La vie n'était pas aussi simple que Sydney et Dominic auraient pu l'espérer. Depuis qu'ils s'étaient rencontrés, un lien extrêmement fort s'était créé allant au-delà de la simple amitié au cours d'une période de la vie on ne peut plus complexe pour le séduisant Anglais qui avait enduré le deuil de ses parents ainsi qu'une zone de turbulences amoureuses. La présence forte de la blondinette l'avait aidé à délaisser la bouteille pour reprendre en main le cours de sa vie. C'est lors de ce choix que la révélation qui donna un autre sens à leur existence apparut : une lettre dans laquelle ils découvraient que le père de Dominic était également le géniteur de l'Égyptienne adoptée. Était-ce une surprise ? Au début peut-être... mais cela résonnait davantage comme une évidence. Sans connaître leurs histoires passées respectives par coeur, le frère et la soeur semblaient capables d'anticiper les réactions de l'autre avec une alchimie peu commune. Un lien de sang indestructible qui ne cessait de s'épanouir de jour en jour.
Seulement voilà, tout n'est pas tout rose. Cela aurait été trop beau qu'ils se tiennent simplement la main sur la terrasse de la villa qu'ils partageaient, face à un coucher de soleil somptueux, la tête de Sydney déposée sur la solide épaule de son aîné. Le destin leur avait joué de biens vilains tours ces derniers temps. Pour commencer, le violent traumatisme psychologique suite à la fusillade de Berkeley. Sydney s'était renfermée sur elle-même puisque cet évènement avait fait ressurgir des blessures pas totalement guéries, comme le meurtre de son demi-frère adoptif, Ethan, pour se protéger et protéger Max qui avait pris sa place au sein de leurs vies. De même, elle avait culpabilisé d'avoir forcé Cheyenne, Logan et Kilian à participer à cette fête de la Saint-Valentin qui tenait plus du désastre qu'autre chose : les rapports entre père et fils Salaun s'étaient incroyablement dégradés et Cheyenne avait perdu le bébé qu'elle portait. Culpabilisée à outrance, la blondinette s'était coupée de la société, hormis pour concentrer son attention sur son neveu. Sans le secours de Dominic, jamais elle n'aurait réussi à tourner la page... sans qu'ils soient toujours sur le dos l'un de l'autre, leur simple proximité effaçait les craintes et faisait ressurgir la sérénité.
Pour l'Epsilon, les choses n'avaient pas été simples non plus, loin de là. Lui qui traversait une période difficile avec Esmeralda, voilà qu'il devait accuser le mariage "par erreur" de cette dernière avec Andrea De Rossi, ainsi que la grossesse de la présidente des Sigmas. Une bonne nouvelle pour une mauvaise. La situation s'était récemment dégradée suite à un violent affrontement entre Dom' et son rival Italien qui faisait également la cour à Aislynn, la meilleure amie de Dominic... A quand la distribution gratuite d'aspirines pour arriver à tenir le fil de l'histoire ? Attendez, le pire est à venir : Sydney n'avait pas encore annoncé officiellement à Dominic que ce même Andrea l'avait mise enceinte par accident suite à une soirée un peu arrosée le lendemain de la Saint-Valentin. Cela faisait donc environ 2 mois de grossesse et une semaine qu'elle était au courant... heureusement, les formes d'une femme ne commencent réellement à augmenter qu'à compter de la seconde moitié du deuxième mois ou du troisième mois. Maintenant, il lui faudrait trouver le courage de lui annoncer directement avant qu'il ne l'apprenne de la bouche de quelqu'un d'autre.

La solution de la Bêta pour faire passer la pilule avant de lui annoncer la nouvelle ? Une journée en famille, à la fête foraine pour commencer. Ils avaient besoin de décompresser et faire parler leurs pulsions joueuses et taquines afin de faire le vide. Ne penser qu'à se faire plaisir. Quitte à faire la razzia sur toute la barbe à papa qu'ils trouveront, dégommer les passants avec des pistolets à eau, déconner au beau milieu du train fantôme pour effrayer les autres participants, se perdre dans le labyrinthe de miroirs... ici, ils pouvaient redevenir de vrais gamins sans le moindre interdit. Et autant dire qu'avec leurs esprits tordus lorsqu'il s'agit de lâcher la pression, les autres gens qui avaient décidé de faire un tour à la fête foraine ne seraient pas déçus du voyage.
