Je me tourne vers le flic qui ne me lâche pas des yeux, petit sourire aux lèvres. J’admire son visage recouvert de mousse à raser, ses vêtements par un mélange qui ne partira jamais, fière. Ceci est mon œuvre, même si il y a de grandes améliorations à faire pour la fois prochaine.

« Et vous êtes fière en plus ?! »

Il me lance, la mine renfrognée, me faisant sourire de plus belle.

« Pas tout à fait, je considère que j’aurais pu faire mieux mais bon, je saurais me satisfaire de ça. »

Air de défi. Air provocateur. Air victorieux. Je sais qu’il n’a qu’une envie, m’éclater la gueule contre les barreaux de ma cellule, ah dieu qu’il en rêve. Tiens, il sourit, sans doute est-il entrain de bander à l’idée de m’humilier et de m’imaginer entrain de demander grâce. Ne rêve pas mon chou, je ne supplie jamais et ce n’est pas prêt de changer.

« Tu vas me le payer, crois-moi ! »

Il prend son air le plus terrifiant. Je fais mine d’être effrayée.

« Je m’ferais presque dessus tellement tu es impressionnant, je t’jure. »

J’éclate de rire et il se casse avant de commettre un acte qu’il regretterait sûrement. Dommage, vraiment dommage, cela aurait pu rendre les choses nettement plus intéressantes. Je suis intouchable. Est-ce pour cela que j’en joue autant ? Peut-être un peu. Super Papa David sera toujours là pour réparer mes conneries, ça fait pousser des ailes ce genre d’assurance. C’est réconfortant d’avoir un père aussi attentionné, qui serait prêt à tout pour nous satisfaire, nous aider, nous sortir de la merde. Oh, oui, c’est très agréable comme sensation. J’ai un petit rire froid. Quelles conneries. Je retourne m’asseoir sur le lit attend qu’il arrive, ce qui ne devrait pas être bien long. Il s’est depuis longtemps habitué à mes allées et venues chez les flics. Il connait la chanson, ce discours qu’il dit tellement souvent que cela en perd son sens et qu’il dira encore pendant un moment. Après tout c’est mon quotidien, le commissariat, les débordements, les manifestations et papa –j’ai un sourire mauvais- qui vient me sauver. C’est qui est bien, c’est qu’au moins on ne s’ennuie pas. Il devrait m’être reconnaissant pour ça. Je me couche sur le dos et attend. Putain, il a intérêt à se grouiller, ce soir j’ai un truc de prévu, encore une fête à laquelle je ne peux qu’assister et je ne tiens pas à croupir toute ma vie dans cet endroit. Un autre jour peut-être je me ferais une joie de casser les pieds aux flics mais aujourd’hui l’alcool, la musique assourdissante et les inconnus ou inconnues qui me finiront dans mon pieu priment. Soudain, j’entends des bruits des pas, des conversations étouffées et la porte de la cellule qu’on ouvre. Ah, tiens, en parlant du loup. Je redresse vivement, croyant avoir à faire à mon avocat de père adoptif mais ce n’est qu’un compagnon de jeu qu’on m’offre. Chouette, je ne vais pas me plaindre, elle est plutôt jolie.

« T’es là pour quoi ? »

Je lance après un moment. Directe, droit au but, à quoi perdre du temps en discussions inutiles.