cracher le morceau, entendre de ses lèvres cette accusation désirée, quant à lui, il semblait vouloir décrocher une liberté sans conséquences. Il émettait une hypothèse que Quinn aurait pu soumettre à son père, et cette prise d'initiative la désespérait. Elle résonnait comme une offense à sa personne, son esprit se retrouvait doté de suffisamment de ressources pour que celui-ci trouve une idée similaire à celle-ci. Et voilà qu'il se portait volontaire pour représenter cet ami en question ! Ne pouvait-il pas simplement déclarer ces paroles sous la réelle parure? Il était coupable, ses propos étaient reçus de la façon suivante, ils le sous entendaient clairement, telle une évidence. « En effet je pourrais. » Mais la possibilité ne suscitait expressément aucune ambition.

La suite de ses propos la laissait perplexe. Il se situait dans une situation défavorable, et pourtant il ne perdait pas la raison, se risquant même à inviter la jeune fille. La réponse était sans aucune hésitation négative. L'inviter à rencontrer son père pour qu'ensuite des évènements indésirables se produisent? La seule rencontre qui serait envisageable, serait celle d'un conflit. Quant à ses baskets, il pouvait damner cette idée. Ces chaussures de sports étaient un accessoire inutile pour la jeune fille. « S'il y a bien une chose que je souhaiterais détenir, c'est savoir pourquoi me l'as-tu rendu, au risque d'en arriver là. » Au fond d'elle même, c'est sans doute ce qui l'interpellait le plus difficilement, surpassant même son côté joeur. La détention d'une telle voiture ne projetait pas le retour de celle-ci en cas de vol, pourtant, c'était exactement ce qu'il venait de se produire. L'objet porté disparu venait d'être restitué, et les risques s'étaient vu croître avec sa curiosité.

Le jeune fille semblait plus conciliante, je souris presque rassuré. J'ai cru voir la fin de ma vie arriver, entendre les flics débarquer, sentir le contact froid du métal des menottes sur mes poignets, revoir le morne gris des cellules et l'orange criard des combinaison de prisonnier. Mais là, le destin semblait être avec moi. J'avais été stupide. Pourquoi la rendre ? Pourquoi la rendre en plein jour plutôt ? J'aurais pu me montrer plus prudent mais récemment je me sentais invincible et c'était une grossière erreur qu'il me fallait tout de suite corriger.
En quelques heures, je pourrais me retrouver en prison bien loin de mes élèves, de ma thèse, de mon appartement, du soleil de San Francisco.

Le vent me fouetta le visage et je me mis à respirer à plein poumon, peut-être parce que j'avais conscience que j'étais à deux doigts de me faire enfermer pour un bon bout de temps.

- Pourquoi ramener la voiture ? Voyons... j'imagine que le voleur n'a jamais voulu garder la voiture plus de quelques jours ni la revendre... d'abord pour un soucis pratique, une telle voiture n'est pas facile à dissimuler ni à revendre sans tomber sur des flics en civiles... enfin c'est ce que nous font croire les séries policières en tout cas. Ensuite, le voleur aurait peut-être eu cruellement besoin d'une telle voiture pour un temps limité...

Je souris en repensant au sensations que j'avais eu lorsque je l'avais conduite pendant cette course que j'avais gagné haut la main ce qui me permettrait d'avoir bien assez d'argent pour me libérer de certaines obligations vis à vis de la mafia irlandaise et même de mener la belle vie durant quelques semaines.

- Ensuite, le voleur a du pensé au propriétaire car une lamborghini, ça se rachète sans problème lorsque l'on a les moyens mais pas celle-ci. A quelques détails de la carrosserie ainsi que de la peinture, on peut voir qu'elle est unique, il est donc impossible de racheter la même... Ensuite, je pense que ce cher voleur ne croit pas au vol et l'a rendu pour se... repentir.

Je hochai la tête, convaincu par ce que je racontais. Oui. En même temps, je pouvais le dire, je connaissais assez le voleur pour savoir pourquoi il a rendu un tel bolide.