L'Epsilon prit donc le volant à bord de sa splendide voiture pour quitter la villa et se rendre là-bas pour commencer... oui, pour commencer. Si ça se trouve, à la fin de la journée, ils se retrouveront dans une chambre d'hôtel hors de prix pour y faire les pires folies qu'on peut attendre d'un frère et de sa soeur qui ont décidé de ne se poser aucun interdit pour une journée. Lorsqu'elle descendit du véhicule sur le parking, la fashionista remit ses longs cheveux en place d'un élégant mouvement de tête en commençant d'ores et déjà à snober les passants grâce à une attitude typiquement british. Il faut croire que l'influence de Dominic faisait ressortir la fibre anglaise qu'ils partageaient grâce à feu leur père. Lunettes de soleil sur le nez, elle avait opté pour un haut en mousseline assez ample avec des épaules dénudées accompagné par un jean taille basse. Bottines compensées griffés Jimmy Shoes pour compléter son look soigneusement étudié, une vraie bombe en puissance. Dieu merci, elle arrivait encore à rentrer dans quelques uns de ses rares pantalons. Sydney accourut à côté de Dominic et passa son bras autour du sien en palpant son biceps puissant tout en levant la tête vers lui. "Aujourd'hui, t'es à moi." Un grand sourire joyeux et amusé se dessina sur ses lèvres alors qu'ils commençaient à marcher en direction de l'entrée de la fête foraine. "On fait ce que tu veux... mais dès que tu m'auras acheté une barbe à papa !" Dom' allait bien devenir père, non ? Il aurait déjà de l'entraînement avec Max... et sa petite soeur qui pouvait parfois se montrer aussi adorable et capricieuse qu'une enfant de six ans.

La relation qui unissait Dominic et Sydney était au-delà d'une banale relation de frère et soeur. Naturellement, lorsqu'ils s'étaient rencontrés, la jolie blonde avait fait preuve d'une immense sympathie envers un étudiant inconnu qui traversait une mauvaise passe, le rendant ainsi farouche, agressif, solitaire... Pourquoi s'était-elle intéressée à lui ? A l'époque, elle ne se doutait pas qu'il était issu d'une riche famille, elle n'avait pas eu l'intention de le mettre dans son lit - ou pas très longtemps, du moins... - et elle ne l'avait jamais croisé auparavant. A cela, Sydney répondrait que le hasard fait bien les choses. Sur plus de six milliards et demi d'habitants sur Terre, elle s'était liée d'amitié avec le seul membre de sa famille biologique : rien que pour ça, ils auraient amplement mérité de faire la une de plusieurs journaux. D'instinct, Sydney avait trouvé chez lui toutes les qualités qu'elle recherchait chez un homme. Protecteur, attentionné, gentil, drôle, rassurant... si vous y ajoutez les adjectifs "beau" et "riche" ainsi qu'un goût impeccable en matière de mode, vous aurez l'image que l'Égyptienne se faisait de son frère. Leur mère n'était peut-être pas la même mais la Bêta s'en fichait comme de son premier amant : elle voyait Dominic comme un frère à part entière. Comme de rares hommes en ce monde, il était son rocher au milieu d'un océan de troubles. Le pilier auquel se raccrocher en cas de tempête. On peut le dire, Sydney avait peut-être tendance à "idéaliser" l'Epsilon comme une petite fille le ferait avec son grand frère... mais jusqu'ici, elle n'avait jamais rien eu à lui reprocher.

