Aller au bal, ce n’était pas prévu à la base. A vrai dire, alors qu’il marchait dans le parc de l’université de Berkeley, une étudiante qu’il avait rencontré quelques jours plus tôt était venue le voir, elle lui avait souri et lui avait timidement parlé du bal. Probablement qu’elle souhaitait qu’il l’invite, mais il ne l’avait pas fait, il l’avait juste remerciée avant de reprendre sa route, songeur, la laissant seule avec sa déception. Aller au bal, il n’en avait pas forcément envie au départ et pourtant, au fil de ses pensées, il se dit qu’au final, ce serait peut-être pas plus mal, pas pour le plaisir de danser non, ça il s’en fichait, mais aller au bal, cela lui permettrait de se faire connaître, de se faire apprécier pourquoi pas. Car il l’avait découvert sur la côte Ouest, le prestige étudiant, ça n’a pas de prix et puis, il aurait aimé intégrer l’équipe sportive de Berkeley, et pour cela, se faire remarquer, d’une manière ou d’une autre, en était un excellent moyen. Il croisa alors une brunette, une brunette qu’il connaissait et plutôt en détail même : Aleyna. Ils s’étaient rencontrés quelques temps plus tôt, lors de son arrivée à Berkeley. Désœuvré il était beaucoup sorti et lors d’une de ses soirées, il s’était retrouvé à danser avec elle, puis, après avoir dansé avec elle, il lui avait offert un verre, pas plus, parce que l’alcool n’était qu’enivrant aux premiers verres avant de devenir franchement dégueu ensuite, cela ne l’avait pas empêchée de le suivre dans son appartement, ni de le laisser la déshabiller doucement tout en embrassant chaque parcelle de son corps nu. Non, cet unique verre avait suffi pour qu’elle se laisse guider jusqu’à son lit, d’enrouler ses longues jambes dorées autour de ses hanches. Elle s’était laissé guider pour ce soir-là. Il l’apprendrait plus tard qu’elle n’était pourtant pas fille à se laisser faire pour autant, au contraire. Quand il la croisa ce jour-là, il se retourna sur elle, il la regarda sans sourire (Il faut le savoir, il est avare de sourires, encore plus des rires, mais il parait que cet air sérieux lui donne du charme), l’observant de ses yeux bleu :

- Aleyna, tu viens avec moi au bal ?

C’était une affirmation plus qu’une question, il était d’un naturel autoritaire, sans pour autant en devenir désagréable, au contraire, ce caractère dur donnait la sensation à ses interlocuteurs d’avoir à faire avec une personne confiante et sûre. Elle fit pourtant une telle tête qu’il ne put que s’esclaffer avant de reprendre d’un air légèrement plus détendu.

- Je t’invite pas à sortir, détend toi, j’ai juste pas envie d’y aller seul !

Bizarrement, Aleyna devait-être la seule fille à trouver cet argument convaincant puisqu’elle finit par accepter. C’est ainsi qu’il se retrouva le soir du bal à l’attendre patiemment à l’entrée, vêtu d’une chemise blanche ainsi qu’un costume tout à fait de circonstance, il avait cependant laissé le cheval blanc à l’écurie. Adossé contre le mur d’entrée, il fumait une cigarette, jetant quelques coup d’œil sur les arrivants, sans vraiment se soucier de la venue, ou non, de sa jolie cavalière.

Adossé contre le mur de pierre, il avait vu sa cavalière arriver de loin, vêtue d’une jolie robe la mettant en valeur, collant à sa peau. Elle n’en avait pas trop fait, et son naturel et son sourire l’enveloppaient d’une grâce qui lui était propre. Elle marchait d’un pas souple sur ses hauts talons, se dirigeant vers lui, en le regardant sans trop d’insistance. Il se surprit à se dire qu’elle était vraiment jolie. Entre eux, une drôle de relation s’était formée, ils n’étaient pas en couple et il n’y avait pas d’amour entre eux, tout juste un brin d’amitié. Et encore, cela était difficile à décrire. Ils se voyaient peu, mais quand ils se voyaient, en général, ils allaient prendre un peu de bon temps. Non pas qu’il la prenait pour une femme-objet, loin de là, elle était plus que consentante, mais cette relation n’était basé que sur leur bonne entente et un accord tacite entre eux leur permettait de ne rien demander de plus à l’autre. Malgré tout, il appréciait sincèrement Aleyna et sa compagnie était agréable Même si au final, il sentait qu’il n’y aurait jamais rien de possible entre eux, à cause de son refus de s’engager, ou peut-être à cause de la face cachée écorchée de la jeune femme . Alors pourquoi l’avoir invitée au bal ? Alors qu’il aurait pu demander n’importe qui, quelqu'un qu’il pourrait s’amuser à séduire – parce qu’il n’était pas un Delta pour rien - ?