Voilà la raison pour laquelle la fashionista se sentait tellement mal à l'aise en sachant qu'il allait falloir lui annoncer qu'elle était enceinte. Cette simple nouvelle allait peut-être le réjouir, lui qui aime tellement les enfants et qui s'apprêtait même à en avoir un dans quelques mois. Après tout, il s'était montré très largement à la hauteur avec Max. Sydney avait été très agréablement surprise de voir que malgré sa jeunesse, Dom' était on ne peut plus responsable dès qu'il s'agissait des enfants. En quelques semaines tout au plus, il avait réussi à créer un lien extrêmement fort avec son neveu, le petit blond considérant d'ores et déjà Dominic comme son "oncle ultra cool", selon ses termes exacts. Pourtant, Max ne faisait que très rarement confiance aux hommes, preuve que l'Epsilon n'avait pas son pareil pour s'attirer la sympathie des jeunes. Il ferait un père formidable, elle en était convaincue. Ainsi, Sydney était presque convaincue que son frère se réjouirait dans un premier temps de cette nouvelle : ils avaient tous les deux perdu leurs familles et la voir s'agrandir aujourd'hui pouvait leur apporter un semblant de réconfort... seulement voilà, le père de cet enfant va poser problème. Ca, elle en était certaine et elle redoutait la réaction du jeune homme presque davantage que la grossesse en elle-même. Sydney n'était certes pas tellement responsable de cette "bêtise" datant de près de 3 mois et qui l'avait conduite à porter un enfant aujourd'hui, mais elle ne pouvait s'empêcher de culpabiliser et se sentir fautive.

Un peu de détente ne leur ferait donc pas de mal, bien au contraire. Cela aiderait peut-être à faire passer la pilule... du moins, c'était à espérer. Vu la manière dont Dominic en avait voulu à son père, Sydney n'avait pas envie qu'il puisse nourrir à son encontre une haine similaire. Son bras enroulé autour du sien, elle le détailla des pieds à la tête d'un bref coup d'oeil, un petit tic de styliste. Seigneur, qu'elle pouvait être fière de savoir que l'Epsilon ne faisait jamais le moindre faux pas en matière d'esthétique. Sa plus grande hantise aurait été de se retrouver avec une famille biologique d'handicapés des apparences, or Dominic savait manier les styles avec un naturel désarmant. Sans doute un petit truc de famille. Chic et décontracté. En écoutant sa réponse, Sydney afficha un petit sourire fier et un port de tête supérieur : possessive, la frangine ? Oui, avec ce grand brun baraqué et beau comme personne, pas qu'un peu. Ils commencèrent à marcher et s'arrêtèrent au milieu de la foule qui se pressait à la fête foraine... de la barbe à papa, c'est bien... mais de là à la trouver, c'est une autre histoire. Et bien évidemment, l'orientation n'était pas leur point fort. Le seul endroit où Sydney était excellente pour se repérer, c'était dans un magasin de vêtements. Le frère et la soeur regardèrent autour d'eux comme de vrais touristes délaissés par leur guide puis ils s'observèrent en souriant. "Je ne sais plus... Attends, je vais t'apprendre un truc simple. La barbe à papa, c'est comme toutes les sucreries : ça se trouve à l'odeur !" Nez en l'air comme un chien de chasse, Sydney commença à avancer en se laissant guider par une odeur mélangée de pop-corn, de caramel et d'autres friandises qui indiquaient la proximité d'un stand. Allez, le ridicule ne tue pas... Bingo ! Il se dressa face à eux, de quoi faire un massacre et fusiller toute forme de régime diététique. "Bonjour, deux barbes à papa, s'il vous plait !" Une fois leur voluptueuse victuaille sucrée et rose à la main, les deux jeunes gens se mirent à marcher tranquillement entre les attractions avec une légère hésitation sur celle qu'ils allaient essayer en premier. "Bon, maintenant que nous sommes enfin tous les deux, racontes-moi tout ! Quoi de neuf dans la vie de mon frère chéri ? Hormis ces petites choses qu'on se dit au quotidien..." Les discussions de fond, ils en avaient, mais moins en présence de Max. Elle leva la tête vers lui et afficha également son plus beau sourire. "Si tu réponds, je te laisse choisir la première attraction, beau brun." Train fantôme, labyrinthe de miroirs (s'ils n'avaient pas peur de se perdre, vu leur médiocre sens de l'orientation), stands de tir, grand huit, manèges en tous genres... ils avaient l'embarras du choix !