- Bonsoir Alleyna. Il la laissa venir à lui pour déposer un bise sur sa joue mais quand elle voulu reprendre ses distances, d’une main habile, il la retint, approchant ses lèvres des oreilles de la jeune femme. D’une voix étonnamment chaleureuse il la complimenta alors à sa façon. Sans oublier la petite pointe sarcastique qui était propre à leur relation. « Aussi joliment vêtue j’ai bien failli ne pas te reconnaître, tu ne m’y a pas habitué. » Il la laissa se dégager d’un petit sourire amusé. S’il se permettait de se moquer gentiment d’elle parfois ou de tourner leur relation en dérision, il restait malgré tout très respectueux et jusqu’à présent, n’avait jamais été animé par un besoin de lui nuire. Au contraire, il sentait au fond d’elle, un besoin de se reconstruire. Il sourit l’air légèrement embarrassé à sa remarque sur son « costume ». Il n’avait pas fait franchement d’efforts pour coller au thème, mais avait malgré tout plutôt bon gout, puis bon, une chemise blanche avec un pantalon et une veste noire, il n’y a pas trop de danger de faire de faux pas vestimentaires. En un sens, ils étaient plutôt bien assortis. Il se laissa alors guider par la jeune femme, bizarrement entre eux, il aimait qu’elle prenne les devants, puis ça semblait lui faire plaisir. Il ne s’était pourtant pas attendu à ce qu’elle vienne l’embrasser ainsi devant les autres, mais au final, il sourit, comprenant quel jeu elle souhaitait jouer. Loin, très loin d’être désagréable. Il en profita donc pour entourer son corps félin d’un bras possessif. Pas tant pour elle que pour les autres. Il l’observa de ses yeux d’acier, lui soufflant à l’oreille « Et de qui cherches tu à être désirée ? »

Sur ces mots, ils entrèrent dans la grande salle préparée à l’occasion du bal. Il resta quelques secondes à observer l’ambiance, la décoration, les personnes présentes et observer quelques points stratégiques. Il repéra en quelques secondes le bar ou se trouvait une immense coupelle de ponch rose, ainsi que la terrasse à l’opposé dudit bar. Le vestiaire et toilettes n’en était pas loin. Mais la musique était plus forte que tout, les basses provoquaient un battement dans sa poitrine, sensation agréable. Il n’était pas franchement habitué à ce genre de soirées, mais un coup d’œil sur la piste de danse le convaincu : tous les étudiants déjà présents se désarticulaient sur une musique de night-club dont il ignorait l’interprète. Mais on s’en fout en fait. D’un geste, il l’entraina vers la piste, se frayant habilement un passage parmi les étudiants, veillant à ne pas la perdre en cours de route. L’ambiance était bonne, il sourit légèrement.

- Maintenant on verra bien si tu danses aussi bien que le soir de notre rencontre tout en étant sobre.
Un petit ton de défi dans sa voix, l’air de rien.

Il était amusant de voir à quel point une personne pouvait sembler être autre dans certaines situations. Né à Manhattan et ayant grandi dans une famille riche et protocolaire, il aurait pu sombrer dans l’oisiveté extrême comme le font la plupart de ceux de son âge, à se droguer et à forniquer jusqu’à ne plus pouvoir, enfin, la jeunesse dorée comme ils l’appellent ou au contraire, devenir la pupille de la famille, celui à qui tout réussit et qui porte des costards à tout juste vingt ans. Estevan aurait du faire parti de ceux là. Brillant élève et doté d’une grande capacité de réflexion, son père lui avait réservé une place au sommet de la Fondation. Il aurait été bourré de pouvoir avec son diplôme de cardiologue en poche, il aurait été riche, puissant et respecté dans le milieu scientifique. Et pourtant, Estevan avait rejeté cette place déjà trop payée. Au contraire, bousillé par son père, il avait quitté sa famille, New-York et le milieu scientifique pour n’être plus qu’un inconnu parmi d’autres à Berkeley. Bon certes, un brillant élève en psychiatrie infantile mais anonyme malgré tout. Tandis qu’il dansait comme un désarticulé avec Aleyna, il se surprit à penser à sa situation. Entre eux, ce n’était que du fun, absolument rien de sérieux et leur relation n’était basée que sur le plaisir de vivre au jour le jour, ne se voir que par envie et jamais par obligation. Ils se voyaient jusqu’alors régulièrement, enfin, ils avaient du se revoir 2 ou 3 fois après l’invitation, à coucher ensemble dans l’appart à la belle étudiante puis lui, à s’amuser avec la petite rescapée d’Aleyna, gamine qu’il appréciait beaucoup et dont la maladie ne lui posait absolument aucun soucis. Bref, il se mit à songer un instant de la réaction qu’aurait pu avoir son amie s’il lui annonçait qui il était vraiment. Non pas qu’il ne fut pas Estevan Andréani, mais il aurait également pu s’annoncer comme « Bonjour, je suis le futur Docteur Andréani, les cardiologues du pays me courtisent et mon compte en banque contient assez de zéros pour me permettre de vivre sans travail jusqu’à la fin de mes jours ». Aurait-elle été la même ? Peut-être. Mais peut-être que non, peut-être qu’elle n’aurait pas été aussi dingue ce soir là, peut-être qu’elle ne se serait pas lancée dans ce jeu de défis. Il adorait d’ailleurs la tournure de la situation, ce bal promettait d’être intéressant, et ce, de tous les points de vue. Et justement, Aleyna ne s’était pas trahie : elle restait la même fille délurée et folle qu’il avait rencontrée : A peine sur la piste de danse, elle commença à gesticuler n’importe comment, en imitant les pas de danse les plus improbables. Il trouve l’idée très bonne et fit celui qui trouvait cela tout à fait normal et adapté à la musique, bien qu’elle fut en contre-temps total. Au changement de musique, elle se redevint pourtant sérieuse à danser comme elle savait si bien le faire. Il sourit en l’accompagnant dans sa danse, il avait plutôt un bon feeling et savait gérer son corps. Il la suivait donc dans les pas les plus périlleux, plongeant son regard d’acier, qui en fait était surtout noir dans l’obscurité dans les yeux de la jeune femme, un léger sourire au coin des lèvres laissant apparaitre sur son visage l’appât du jeu.

« Méfie-toi, je suis un grand joueur… »

Ce n’était pas tant une mise en garde qu’un accord. Elle le cherchait ? Elle allait le trouver et très vite ! Tandis qu’elle lui susurrait un premier défi plus ou moins impossible, il sourit la laissant le guider sur ses courbes, il devait avouer qu’il était difficile de ne pas y prendre gout, il le lui fit savoir d’ailleurs « Ton premier défi va être difficile, mais je pense que je devrais pouvoir le relever… ». Il ne la lâche cependant pas d’une seule seconde et profita même pour passer ses mains innocemment sur ses fesses, comme par erreur. Eh ben zut alors, j’ai dérapé ! Il dansait cependant tout contre elle, la dominant par sa taille et profitant de leur proximité. Il se recula cependant sans crier gare. « Mais je crois que pour mieux te résister, je vais plutôt danser avec la petite blonde là bas, je te défie de trouve un moyen de me retenir… » Et face à la seconde de surprise de la part de sa cavalière, il lui glissa un "Toujours tricher, toujours gagner..." d'une voix brûlante.D’un genre faussement désintéressé et il s’éloigna d’elle, jetant un regard amusé par-dessus son épaule, s’approchant de la blonde en question qui lança un regard narquois à la belle brune. Il la défiait du regard. Tous les coups sont permis, non ?